Un premier ministre du Québec qui, en mission à l’étranger, choisit de faire une présentation publique en anglais seulement, est-ce si grave que cela?
La réponse facile : bien sûr que non! L’anglais n’est-il pas la lingua franca universelle? Du moins, c’est ce qu’on nous martèle depuis de nombreuses années.
La réponse plus nuancée : sans être un crime contre l’humanité, il reste qu’un premier ministre du Québec en mission à l’étranger, quel qu’il soit, libéral ou péquiste, et où qu’il soit, est en représentation.
Comme chef de gouvernement, il représente le Québec dont la langue officielle est le français. C’est précisément pour cette raison qu’il doit s’assurer de parler en français lorsqu’il livre un discours ou fait une présentation. Ce qui ne l’empêche aucunement de le faire aussi en anglais ou dans la langue du pays hôte, bien sûr, s’il la maîtrise.
C’est pourquoi, lorsque le premier ministre Philippe Couillard, en mission en Islande, à Reykjavik, choisissait en fin de semaine de «parler du Plan Nord» en anglais seulement, il aura manqué à son rôle de représentation en tant que chef du gouvernement québécois.
Pour la même raison, un premier ministre du Canada, lorsqu’en mission à l’étranger, doit pour sa part s’assurer de communiquer ses messages en anglais et en français. Dans son cas, parce qu’il représente le Canada, dont le français et l’anglais sont les deux langues officielles.
Ou, dit autrement, cela fait partie de sa définition de tâches…
C’est pourquoi mon collègue Guy Gendron, journaliste d’expérience, avait tout à fait raison de souligner sur twitter qu’«aucun premier ministre du Canada n’aurait fait ça».
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Questionné sur son choix, Philippe Couillard répondait que l’«important pour nous est que l’auditoire comprenne le message». «Je pense que le message a bien passé», ajoutait-il, «et c’est ça, le plus important.»
Or, s’assurer qu’il y ait une part en français dans tout discours public livré à l’étranger par un premier ministre du Québec – la proportion variant selon les circonstances -, c’est tout aussi important. Très important.
En guise d’explication, M. Couillard précisait qu’il n’y avait «pas de traduction simultanée» sur place.
Dans ce cas-là, il eût justement fallu que le Ministère des relations internationales, en concert avec le bureau du premier ministre, s’assure au préalable qu’il y ait traduction simultanée sur place.
Et si, malgré tout, cette demande est impossible à honorer, cela ne devrait jamais empêcher de prévoir une portion du discours en français. Après tout, le français est une langue internationale, pas un vulgaire patois.
Agacé, le premier ministre précisa sa pensée :
«Tout le monde sait que le Québec est francophone. Si on est rendu au point où il faut dire que le Québec est francophone, on a un problème.»
«Tout le monde» le sait? Vraiment? La question n’est pourtant pas là. Encore une fois, c’est ici une question de représentation à l’étranger par le premier ministre lui-même. Dans ce cas-ci, le premier ministre est celui du Québec – un État dont la langue officielle est le français.
Si le premier ministre du Québec, quel qu’il soit, ne s’assure plus de prévoir une portion en français dans tout discours qu’il livre à l’étranger, comment blâmer ce même «tout le monde» anonyme de finir lui-même, un jour, par l’oublier…
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