New York - Jamais les commémorations des attentats du 11 septembre n'auront été aussi politiques. Et ce n'est pas seulement parce que nous sommes dans une année électorale aux États-Unis. C'est surtout parce que, pour le président George W. Bush, il y a un risque que toute sa réponse aux attentats, l'élément central de sa présidence, soit en voie d'être désavouée par l'électorat américain.
Jamais n'avait-on vu autant le président dans les commémorations. Hier, en fin d'après-midi, il est allé déposer deux couronnes de fleurs à Ground Zero avant d'aller à un service religieux à l'église St-Paul, toute proche. L'accès au site a donc été bouclé plusieurs heures avant l'arrivée du président et la sécurité est omniprésente à Manhattan.
Un hommage silencieux, destiné à montrer de nouveau le président Bush sur le site du WTC - là où il avait connu son plus grand triomphe de relations publiques, trois jours après le 11 septembre 2001, entouré de pompiers et de secouristes, avertissant les auteurs des attentats qu'il "entendront parler de nous" très bientôt.
Des images fortes pour contrer une contestation de plus en plus bruyante de sa version des faits dans cette guerre au terrorisme, entreprise au lendemain des attentats.
Aujourd'hui, le président Bush essaiera de susciter d'autres images fortes avec une rencontre avec des pompiers à New York, avant d'aller en Pennsylvanie sur les lieux de l'écrasement du vol 93 de la United Airways, puis une visite au Pentagone avant de s'adresser à la nation en direct à la télévision à 21 h.
Les années précédentes, le président Bush et les membres de son administration avaient choisi de se faire discrets, observant une minute de silence à Washington, bien sûr, mais laissant toute la place aux familles des victimes lors des cérémonies officielles.
La journée d'hier a commencé de façon très politique avec le vice-président Dick Cheney donnant une rare entrevue télévisée, affirmant encore une fois que la guerre en Irak est un élément essentiel de la guerre au terrorisme.
Même s'il a admis avoir été trop optimiste dans son évaluation de la résistance en Irak et que la décision d'aller renverser Saddam Hussein avait été prise à partir de renseignements inexacts, il affirmait que, si c'était à refaire, il recommanderait encore de faire la guerre à l'Irak.
Toutes les raisons pour cette guerre sont devenues très contestables, mais l'administration Bush a quand même un argument de poids, qu'on a vu autant le vice-président Cheney que la secrétaire d'État, Condoleezza Rice, répéter plusieurs fois hier : il n'y a pas eu d'attentats aux États-Unis depuis 2001. "Ça doit vouloir dire qu'on a fait quelque chose qui marche", disait M. Cheney.
Clairement, la stratégie de l'administration Bush est de tenter, une nouvelle fois, d'exploiter la peur de nouveaux attentats terroristes à l'avantage des candidats républicains.
Au cours des dernières semaines, autant le président que ses principaux conseillers ont occupé toutes les tribunes pour tenter de convaincre qu'il y a un lien entre une guerre en Irak impopulaire et la toujours populaire lutte au terrorisme.
Il y a aujourd'hui 59 % des Américains, selon les plus récents sondages, qui croient que la guerre en Irak n'en valait pas la peine. Et 54 % croient que la présence américaine en Irak crée plus de terroristes qu'elle n'en supprime. Ce sont des chiffres qui font mal à l'administration Bush qui essaie très fort de rétablir un lien dans l'esprit des Américains entre l'Irak et la guerre au terrorisme.
"L'issue de la guerre au terrorisme dépend de la guerre en Irak. Les terroristes le savent", disait la semaine dernière le président Bush. Mais ce discours est devenu encore plus difficile à tenir, vendredi dernier, quand un rapport du Sénat a conclu qu'il n'y avait jamais eu de lien entre le régime de Saddam Hussein et le réseau Al-Qaida d'Oussama ben Laden.
Dans ce contexte politique hautement chargé, tout devient important. Même la fiction.
Le réseau de télévision ABC devait commencer à diffuser un "docu-drame" sur les événements qui ont mené au 11 septembre 2001, que des démocrates éminents, dont l'ancien président Bill Clinton, ont tenté sinon de faire retirer des ondes, au moins de faire modifier substantiellement.
On y montrait, entre autres, le conseiller à la sécurité nationale de Clinton refusant de donner le feu vert à une attaque contre Oussama ben Laden plusieurs années avant les attentats de 2001. Aucun document officiel n'appuie cette version des faits et on a découvert que le scénariste du "docu-drame" en question est un républicain notoire.
La controverse a fait rage toute la fin de semaine et le réseau ABC a fait des changements au montage de son film jusqu'aux minutes qui ont précédé sa diffusion.
Dans tout cela, il y a bien peu de place pour les victimes et leurs familles. Il y aura, bien sûr, la désormais traditionnelle lecture des noms des victimes ce matin. Mais, pour l'essentiel, ce cinquième anniversaire aura appartenu aux politiciens.
Pour joindre notre chroniqueur : mcauger@lesoleil.com
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