D’abord le premier télégramme avant d’arriver au deuxième.
Beaucoup de bruit médiatique autour de ce télégramme diplomatique publié par la CBC qui révélait le plan de P. E. Trudeau pour faire mal économiquement au Québec avant le référendum de 1980. Pour contrer cette information très dommageable à la mémoire de cette grande figure de la cause fédéraliste, trois plumes à gages du Clan Desmarais sont sorties dans une opération de « damage control ».
Patrick Lagacé pour se plaindre de la couverture de Québecor dans Gros scoop : PET était un pas fin ; Yves Boisvert qui réduit cette épisode d'une longue guerre contre la démocratie québécoise en un fait anecdotique dans Trudeau, Desmarais et monsieur l’ambassadeur ; et l'incontournable André Pratte-à-penser qui en rajoute dans L’aéroport doit garder son nom : « Quoi qu’en disent les leaders indépendantistes, Pierre Elliott Trudeau et Paul Desmarais ont apporté une contribution considérable à l’évolution du Québec. » .
Donc, selon ces ventriloques de la médiacratie fédéraliste, circulez il n'y a rien à voir !
Un autre télégramme diplomatique : le désastre économique (1)
En fouillant dans ses riches archives, Vigile a retracé un autre télégramme diplomatique, datant de la même époque (1977) que le premier télégramme, qui démontre une constante dans la stratégie du Prince Trudeau, celle de faire mal à l'économie du Québec (« economic disaster ») dans l'objectif de faire dérailler le processus démocratique menant au référendum de 1980.
Vigile publie quelques courts extraits tirés de ce télégramme qui documente la stratégie en deux volets du fédéral pour contrer une victoire du Oui en 1980. Le premier volet porte sur des promesses de renouvellement du fédéralisme (une fraude politique) et le deuxième sur la menace d'un désastre économique pour le Québec.
Nous publions la version originale en anglais de wikileaks. Une traduction est disponible en bas de l'article (2).
…
HOW THE NATIONAL UNITY CRISIS MAY PLAY OUT
8. FEDERAL COUNTER-STRATEGY. SINCE THE PQ VICTORY NOVEMBER 15, TRUDEAU HAS BEEN WORKING FROM A TWO-PHASE [...]
AS THE QUEBEC ECONOMY WENT SOUR. IN PHASE TWO OTTAWA WOULD BID AGGRESSIVELY FOR THE SUPPORT OF THE UNDECIDED MIDDLE VOTERS IN QUEBEC WITH THE CARROT OF A NEW CONSTITUTIONAL DEAL AND THE STICK OF THREATS OF ECONOMIC DISASTER IF THE PROVINCE WERE TO SEPARATE.
10. TRUDEAU CAN BE CONFIDENT THAT HIS STICK -- THREATS OF ECONOMIC DISASTER -- WILL IMPRESS SOME QUEBEC VOTERS. [...]
Vigile : Trudeau craignait que Washington fasse une déclaration qui aurait eu pour effet de rassurer les citoyens du Québec sur le futur de l'économie, ce qui aurait contrecarré sa stratégie sur le « désastre économique ».
MIDDLE IN QUEBEC POLITICS THAT THE PQ SOVEREIGNTY/ ASSOCIATION" IS VIABLE OPTION. THIS IS THE WORRY THAT TRUDEAU COMMUNICATED TO ME THIS WINTER AFTER THE PQ VICTORY, BEFORE HE HAD A CHANCE TO MEET WITH PRESIDENT CARTER [...].
Vigile : Selon le diplomate, les craintes d'un désastre économique aurait fait baisser les appuis à l'option souverainiste.
[...] AS FAR AS WE CAN TELL, THE MAJOR IMPACT WHICH ECONOMIC REVERSES (OR THEIR THREAT) HAVE ON QUEBEC VOTERS IS TO INCREASE THEIR CAUTION. THIS APPEARS TO BE THE MAIN REASON WHY POLLS SHOW A NET INCREASE IN THE NUMBER OF QUEBECKERS OPPOSING SEPARATION SINCE NOVEMBER [...]
Vigile : La recommandation du diplomate était à l'effet que la position des É.U. était décisive, et qu'elle ne devait pas laisser place à l'interprétation qui aurait donner une impulsion positive au camp souverainiste
24. ROLE OF THE UNITED STATES. BY ITS ACTION OR BY ITS INACTION THE UNITED STATES WILL PLAY A DECISIVE ROLE IN THE OUTCOME. ANY MOVE BY THE UNITED STATES THAT CONVEYS NEUTRALITY OVER THE CONFLICT OR THAT COULD BE INTERPRETED BY QUEBECKERS AS U.S. WILLINGNESS TO PICK UP THE PIECES AFTER INDEPENDENCE COULD PUT LEVESQUE OVER THE TOP IN THE REFERENDUM, BY REASSURING SOME OF THE PRESENTLY WORRIED.
Vigile : Le diplomate s'attendait à ce qu'Ottawa demande à Washington de faire une déclaration qui aurait eu l'effet de torpiller l'option souverainiste en cas où le référendum de 1980 aurait été serré.
25. THE U.S. COULD ALSO HELP CONTAIN THE PQ IN THE REFERENDUM, FOR EXAMPLE BY MAKING CLEAR (AS WOULD THE ENGLISH SPEAKING PROVINCES) DURING THE CAMPAIGN THAT AN INDEPENDENT QUEBEC WOULD EXPECT NO SPECIAL ECONOMIC FAVORS FROM THE UNITED STATES AND INDEED MIGHT FIND ITSELF SHUT OUT OF THE UNITED STATES MARKET. I DON'T THINK WE CAN RULE OUT AN EVENTUAL REQUEST BY TRUDEAU TO TAKE SUCH A POSITION SHOULD IT BECOME OBVIOUS THAT THE REFERENDUM CAMPAIGN IS NOT GOING WELL FOR THE FEDERALISTS.
Vigile : L'évaluation du diplomate démontre que les É.U. ne devaient pas se placer entièrement dans le camp fédéral et il ne voyait pas de résolution au conflit constitutionnel sans une solution comprenant une autonomie substantielle pour le Québec. Une position pour préserver une relation proche et effective avec le Québec.
FINALLY, WE MUST RECOGNIZE THAT THERE IS NO OUTCOME TO THIS CONFLICT WHICH DOES NOT INVOLVE A SUBSTANTIALLY MORE AUTONOMOUS QUEBEC, IN WHICH WE WILL HAVE MAJOR STRATEGIC, ECONOMIC AND POLITICAL INTERESTS THAT CANNOT BE PROTECTED ONLY THROUGH OTTAWA. OVERT INTERFERENCE BY THE UNITED STATES ON THE SIDE OF OTTAWA COULD MAKE CLOSE AND EFFECTIVE RELATIONSHIPS WITH QUEBEC VERY DIFFICULT FOR A LONG PERIOD. [...]
…
Nous étions en guerre
Cet autre télégramme diplomatiques démontre clairement le profond mépris du Prince Trudeau pour les droits démocratiques du Québec. On imagine facilement que lors du référendum de 1995, on aurait eu droit aux mêmes manœuvres de Jean Chrétien, lequel espérait que Washington vienne torpiller le processus démocratique au Québec, avec une déclaration sur le thème du « désastre économique », d’autant plus que les résultats s’annonçaient serrés.
Pour ces deux grands démocrates, tous les moyens étaient bons à leurs fins : « Nous étions en guerre ».
En fait, cette déclaration de guerre pour écraser un mouvement démocratique légal et légitime remonte à 1969 comme démontré dans le texte Le prince : faire souffrir le Québec :
« Plus précisément le 17 décembre 1969, au moment où le premier ministre Trudeau présentait au Comité du cabinet sur la sécurité et le renseignement un mémorandum intitulé Current threats to National Order and Unity : Quebec separatism. Un feu vert donné aux services de renseignement et de sécurité pour utiliser tous les moyens illégaux pour mener une guerre clandestine contre un mouvement démocratique et légitime. »
Cette déclaration de guerre de 1969 était un prélude à la proclamation des Mesures de guerre imposées sous de faux prétextes en 1970 et qui ont mené aux graves violations des droits fondamentaux de la personne que l'on sait par le Prince Trudeau, le père de la Charte des droits.
N'en déplaise aux plumes bien nourries du Clan Desmarais, animées par ce qu'on appelle en Afrique « la logique du ventre », en mission pour mitiger les dommages causés par les dernières révélations, dont André Pratte, guidé par cette logique, qui nous assure que ce serait « [...] faire insulte à l’intelligence de M. Trudeau, de même qu’à l’affection qu’il portait pour son peuple, que de croire qu’il aurait pu envisager cette stratégie de terre brûlée ».
La réalité est que le profond mépris du Prince Trudeau pour notre peuple, dont il a toujours nié l'existence, a toujours été une constante de sa politique.
La longue guerre
Plus encore, le Prince Trudeau s'inscrit dans la lignée de Lord Durham dont le fameux rapport a mené à l'Acte de l'Union de 1840 qui visait notre minorisation sur le plan statutaire, avec l'objectif clairement exprimé de notre assimilation. La Constitution de 1982, qui nous fut imposée contre notre volonté, se veut la phase terminale du Rapport Durham. Elle se fonde sur la négation de notre statut de nation politique, avec le même objectif de nous réduire à l'échelle d'un groupe ethnique parmi d'autres dans le « plus meilleur pays du monde ».
Durham et Prince Trudeau, même combat : la mort programmée de notre nation.
À mesure que la lumière se fait sur la véritable nature de la domination fédérale, on cherche désespérément dans notre camp une voix forte pour sortir notre nation du syndrome du chien battu. Une voix forte pour nous donner un sursaut de dignité et pour répondre enfin à ce profond mépris que notre nation subit depuis trop longtemps. Une voix avec la force décomplexée pour faire basculer le Prince Trudeau et le Petit Prince Justin Trudeau dans la poubelle de l'histoire de notre nation.
Devant tant de mépris demeuré sans réponse, on s'ennuie de Pierre Falardeau.
Le grand phare de Vigile balaie le paysage politique depuis 1996. Ne laissez pas cette lumière s'éteindre.
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Références
1 - https://wikileaks.org/plusd/cables/1977STATE241884_c.html
2 - https://urbania.ca/article/le-mot-du-president-la-menace-bas-canadienne (traduit en français; Crédits à Urbania)
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1 commentaire
Luc Pharand Répondre
7 mars 2021Bonjour,
Le Québec a connu une récession majeure tout au long des années 80.
Le taux de chômage a atteint 12.8% en fevrier 1982 et s'est maintenu au-dessus de 10% pendant dix ans.
En tant que nation économique c'est le Québec qui, de toutes les nations industrialisées, a perdu plus d'emploi per capita.
L'économiste Bernard Fortin avait écrit un exceptionnel article paru dans Le Devoir au cours des années 90 dans le contexte post Lac-Meech / Reférendum. J'ai tenté de le retrouver mais il n'apparait pas dans Radar, le répertoire des articles. Peut-étre a-t-il été traité comme une lettre de lecteur, lettres qui ne sont pas répertoriées.
Bref, les médias traitent le sabotage de l'économie québécoise comme d'un risque hypothétique alors que c'était une catastrophe collective et individuelle réelle.
D'ailleurs Jacques Parizeau a réalisé une tournée du Québec à la fin des années 80 et a produit un rapport vers 1991: Un Québec coupé en deux.
Si vous pouviez retrouver ces documents ce serait faire honneur à ceux et celles, nombreux, qui ont souffert de ce désinvestissement canadian massif.
Il me revient des noms d'entreprises fermées du jour au lendemain:
Canadian Vickers
Continental Can
Les Messageries du CNR
Laura Secord
Les chips Meaple Leaf
...
Merci,
Luc Pharand