Travailleurs diplômés peinant à lire et à compter

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Ça, c'est un vrai drame !

Près du cinquième des diplômés universitaires québécois et canadiens ne disposent pas des compétences de base en matière de lecture et de calcul.

Un peu plus de 18 % des travailleurs québécois détenteurs d’un diplôme universitaire n’atteignent pas le seuil de compétence en littératie ou en numératie généralement considéré comme minimal pour bien fonctionner dans une société moderne, constate l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) dans une récente publication. Cette proportion frôle les 45 % chez ceux dont le diplôme le plus élevé est celui du cégep et 56 % pour ceux ayant un diplôme d’études secondaires.

Tirées de la plus récente enquête du Programme d’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ces proportions sont assez proches de ce qu’on retrouve dans le reste du Canada ainsi que dans la moyenne des pays industrialisés. Selon le rapport qu’en faisait Statistique Canada cet automne, 27 % des diplômés universitaires et 47 % des diplômés d’études postsecondaires se situent sous le seuil critique en matière de littératie, contre respectivement 31 % et 54 % en matière de numératie.

Ces proportions semblent à peine meilleures chez les jeunes fraîchement diplômés âgés de 25 à 34 ans. Le portrait s’améliore si l’on restreint son regard à ceux qui sont nés au Canada, mais on y trouverait malgré tout environ 16 % de diplômés universitaires sous le seuil fatidique en littératie et presque le quart (23 %) sous celui de la numératie, rapportait cette semaine Sébastien Côté-Larochelle, de Statistique Canada, lors d’un colloque de deux jours organisé à Montréal par l’ISQ et l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et portant sur la montée du phénomène des travailleurs surqualifiés.

« Il faut voir, dans certains cas, ce qu’on entend par diplômés surqualifiés », a dit l’un des participants lorsqu’il était question de tous ces diplômés universitaires occupant des emplois pour lesquels leur formation dépasse les niveaux normalement requis.

De l’importance grandissante de savoir lire et compter

Basée sur une échelle allant de 1 à 5, l’enquête du PEICA ne fixe plus formellement de seuil minimum de compétences requises pour être en mesure de participer activement à la vie sociale et économique. Les experts continuent cependant de l’établir au niveau 3. En matière de littératie, cela correspond, entre autres, à la capacité de lire et de comprendre l’information contenue dans les journaux. En matière de numératie, il s’agit de comprendre de l’information mathématique présentée sous différentes formes (nombres, textes ou graphiques) et d’effectuer des opérations de résolution de problèmes. Dans les deux cas, il s’agit du niveau minimal de compétences souhaité pour obtenir un diplôme d’études secondaires et occuper un emploi de base.

On ne saurait suffisamment insister sur l’importance de ces compétences générales en matière économique, a rappelé lors du colloque l’économiste émérite de l’UQAM Pierre Fortin. « On parle tout le temps de l’économie du savoir et de l’importance d’avoir une main-d’oeuvre comptant plus d’années d’études, mais la recherche montre que la variable la plus déterminante est le degré de maîtrise des compétences de base, c’est-à-dire lire, écrire et compter. »

Au-delà des diplômes, les entreprises cherchent avant tout à engager des travailleurs possédant « des compétences génériques », a expliqué Florent Francoeur, p.-d.g. de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. « La nature des tâches évolue constamment. Les employeurs cherchent des candidats capables de s’adapter tout au long de leur carrière. »

C’est tout le drame des travailleurs les moins qualifiés, a fait observer Denise Boucher, vice-présidente à la CSN. « Tant que la nature de leurs tâches ne change pas, ou que l’entreprise ne ferme pas, on ne les remarque pas toujours. Mais ce sont ceux qui ont le plus de mal à se replacer. »

Examen de conscience

Toute cette histoire s’avère désolante, a dit vendredi au Devoir le président du Conseil supérieur de l’éducation, Claude Lessard, bien que le Québec n’y fasse vraiment ni mieux ni pire que la moyenne canadienne ou que celle des pays développés. Elle est particulièrement préoccupante pour ceux qui sortent tout juste de nos écoles, parce que ceux qui ne maîtrisent pas les compétences de base sont généralement portés à éviter les situations qui les confrontent à leurs limites et que « l’habileté à lire et à compter, c’est comme un muscle. Si on ne l’exerce pas, il perd de sa force avec le temps ».

Le fait qu’on puisse encore obtenir un diplôme universitaire sans maîtriser les compétences de base lui apparaît complètement incompréhensible. « Il y a quelque chose qui ne marche pas, là ! Ce n’est pas normal, dit l’ancien doyen de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. Les universités ont un sérieux examen de conscience à faire sur leurs pratiques, notamment sur leurs méthodes d’évaluation. »


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