Le matamore*

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Plutôt un roquet

L’ambition de Jean-François Lisée de diriger un jour le Parti québécois est un vieux secret de Polichinelle. Ex-journaliste, ex-conseiller et ex-ministre, il en fait d’ailleurs lui-même un «prolongement logique» de sa carrière.
Un sondage récent ne lui donne toutefois que 2% d’appuis chez les électeurs péquistes. Loin derrière les 53% de Pierre Karl Péladeau. Un réveil brutal. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la confrontation avec PKP engagée ces derniers jours par M. Lisée.
En sommant PKP de choisir entre la politique et ses actions de Québecor, Jean-François Lisée, bon dernier, choisit l’offensive contre le meneur. Ce faisant, il cherche à projeter l’image d’un véritable adversaire.
En tenant tête à l’ex-puissant magnat de la presse, il fait aussi de l’œil à l’aile «gauche» restante du PQ. D’autant que PKP recentre lui-même son message économique en se présentant comme un adversaire de l’«austérité libérale».
En braquant les projecteurs sur cette question aussi tôt dans la course, Jean-François Lisée cherche en même temps à faire pâlir l’étoile de PKP.
À court terme, la stratégie est audacieuse. Certains y voient même du «courage» au lieu d’une joute politique pourtant évidente. À moyen terme, par contre, elle pourrait se retourner contre lui.
Quand l’ambition frappe un mur
Pour leurs propres raisons tactiques, d’autres candidats probables – les Bernard Drainville, Martine Ouellet, Alexandre Cloutier – refusent déjà d’aller sur ce terrain. Résultat: Jean-François Lisée se retrouve isolé au PQ sur cette question.
Dans une course à la chefferie, l’approbation de quelques chroniqueurs n’achète pas nécessairement des votes sonnants chez les militants.
Si M. Lisée part d’aussi loin, c’est aussi parce qu’au PQ son omniprésence insistante comme ministre, entre autres choses, lui vaut déjà son lot d’inimitiés. Son offensive sur le terrain explosif de l’intégrité personnelle de celui qui sera peut-être leur prochain chef risque maintenant d’y être vue comme le geste d’un matamore trop ambitieux.
L’impression qui se dégage de cette guerre froide est surtout celle d’un Jean-François Lisée prêt à jouer son va-tout. Difficile, en effet, d’imaginer une collaboration sereine entre les deux hommes si PKP remportait la chefferie.
Soulever des questions d’intégrité sur un adversaire au sein d’un parti laisse habituellement des traces.
Régler la question
Les questions portant sur la nature des liens entre PKP et Québecor finiront néanmoins par se poser dans l’opinion publique elle-même.
Là où la stratégie Lisée fait mouche, c’est d’en avoir fait «la» nouvelle avant, pendant et après la Conférence des présidents réunis samedi pour décider des règles de la course.
Simple député, s’il devient chef, PKP s’engage à suivre les directives du commissaire à l’éthique. Or, le nouveau chef ne sera choisi qu’en mai prochain.
D’ici là, pour le bien de son parti, M. Péladeau serait sage de proposer lui-même une solution au dilemme. Une solution qui, s’il remportait la chefferie, serait apte à assurer l’indépendance mutuelle de Québecor et du PQ.
À vrai dire, il serait étonnant que le principal intéressé n’y ait pas déjà réfléchi très sérieusement.
***
Addendum:
Ce même mardi, les événements se sont ensuite considérablement bousculés dans le «dossier» PKP, initié essentiellement pour des raisons stratégiques - comme je l’explique dans cette chronique -, par M. Lisée, un de ses adversaires plus que probables de la course à la chefferie.
En après-midi, le chef de la CAQ, François Legault, proposait quant à lui le texte d’une «motion» à l’effet que l’Assemblée nationale demande au gouvernement «d’étendre les dispositions du Code d’éthique et de déontologie» des élus de l’Assemblée nationale pour prévoir qu’un député ou sa famille médiatique ne puisse d’aucune façon détenir directement ou indirectement la majorité des actions ou une position de contrôle dans une entreprise médiatique. Bref, une motion taillée sur mesure pour Pierre Karl Péladeau.
Puis, en fin de journée, Radio-Canada rapportait ceci: dans un chapitre d’un livre à paraître d’ici un mois, signé Jean-François Lisée et dont le sujet est sa propre feuille de route politique, ce dernier affirme maintenant qu’il aurait voté «contre» la charte des valeurs du gouvernement Marois dont il était lui-même ministre. Du moins, si elle n’avait pas été «modifiée» selon ses préférences. Une version que plusieurs trouveront sûrement passablement forte de café.
Décidément, en quelques heures seulement, l’expression «matamore» prend déjà des airs d’euphémisme.


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