La fermeture brutale de la télévision publique grecque a frappé l'opinion publique européenne de stupeur? Malheureusement, je ne sais pas trop. L'Union européenne est en train de défoncer à ce point tous les acquis de la démocratie en Europe et peu à peu les conquêtes sociales qu'on est en droit de se poser la question. Déjà une chaîne privée hongroise a proposé que pour faire des économies l'Etat hongrois ferme son concurrent public. Après tout pourquoi se gênerait-on?
Sur le traité d'austérité et sa signification, je renvoie toujours ici à l'article du journaliste wallon Raoul-Marc Gennar dans Le Monde Diplomatique.
L'affaire Tapie et l'irrégularité européenne
Sans doute les affaires de corruption, du point de vue des sommes gigantesques qui sont en jeu dans la crise mondiale, sont-elles une goutte d'eau dans la mer indépendamment (si l'on peut dire!), de leur aspect moral. Mais ici la goutte d'eau est assez grosse quand même. Il semble que Bernard Tapie qui se plaignait de la façon dont la la banque publique du Crédit Lyonnais avait revendu une de ses affaires, ait été remboursé indument et peut-être même irrégulièrement d'une somme de 403 millions d'€ en 2008. Des gens très proches de Christine Lagarde, la présidente du FMI ont été mis en examen le 12 juin pour «escroquerie en bande organisée». On dit que, outre la Présidente du FMI, le Président Sarkozy serait lui-même inquiété. Et Le Monde parlait hier d'une affaire qui devient une affaire d'Etat.
Le mot qui frappe, c'est le mot «irrégularité» qu'on pourrait rapprocher du mot «illégitimité» à propos des dettes publiques énormes qu'ont à supporter les Etats européens, dettes qui ne correspondent jamais dans la plupart des pays concernés à des dépenses excessives de l'Etat ou à de mauvaises gestions - souvent les dépenses de l'Etat comme en France ou en Belgique demeurent stables dans le temps en proportion du PIB. Mais des dettes qui correspondent aux taux élevés d'intérêt auxquelles elles ont été contractées. Ce qui n'a pas empêché les mêmes banques d'être renflouées par les mêmes Etats qu'elles ruinent. On s'excuse de répéter tout cela qui est connu même si cela ne suscite pas encre de véritables et vastes mouvements sociaux. Il faudrait s'attaquer au système néolibéral européen qui s'est substitué au projet européen d'union des peuples, de fraternité et de paix, de progrès social (au départ les syndicats étaient associés directement à la construction européenne), pour devenir une simple affaire commerciale. Cette affaire est animée par l'intention de faire de la zone atlantique un vaste super-marché où l'on veut maintenant mettre même les produits culturels après avoir commencé à détruire les services publics.
L'impéritie du Gouvernement wallon et du Parlement wallon
On sait aussi que l'Union européenne veut imposer à 25 Etats de l'UE [[Le Royaume Uni et la Tchéquie n'ont pas signé ce traité.]] un traité d'austérité qui contraindra les Parlements nationaux ou tout à fait autonomes comme le Parlement wallon à ne plus accepter de déficit budgétaire au-delà de 0,5% du PIB. Thierry Bodson avec la FGTB wallonne - ce syndicat est à la base de l'autonomie wallonne : c'est lui qui a animé la grande grève autonomiste de l'Hiver 60-61 - constate que dans les Parlements qui doivent ratifier le Traité pour qu'il soit appliqué dans l'Etat belge, trois ont déjà donné leur accord : le Parlement flamand, les deux chambres fédérales (Sénat et Chambre des représentants). La FGTB wallonne avait déjà dû monter au créneau pour secouer le gouvernement wallon préparant mal le très important transfert de compétences du fédéral à la Wallonie qui doit avoir lieu incessamment.
Mais à quoi bon l'autonomie wallonne si c'est pour aussitôt l' «étouffer» par le traité européen d'austérité en enlevant au Parlement wallon comme à tous les autres Parlements en Europe sa raison d'être.
Comme Thierry Bodson le rappelle dans La Libre Belgique d'hier, le traité «instaure l'austérité comme credo des Etats membres, étouffe la relance économique et transfère les choix budgétaires à la Commission européenne», c'est-à-dire dépossède les élus de toute la zone euro, y compris dans les municipalités, de leur rôle démocratique au bénéfice d'une Commission qui n'est pas vraiment élue ni contrôlée, sauf par le Parlement européen qui n'est plus qu'une grande farce.
Pour que le traité soit rejeté par la Belgique, il suffirait qu'un seul Parlement le rejette. C'est du côté du Parlement wallon que les espoirs sont les moins dérisoires qu'il en soit ainsi. Le Président du Parlement wallon a promis aux syndicats et aux citoyens qu'ils seraient entendus avant le vote de ratification du traité (dans les autres parlements on le leur propose après!). La démocratie dit Thierry Bodson est «piétinée» par le Traité lui-même et par la manière dont en Belgique il va être ratifié, sans vrai débat public et par des parlementaires qui donnent parfois le sentiment de ne pas savoir ce qu'ils votent, selon Th.Bodson.
Rôle des syndicats et démocratie wallonne et européenne
Dans un pays industriel comme la Wallonie le rôle des syndicats a toujours été déterminant. Ce sont deux grandes grèves générales (en 1893 et en 1913), qui ont permis finalement l'établissement du suffrage universel pur et simple en deux étapes : en 1893 et en 1918. Ce sont les syndicats encore qui ont empêché l'admirateur d'Hitler, Léopold III de revenir sur le trône en juillet 1950 et sans la grande grève de l'Hiver 60, la Wallonie serait toujours dominée par la Flandre dans un Etat unitaire belge. On accuse les syndicats lors des grèves - qui comportent toujours des actes de pression sinon de violence - de ne pas respecter la liberté du travail. Quelle sinistre blague. En Wallonie il n'y a que les syndicats, la FGTB wallonne et une partie des syndicats chrétiens wallons, pour sauver la démocratie qui devrait être l'affaire de tous. La preuve est faite que l'évocation de la démocratie, du rôle décisif du Parlement lors de toutes les grèves n'est qu'un prétexte. On a le sentiment que la plupart des institutions démocratiques des pays d'Europe ont décidé de se saborder au profit d'institutions européennes qui ne sont ni élues, ni contrôlées.
Triste cerise wallonne sur le gâteau pourri de la construction européenne, il ne s'est trouvé personne au gouvernement wallon pour répondre à Didier Reynders, ministre belge des affaires étrangères, quand il a déclaré il y a quelques jours, que c'était la seule marque Brussels [[En anglais dans le texte.]] et Belgium [[En anglais dans le texte.]], qui permettrait de f«aire connaître la Wallonie»!
Alors qu'il eût été simple de faire comprendre que lorsque l'on s'en remet à une tierce personne pour se faire connaître, on se condamne au contraire à l'incognito perpétuel. Il est vrai que les dirigeants wallons sont très avares de tout discours politique, de toute parole politique, désignés qu'ils sont par l'Oligarchie politique wallonne qui est en somme déjà une sorte de Commission européenne à usage wallon qui se substitue aux électeurs et aux élus pour désigner de fait les membres du Parlement wallon puis qui se substitue aux députés wallons pour désigner les membres du gouvernement wallon. De sorte que ceux-ci, d'abord responsables devant les gens qui les ont désignés, non devant le public wallon, s'abstiennent de rendre la parole. Ils sont compétents, ils ont de l'envergure, certainement, mais le système les piège complètement.
La prise de parole élément démocratique de civilisation
«Lorsqu'un peuple promet seulement d'obéir, il se dissout par là-même et cesse d'exister en tant que peuple» écrit Jean-Jacques Rousseau.
L'Union européenne a choisi d'unir les peuples par la voie la plus destructrice. Avec leur dissolution dans un magma d'où toutes racines nationales, historiques et éthiques détruites, reviendra la barbarie, une barbarie peut-être plus grave que lors des meurtres collectifs sans précédent dans l'histoire humaine de 1939 à 1945 : ceux des juifs dans les camps, ceux des villes allemandes bombardées au phosphore hors de toute perspective militaire, le cas de Dresde étant encore pire.
Union-dissolution européenne
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
18 juin 2013L’Union européenne a choisi d’unir les peuples par la voie la plus destructrice. Avec leur dissolution dans un magma d’où toutes racines nationales, historiques et éthiques détruites, reviendra la barbarie, une barbarie peut-être plus grave que lors des meurtres collectifs sans précédent dans l’histoire humaine de 1939 à 1945 : ceux des juifs dans les camps, ceux des villes allemandes bombardées au phosphore hors de toute perspective militaire, le cas de Dresde étant encore pire.
J'ai repris ces phrases de l'auteur, Monsieur Fontaine, parcequ'elles sont quasi identiques à celles que j'ai osé proférées lors d'une réunion d'amis avec pour seul résultat déchainer les rires et les moqueries à mon encontre. Merci Monsieur Fontaine pour cette analyse inopinée mais concordante.