Alexandre Shields - Pauline Marois et Gilles Duceppe ont voulu jouer la carte de l'unité de la famille souverainiste en arrivant côte à côte à un brunch partisan hier matin, au moment où le Parti québécois traverse une crise «sans précédent», selon Bernard Landry. Mais un nouveau sondage indique tout de même qu'avec M. Duceppe à leur tête, les péquistes pourraient prendre le pouvoir aux prochaines élections, devançant même un éventuel parti dirigé par François Legault. Avec Mme Marois, ils risqueraient plutôt de terminer au troisième rang, derrière les libéraux de Jean Charest.
La chef péquiste a néanmoins répété, devant une assemblée de partisans réunis à Sorel-Tracy, qu'elle entendait continuer de se «battre». «Certains s'imaginent que les secousses vont nous déstabiliser. Mais je vais vous dire une chose: j'ai traversé bien des crises depuis que je fais de la politique. J'ai vu bien des gens abandonner devant l'adversité. Mais j'en ai vu d'autres redoubler d'effort, se battre et, contre toutes les prédictions, finir par l'emporter.»
Elle s'est même permis de rappeler qu'avant l'élection victorieuse de 1976, René Lévesque avait lui aussi dû affronter la fronde de certains de ses députés. Quant à Jacques Parizeau, il s'était fait reprocher, en 1994, de ne pas être en phase avec les Québécois. «Imaginez un seul instant s'il avait écouté les oiseaux de malheur», a-t-elle laissé tomber.
Gilles Duceppe, que certains placent comme un successeur crédible à la chef du Parti québécois, a quant à lui évité soigneusement l'épineuse question du leadership péquiste. Il a plutôt choisi de réaffirmer sa confiance en Pauline Marois, en parlant d'une femme déterminée qui affronte «des temps difficiles», mais qui a néanmoins «toute sa confiance». «Si René Lévesque avait écouté les sondages en 1976, aurait-il continué? Et si Jean Charest, en 2003, avait écouté les sondages ou si Jack Layton en mars dernier avait écouté les sondages, aurait-il continué?», s'est questionné Gilles Duceppe, minimisant la portée des coups de sonde qui montrent un recul de l'appui à Pauline Marois.
L'ancien chef du Bloc québécois a aussi insisté sur la capacité des partis fédéralistes à faire front commun lorsqu'il s'agit de questions nationales. «Quand le mot Canada est prononcé, qu'on soit de gauche ou de droite [...], tous sont ensemble, parce qu'ils sont fiers de leur pays. Leur unité fait leur force, la division fait notre faiblesse, c'est ça qui se passe.»
Mme Marois et M. Duceppe ont refusé de s'adresser aux médias présents au brunch populaire du Parti québécois (PQ) de Richelieu, évitant ainsi d'aborder la question de la direction du parti. Ils ont préféré se livrer à une démonstration d'unité, au moment où les troupes souverainistes traînent loin derrière un parti — toujours inexistant — qui serait dirigé par François Legault, et même derrière les libéraux. Les députés présents se sont ralliés au message d'unité. Le député de Richelieu, Sylvain Simard, s'est porté à la défense de sa chef, affirmant que le PQ n'en était pas à sa première tempête. Son collègue Yves-François Blanchet, représentant de Drummond à l'Assemblée nationale, a quant à lui soutenu que le grenouillage dans les rangs de son parti n'était qu'un faible mouvement.
Le PQ au pouvoir
Mais un nouveau sondage rendu public hier révèle que les Québécois seraient prêts à porter le Parti québécois au pouvoir, à condition que Gilles Duceppe en soit le chef. Selon ce coup de sonde Léger Marketing/Agence QMI — mené mercredi et jeudi derniers —, les troupes péquistes recueilleraient 37 % des intentions de vote si l'ancien chef bloquiste prenait la place de Pauline Marois. Un éventuel parti bâti autour de M. Legault se retrouverait au second rang. M. Duceppe permettrait en outre au PQ de dépasser largement les libéraux de Jean Charest, qui récolteraient seulement 21 % des suffrages.
Une majorité de Québécois (58 %) estime en outre que Pauline Marois devrait quitter ses fonctions avant les prochaines élections. Un total de 34 % des partisans péquistes sont du même avis. Quant au choix du remplaçant, Gilles Duceppe est, sans surprise, largement en avance, loin devant Bernard Drainville et Pierre Curzi.
«Sans précédent»
L'ancien chef péquiste Bernard Landry a par ailleurs fait part de ses vives inquiétudes quant à la situation au PQ dans le cadre d'une entrevue accordée à l'émission Les coulisses du pouvoir. «Ça m'attriste beaucoup. Je crois que c'est sans précédent d'avoir autant de turbulences. Si on regarde la répercussion dans les sondages, c'est absolument sans précédent», a-t-il insisté. «C'est troublant», a-t-il ajouté.
«C'est une tragédie non seulement pour le Parti québécois, mais pour le Québec, a poursuivi l'ancien premier ministre. L'effondrement du Parti québécois déséquilibre totalement le Québec dans son dialogue ou son affrontement avec le reste du Canada. Nous sommes terriblement affaiblis par la catastrophe du Bloc et par l'ébranlement du Parti québécois.»
Selon lui, une partie du problème réside dans le «flou artistique» entretenu autour de la question de l'indépendance du Québec, M. Landry a d'ailleurs profité de l'occasion pour critiquer l'idée de la «gouvernance souverainiste». «Il y a un message subliminal. Quand on dit qu'on va faire de la gouvernance souverainiste, le "subliminal", c'est qu'on peut gouverner "souverainiste" sans être souverain.» Le PQ a, au dire de M. Landry, un «problème de clarté» dans son discours. Il estime néanmoins que la formation peut encore rebondir. «Ce sont souvent les situations tragiques qui donnent l'assise à un nouveau climat.»
Il a toutefois refusé de se prononcer sur un éventuel départ de Mme Marois. «Je ne veux pas personnaliser le débat», a d'abord dit M. Landry, avant d'ajouter que les «militants» péquistes doivent se rappeler qu'il faut placer «le parti avant les personnes». L'ancien premier ministre s'est aussi montré avare de commentaires quant au rôle que pourrait jouer Gilles Duceppe. «C'est lui qui va en décider», a-t-il mentionné, saluant au passage un «ami» d'une «sagesse remarquable».
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Avec La Presse canadienne
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