Viser Charest, pulvériser Legault

Ce qui est important du point de vue de l’action politique au Québec, c’est que la majorité de la population comprend que l’expérience du laisser-faire a échoué, et d’une façon particulière au Québec.

Chronique de Pierre Gouin

Le néo-libéralisme est mourant. L’idéologie qu’on a vendue aux peuples est démasquée. Laisser faire les riches et leurs entreprises, ils vont créer de la richesse et vous allez tous en profiter. Ne mangez pas la tarte tout de suite, pauvres ignorants, et on aura une tarte plus beaucoup grande à se partager.
Les statistiques officielles montrent au contraire qu’au cours des dernières décennies les riches sont devenus de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, au Québec comme au Canada et partout dans le monde capitaliste. Les États-Unis, champions de la libre entreprise se ruinent maintenant dans des guerres sans fin pour tenter d’éviter le déclin. Des états y sont au bord de la faillite et on a vu Electrolux quitter le Québec, non pour le tiers-monde, mais pour un état américain frappé durement par le chômage et qui a dû offrir les plus généreuses subventions.
Le secteur de la finance, qui bénéficie au maximum de la liberté des marchés et de l’auto réglementation, est reconnu sans contestation comme le responsable de la crise financière et économique de 2008 qui s’étire dangereusement parce que plusieurs gouvernements, et leurs contribuables, ont dû dépenser des centaines de milliards de dollars pour renflouer les institutions financières. D’autres gouvernements, eux-mêmes imprudents, à qui les institutions prêtaient semble-t-il aveuglément se sont retrouvés en difficulté lorsque des agences en conflit d’intérêt les ont soudainement identifiés comme peu solvables et méritant des taux d’intérêt très élevés.
La responsabilité des institutions financières dans la crise a été reconnue dès le départ alors que les organismes de réglementation américains et internationaux ont proclamé l’urgence de renforcer la réglementation du secteur. Il faut dire que les premiers projets de réforme ont été considérablement adoucis par la suite, en raison du véto de la haute finance.
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Ce qui est important du point de vue de l’action politique au Québec, c’est que la majorité de la population comprend que l’expérience du laisser-faire a échoué, et d’une façon particulière au Québec. On a été lent ici à se convertir à la religion du libéralisme américain et quand on s’y est résigné, on a vraiment laissé faire. Cela s’était déjà manifesté dans les dernières années du parti québécois, mais avec l’arrivée du gouvernement libéral, les affairistes frustrés par des années d’attente, se sont jetés sur le pouvoir avec une avidité sans borne. Même si les preuves formelles ne sont pas encore disponibles, il y a des indications évidentes du fait que le gouvernement actuel gère au profit d’entrepreneurs, de différents secteurs d’activité, qui le soutiennent financièrement pour le conserver au pouvoir.
Un autre objectif de cette clique au pouvoir semble être d’écraser l’État du Québec qui, par ses institutions et ses traditions, demeure potentiellement plus interventionniste et social-démocrate que les voisins nord-américains. C’est sans surprise que l’on verra cette racaille donner son support et ses directives au parti dirigé par François Legault advenant la débandade attendue du parti libéral.
Les pessimistes diront que la population est apathique et ne s’intéresse plus vraiment à la chose politique. Il m’arrive de penser que tous les commentateurs, analystes et acteurs de la politique, qui jugent durement les masses, sont eux-mêmes des marginaux qui ont renoncé à une vie humaine normale. La plupart des gens ont comme priorité l’accomplissement d’objectifs personnels qui incluent des objectifs concernant la famille et un petit réseau social. On trouve dans l’élite de la société des gens qui font le choix de travailler cinquante ou soixante heures par semaine, ou même plus, au détriment de leur vie personnelle.
Pour certains, ce choix est motivé par un désir de richesse ou de pouvoir mais pour d’autres, la motivation vient d’une curiosité intellectuelle intense ou d’un grand désir de servir. Les analystes politiques et autres intellectuels se rangeraient manifestement dans la deuxième catégorie. Le citoyen moyen va s’intéresser à la politique quand il s’y passe quelque chose de significatif, qui peut affecter sa vie, mais surtout quand il a l’impression que ses besoins sont pris en compte et donc que son vote peut avoir un impact. Mes parents n’attendaient rien de la politique.
Avec la Révolution tranquille, le temps d’un renouvellement de l’élite québécoise, des idéalistes se sont soudainement retrouvés au pouvoir, les préoccupations sociales ont dominé la politique pour un temps, des programmes sociaux ont été mis en place et la population s’est sentie parti prenante de l’action politique. Tout cela s’est dissipé, en même temps qu’un référendum sur la souveraineté échouait de justesse, mais la nostalgie de cette époque démocratique demeure toujours présente.
Le désabusement de la population face aux promesses non tenues du libéralisme et du gouvernement Charest et l’aspiration des Québécois à une société plus équitable, donnent l’occasion de mettre en branle une nouvelle révolution politique. L’appui des Québécois à Jack Layton qui mettait tout simplement les besoins de la population au cœur de son programme politique est très révélateur. Nous sommes conscients de la difficulté de gouverner, vous ferez ce que vous pourrez, mais au moins que vos efforts soient réellement dirigés vers le bien-être de la population qui vous confie le pouvoir.
Malheureusement, je ne vois actuellement aucun parti politique au Québec, et surtout aucun chef crédible, qui puisse générer un mouvement de masse engagé envers la social-démocratie et qui pulvériserait les représentants d’une idéologie dépassée que sont le parti libéral de Jean Charest et le nouveau parti de François Legault.
Il ne s’agit pas là de se couper du système capitaliste existant, ce qui serait suicidaire, mais par exemple de décréter une hausse de l’impôt sur le revenu pour rétablir des services publics de qualité.
Finalement, un parti ou une coalition qui miserait sur le rejet de l’idéologie néo-libérale ne pourrait être qu’indépendantiste étant donné l’emprise de cette idéologie sur le reste du Canada et son hostilité face aux aspirations de la population québécoise.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    24 novembre 2011

    Enfin, un autre économiste qui a les deux pieds sur terre et qui ne raisonne pas comme une machine à sous.
    Bravo Monsieur, votre texte va éclairer quelques-uns de mes amis.