Une année horrible pour les souverainistes

Indépendance - le peuple québécois s'approche toujours davantage du but!



Annus horribilis est l'expression employée par notre reine Élisabeth II pour qualifier l'ensemble de ses déboires familiaux en 1992. L'année qui s'achève fut également catastrophique pour les souverainistes. Parlez-en aux organisateurs bloquistes ou péquistes! Tout le monde en convient, 2012 ne s'annonce guère mieux pour celles et ceux qui désirent encore faire du Québec un pays.
L'opposition au très impopulaire gouvernement Charest est divisée. Le débat puéril sur les accommodements raisonnables resurgit juste avant le temps des Fêtes. Le réalignement des nationalistes «bleus» en faveur du terne François Legault n'augure rien d'excitant en politique «provinciale». Quant à l'engouement que les Québécois semblent porter à Gilles Duceppe depuis son humiliation du 2 mai, il tient du paradoxe. Possiblement le même qui reporta René Lévesque au pouvoir moins d'un an après le premier échec référendaire.
Soyons clair. Toute nation qui se respecte aspire à fonder un État. Dans une fédération, chaque nation doit faire des compromis, parfois sur ses intérêts vitaux. Des crises ont éclaté par le passé, d'autres se produiront inévitablement à l'avenir. Pour rendre la domination de la majorité moins oppressante, les Parent, LaFontaine et Cartier ont cultivé et exploité habilement la théorie du pacte, de la dualité canadienne. Qui a été dupe du mythe des «deux peuples fondateurs», à part les francophones?
Au Canada anglais, le Québec est une province ne nécessitant aucun statut particulier et les francophones ne constituent qu'une minorité parmi d'autres. Cette conception trouve son expression notamment dans le multiculturalisme et la Charte canadienne des droits. What does Quebec want? À 23 %, la «réserve française» n'est même plus une préoccupation pour le ROC et ses hauts fonctionnaires unilingues. Trente ans sans adhérer à la Constitution du pays et nul sentiment d'urgence. Autant de coups de force ou de simples ingérences dans notre vie collective qui ne justifient pas qu'on s'oublie.
Nous ne devons pas fléchir dans nos moyens comme dans nos aspirations les plus légitimes. Pourtant, de vexations en révoltes, mesures de guerre et «dernières chances» — la «vague orange» est le nouvel avatar — l'histoire politique du Québec bégaie, tourne en rond dans ses projets, son utopie républicaine. Épuisés, nos représentants délaissent le contenu pour le contenant. Le peuple ne leur fait plus confiance. Et pour cause, comme le souligne Joseph Yvon Thériault dans un texte publié par Le Devoir, la démocratie s'exerce de plus en plus contre la politique. Populisme de droite, populisme de gauche... L'environnement, la santé, le déficit zéro ou les accommodements raisonnables deviennent autant d'exutoires «citoyens» au refoulement de la question nationale.
Soit dit en passant, la question nationale n'appartient pas seulement aux Montréalais. André Laurendeau, par exemple, le savait et évitait la condescendance à l'égard des régions. Il y a une vie intellectuelle progressiste hors du conservatisme identitaire élitiste de certains intolérants. Leur attitude centralise et isole le mouvement national, car les principes de la liberté, les droits de l'homme, la nature et l'objet d'un gouvernement occupent tous les esprits et se discutent jusque dans le village le plus reculé de notre Québec immense. Fernand Dumont ne disait-il pas, en 1991, «la première condition pour une décentralisation véritable n'est pas d'abord de l'ordre de l'organisation ou de l'administration; elle relève de la culture»?
Mauvaise nouvelle pour le Québec français, les trois circonscriptions créées dans la couronne de Montréal ne seront jamais aussi francophones que Lotbinière, Kamouraska-Témiscouata et Matane. Le coup fatal porté à notre nationalité en région pourrait bien venir de ces jeunes issus de la classe moyenne qui partent en autobus étudier à l'extérieur en souhaitant au retour parler un anglais sans accent, c'est-à-dire sans québécitude. La suprématie anglo-saxonne impressionne toujours les moutons atteints de fatigue culturelle. Où sont les Indignés de la langue?
Tocqueville a écrit: «Les peuples se ressentent toujours de leur origine.» Ce que nous disons et ce que nous ferons comme Québécois témoignent d'une volonté d'en finir. En attendant notre capitulation définitive promue par les tenants de la collaboration sans condition, vivre en français est plus que jamais un acte de résistance.
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Caroline Sarah Saint-Laurent - Historienne et étudiante au doctorat en sociologie, Saint-Donat-de-Rimouski


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