C’est une page de l’histoire du Québec qu’il ne faut pas oublier.
Elle se passe en avril 1970. Le Parti Québécois de René Lévesque s’apprête à participer à ses premières élections générales.
Chez les anglophones comme chez les fédéralistes de l’establishment, on sent la peur monter : les méchants séparatistes seraient au seuil du pouvoir. Que faire alors pour bloquer leur montée ?
Il faut faire peur. Très peur. Annoncer la faillite d’un Québec souverain.
C’est dans ce contexte qu’est monté le coup de la Brink’s.
Peur
Le 26 avril, devant le Royal Trust de Montréal, un camion s’installe et organise apparemment le transfert vers Toronto de certificats de valeurs mobilières sous la protection de neuf fourgons blindés de la Brink’s – une compagnie de sécurité privée. C’est une mise en scène de la supposée fuite des capitaux qui servira à terroriser économiquement les Québécois tant qu’ils seront tentés par l’indépendance.
Le lendemain, tout sera à la une des journaux. Et le 29 avril, les Québécois votaient. C’était un coup monté pour faire peur aux Québécois. Il a fonctionné.
Eh bien, cette stratégie est de retour. De manière plus subtile, mais pas tant que ça non plus. Et elle est mobilisée dans le cadre de la lutte contre le projet de loi 96 qui entend renforcer la loi 101.
On nous explique qu’avec cette loi, les anglophones seront tentés par l’exil et condamnés à l’échec scolaire.
On nous explique que les entreprises ne voudront pas s’installer dans un environnement intolérant faisant la « chasse à l’anglais ».
Je laisse de côté certains activistes amérindiens qui accusent le projet de loi 96 de relever du génocide culturel contre leurs communautés. À ce niveau, la bêtise vire au chef-d’œuvre.
On nous explique que ce projet de loi qui ne propose même pas le tiers du quart de ce qui serait nécessaire pour assurer la survie du français est scandaleux et nous conduira autant à la ruine qu’au piétinement des droits fondamentaux et au repli identitaire. Presque au racisme.
Et évidemment, le PLQ radote lui aussi sa vieille propagande. Sa nouvelle candidate, Michelle Setlakwe, nous l’a rappelé avant-hier.
Cela nous en dit beaucoup, toutefois, sur l’évolution du climat politique au Québec.
Après 25 ans de paralysie post-référendaire, qui ont culminé dans la politique d’automutilation linguistique et identitaire du gouvernement Couillard, il aura suffi que le Québec français se remue un peu pour qu’on ressorte contre lui le vieil argumentaire colonialiste anglo-saxon renippé à la sauce multiculturaliste.
Français
Et on voit même une nouvelle génération qui prétend avoir le culte de la diversité exprimer un sentiment de supériorité morale par rapport aux Québécois francophones, qui seraient enfermés dans une langue les coupant du reste de l’Amérique.
Ce qu’on ne tolère pas, c’est un peuple québécois se rappelant qu’il existe. On le tolère vaincu, repentant, conquis, et s’excusant d’exister.
Sans quoi, on lui crache dessus, en se disant qu’en plus, on lui fait la grâce de le laver ainsi de ses souillures morales.
Devrons-nous aussi dire merci ?