Une grande mobilisation sans grands effets

Le projet de loi sur les régimes de retraite sera adopté d’ici peu malgré la grogne syndicale

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Une stratégie qui a échoué, des tactiques à revoir

À l’exception de Québec solidaire, des représentants de tous les partis ont dénoncé les moyens de pression utilisés mercredi par les syndicats lors du « Grand Dérangement ».

La Coalition syndicale pour la libre négociation avait organisé une grève de 24 heures pour réitérer son opposition au projet de loi 3 sur les retraites des employés des villes qui doit malgré tout être adopté par l’Assemblée nationale dans les jours à venir (voir encadré). Le gouvernement veut les forcer à payer davantage pour renflouer leurs caisses de retraite ce qui, disent-ils, revient à nier des ententes dûment négociées.

De Gatineau à Sherbrooke en passant par Montréal, Québec et Lévis, ils ont manifesté dès le début de la matinée sur les routes et dans les transports en commun notamment.

Or, pour le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, qui porte le projet de loi, les syndicats recourent à « des techniques dépassées des années 1960 ». Il a aussi qualifié le porte-parole de la Coalition, Marc Ranger, de « déconnecté » et s’est insurgé contre le fait que des manifestants à Montréal aient laissé passer des usagers du métro sans payer. « Quand je vois les guichets du métro qui sont ouverts, il ne pourra pas dire qu’il n’a rien volé », a-t-il lancé à l’endroit de M. Ranger.

« Ce que vous enlevez au Trésor public, M. Ranger, qui pensez-vous […] va devoir le payer ? C’est à nous que vous voulez refiler en plus une facture de 3,9 milliards », a-t-il dit en allusion au déficit des régimes de retraites des employés municipaux.

Le premier ministre Philippe Couillard a quant à lui reproché aux syndiqués d’avoir ralenti les gens qui se rendaient au travail. « Ce matin, les payeurs de taxes, ils veulent aller travailler », a-t-il dit avant d’ajouter qu’il ne fallait pas les « brimer dans leurs activités quotidiennes ». « Ça ne m’apparaît pas être une bonne façon de faire la promotion des idées », a-t-il poursuivi.

À un journaliste qui lui demandait s’il était « insensible » aux pressions des travailleurs, il a rétorqué qu’il les « écoutait », mais qu’il était aussi « très sensible aux défis énormes » des finances publiques.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) a soutenu que manifester était un « droit démocratique », mais qu’il ne devait « pas nuire à l’économie ». Il a aussi déploré le recours à l’expression « Grand Dérangement » qui fait normalement référence à la déportation des Acadiens de 1755.

Au Parti québécois, le député Jean-François Lisée a, lui aussi, dénoncé la forme des moyens de pression même s’il est d’accord avec les syndiqués sur le fond. Selon lui, ils doivent faire preuve de plus « d’originalité » pour déranger le gouvernement Couillard. « En ce moment, ils dérangent d’autres gens que le gouvernement Couillard et en fait j’ai l’impression que ça sert le gouvernement Couillard. »

Du côté de Québec solidaire, non seulement les députés n’ont pas critiqué la forme des moyens de pression, mais ils avaient annoncé en matinée qu’ils y participeraient eux-mêmes.

Une opération planifiée depuis des mois

Malgré les critiques, l’opération du « Grand Dérangement » était réfléchie depuis pas moins de huit mois, selon M. Ranger. Interrogé sur la pertinence des moyens choisis, il a fait valoir qu’ils n’avaient rien d’exagérés. « On n’a pas mis le Québec à feu et à sang ! Il faut quand même se calmer les ardeurs », a-t-il dit en entrevue au Devoir.

Interrogé sur le peu de sympathie reçu par sa cause à l’extérieur du mouvement syndical, il a dit avoir peu de marge de manoeuvre. « Je comprends que chacun ait son opinion sur ce qui peut être fait, mais on n’a pas un dossier facile », a-t-il dit à propos de la complexité des débats sur les retraites.

« C’est sûr que si on appelle ça un grand dérangement, il faut que ça dérange un peu. Mais de façon générale, ç’a été bien contrôlé. […] On n’a pas appelé à la grève générale illimitée ou à des grèves illégales. Qu’il y ait des autocollants et un peu de ralentissement, il ne faut pas charrier… »
De Montréal à Sherbrooke

À Montréal, avant l’aube, des pompiers ont bloqué les principaux accès du Port de Montréal, provoquant une longue attente de camionneurs qui sont finalement rentrés chez eux lorsque les débardeurs ont tout simplement refusé de leur donner accès.

Une manifestation de policiers montréalais en congé a aussi éclaté devant les locaux de la Fraternité des policiers de Montréal.

La manifestation a gravité principalement autour de l’hôtel de ville alors que le maire, Denis Coderre, présentait le budget 2015.

Des employés municipaux ont bloqué l’entrée de la place Vauquelin, où des élus plus frondeurs que d’autres ont tenté de se frayer un chemin pour voter sur le budget.

La foule a réservé un accueil particulièrement hostile au conseiller Jeremy Searle, qui a littéralement foncé dans le tas. « Tu sens la boisson », lui a crié un employé.

L’ex-chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a aussi tenté d’entrer par la porte de la place Vauquelin, au grand désespoir de ses anciens collègues.

L’opposition officielle à l’Hôtel de Ville a choisi de respecter le piquet de grève, du moins en partie. Seuls 5 des 20 conseillers de Projet Montréal, dont le nouveau chef Luc Ferrandez, sont entrés dans l’édifice.

Le SPVM n’est pas intervenu, si ce n’est pour aider les employés et les élus à franchir le piquet de grève. Personne n’a été arrêté. Un acte de vandalisme a été rapporté au bureau de circonscription du ministre Moreau à Châteauguay, soit une vitre de bureau fracassée. Le geste a par la suite été dénoncé par la Coalition syndicale, qui affirme ne pas connaître l’identité du ou de la coupable.

À Québec, vers 6 h, des employés municipaux ont tenté de perturber la sortie des autobus des garages du Réseau de transport de la capitale et une manifestation a eu lieu un peu plus tard devant le chantier du nouvel amphithéâtre multifonctionnel de Québec. Les syndiqués ont aussi tapissé d’autocollants l’horloge du Jura derrière l’hôtel de ville et ont fait en sorte de ralentir la circulation sur des artères clés à l’heure de pointe.

Des coups d’éclat du même genre ont eu lieu à Sherbrooke, Gatineau et Lévis notamment.


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