Nos chiens de garde sont-ils trop gentils ? On est porté à le croire lorsqu’on observe la fin abrupte de l’audition des « témoins de fait » à la commission Charbonneau. Mais aussi la conduite du Directeur général des élections, qui plaida l’impuissance bien facilement, au début des années 2000, lorsqu’il fut mis au courant des rumeurs de financement illégal des partis. Au fond, une Commission permanente anticorruption (CPAC) devrait peut-être seconder l’UPAC.
Les attentes de la population à l’égard de la commission Charbonneau étaient peut-être trop élevées. D’où une certaine déception ambiante à l’égard de ce grand exercice public. On y a peut-être vu trop aisément un processus quasi magique pour faire surgir toute la vérité : stratagèmes, combines, corruption…
La déception ambiante a toutefois quelque chose d’absolument légitime. L’impression d’inachèvement que plusieurs ont ressentie a assurément été confirmée et amplifiée par l’interview au Devoir de l’enquêteur à la retraite Sylvain Tremblay, lundi. Selon ce dernier, la CEIC a carrément négligé des preuves cruciales provenant l’opération policière Diligence. Ce faisant, la CEIC aura épargné le parti au pouvoir. L’enquêteur doute même que la Commission puisse remplir le mandat confié le 9 novembre 2011, soit de « dresser un portrait » des stratagèmes collusions et de corruption dans l’octroi et la gestion de contrats publics.
Cette déclaration troublante, faite par un personnage des plus crédible, a conduit l’opposition officielle à réclamer avec raison mardi en Chambre la prolongation des travaux de la Commission. Malheureusement, les commissaires n’ont rien demandé de tel et le gouvernement se réfugie derrière l’indépendance des commissions d’enquête pour éviter le sujet.
Autre chien de garde décevant : le Directeur général des élections (DGE), qui, pendant 15 ans, a semblé avoir préféré la « réflexion » et les comités à l’action en matière de financement illégal des partis politiques. Par exemple, en 2002, Jean-Pierre Charbonneau, alors ministre de la Réforme des institutions démocratiques, avait cherché à alerter le DGE sur le fait que le financement des partis serait « devenu de moins en moins populaire, car beaucoup d’entreprises contribueraient aux caisses électorales par personnes interposées ». La réponse du DGE d’alors, Marcel Blanchet, a quelque chose de choquant. Il se dit « alerté », mais invoque tout de suite les « obstacles considérables » aux enquêtes pour financement illégal. La Charte des droits imposerait beaucoup de limites, se défend-il de manière peu convaincante, insistant sur son rôle « pédagogique ». Pourtant, la loi investit (art. 494) le DGE, pour ses enquêtes, « des pouvoirs et de l’immunité d’un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête » (à l’exception de l’emprisonnement). Bien sûr, trouver des témoins, monter une preuve admissible en cour, n’est pas aisé, mais c’est son travail !
Il aurait du reste été tout à fait possible à l’époque pour le DGE de faire des recoupements, de rendre publiques ses inquiétudes ; d’inviter les témoins à se confier. Québec solidaire, dans ses célèbres enquêtes de 2009-2010 ayant permis d’épingler entre autres la firme d’ingénierie Axor pour financement illégal, ne jouissait pas des pouvoirs d’un commissaire !
Le libéral Pierre Moreau proposa, pendant la course à la chefferie du PLQ, de rendre la commission Charbonneau permanente pour prendre la relève des policiers lorsque ces derniers sont incapables d’amasser suffisamment de preuves. Peut-être. Il reste que le DGE pourrait jouer en grande partie ce rôle, avec les autres chiens de garde (commissaire au lobbyisme). Il leur faut toutefois être conscients de leurs grands pouvoirs, et plus audacieux.
COMMISSION D’ENQUÊTE ET DGEQ
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