TPS/TVQ: Bravo, mais, il me manque entre un et six milliards!

Actualité du Québec-dans-le-Canada - Le Québec entravé



Comme tout Québécois normalement constitué, et bien qu’indépendantiste, je suis évidemment ravi qu’Ottawa et Québec se soient entendus pour le versement des 2,2 milliards de dollars venant compenser le Québec pour les pertes encourues par l’harmonisation de sa taxe provinciale avec la nouvelle TPS fédérale en… 1992.
Mon ami André Pratte, de La Presse, lançait ce samedi un appel pressant aux séparatistes pour qu’ils se montrent enfin heureux:

Voici le problème réglé. Concluront-ils que le fédéralisme fonctionne? Ce dossier sera-t-il au moins placé dans la colonne des actifs du régime canadien?

Je comprends André. Il s’attend à ce que de mesquins séparatistes soulignent le fait que les autres provinces ont immédiatement été compensées pour leur harmonisation alors que le Québec, lui, a du attendre 20 ans. Pas moi.
Non, pour moi, toute victoire est bonne à prendre, même si elle tarde. En fait, c’est ce qui fait le charme du fédéralisme: le simple fait qu’on doive attendre si longtemps (20 ans pour l’harmonisation, 30 ans pour la formation de la main d’œuvre, 135 ans pour une reconnaissance non constitutionnelle et non opérationnelle de notre existence comme nation) crée un suspense qui rend passionnante notre participation à ce beau et grand pays.
C’est comme les anciennes pubs de ketchup Heinz avec “Anticipation” en bande sonore. Le ketchup va-t-il finir par sortir ? L’attendre, c’est encore meilleur que de manger les frites.
L’important, c’est les chiffres
Je préfère me concentrer sur la grande victoire, en soi, et constater combien les choses fonctionnent super bien. Ottawa devait, en 1992, au Québec 2,2 milliards. Il obtient, cette année, 2,2 milliards.
Mais, j’y pense. N’y a-t-il pas eu, entre ces deux dates, un phénomène très peu connu mais non moins réel que les spécialistes en économie appellent du terme technique de: inflation ?
J’espère que le ministre québécois des Finances me lit car je vais éventer un secret d’État. Si vous allez sur le site de la Banque du Canada, vous trouverez la “Feuille de calcul de l’inflation“.
Si vous inscrivez une somme au hasard (disons, 2,2 milliards) avec une date (disons, 1992), la page vous donnera automatiquement la valeur, pour 2011, de la somme de 1992.
Vous allez sourire, M. le Ministre, 2,2 milliards de 1992 valent… 3,2 milliards. Un milliard de plus. Autrement dit, si nous avions eu le 2,2 milliards en 1992, nous aurions pu nous acheter 50% davantage de services. C’est rigolo, non ?
Il y a même un taux d’intérêt légal !
Mais puisqu’on se taquine, laissez-moi vous dire qu’en temps normal, lorsque le gouvernement fédéral doit de l’argent pendant un certain temps à un individu ou une entreprise, il a voté une loi qui l’oblige, non à ajuster pour l’inflation, mais à payer un taux d’intérêt légal.
On trouve ce taux sur le site de Revenu Canada ici. Or, si on applique ce taux à la somme de 2,2 milliards dus au Québec depuis 1992, on obtient — cramponnez-vous, M. le Ministre — près de 9 milliards !
C’est ce que le Québec devrait au Canada s’il avait omis de lui payer, en 1992, 2,2 milliards de dollars !
Avec l’inflation, le Québec s’est fait avoir de 50%. Avec le taux d’intérêt légal, de 360%.
Mais c’est réglé. Le fédéralisme fonctionne. Et c’est le cœur joyeux qu’on se dirige vers de nombreuses autres grandes victoires comme celle-ci.

Squared

Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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