«Vive le Québec libre»: c’était il y a 40 ans

Une chose demeure incontestable, toutefois: venu pour faire l'histoire, le général de Gaulle aura incontestablement atteint cet objectif.

De Gaulle - « Vive le Québec libre ! » - l'Appel du 18 juin 1940


Il y a 40 ans, le 24 juillet 1967, le Québec et le Canada étaient secoués par le passage du général Charles de Gaulle et, surtout, par son «Vive le Québec libre!» prononcé du balcon de l'hôtel de ville de Montréal devant une foule en délire.

Il semble maintenant acquis que cette intervention, que l'on a longtemps crue improvisée ou inspirée par l'euphorie du moment, avait au contraire été planifiée longtemps d'avance.
C'est ce qu'ont révélé les mémoires d'Alain Peyrefitte, dans le troisième tome de «C'était de Gaulle», publié en 2000. Peyrefitte, proche collaborateur du général de Gaulle dont il rapporte les échanges au conseil des ministres et leurs entretiens personnels, consacre 80 pages à l'incident du Québec.
Dès 1963, soit quatre ans plus tôt, de Gaulle avait décidé de venir au Québec en précisant que ce ne serait pas pour fêter le centenaire de la fédération, en 1967, comme le voudraient, disait-il, les anglais du Canada et les fédéraux. Dès cette époque, il déclarait à M. Peyrefitte qu'un jour ou l'autre, le Québec serait libre.
La publication des mémoires d'Alain Peyrefitte avait également délié les langues d'autres collaborateurs, dont Bernard Dorin, qui avait préparé les dossiers de consultation du général avant la visite. Ce dernier a affirmé que le général avait les mots «Vive le Québec libre» dans sa poche avant de partir.
Les intentions du général face au Québec s'étaient d'ailleurs manifestées par plusieurs signes: en mai 1967, il avait reçu le premier ministre du Québec, Daniel Johnson, en chef d'État dans une mer de drapeaux du Québec où l'unifolié était absent. En même temps, il avait refusé de voir le gouverneur général Georges Vanier.
En février 1967, le général avait préparé secrètement un itinéraire qui le ferait arriver d'abord au Québec, par bateau, et non à Ottawa, comme le font habituellement les chefs d'État en visite, et il avait confié à Alain Peyrefitte que s'il y allait, ce serait pour faire l'histoire.
Entre le moment de son arrivée à Québec, le dimanche 23 juillet au matin, et son discours à Montréal, le président français avait multiplié les indices du message qu'il était venu livrer. À Québec, au Château Frontenac, il déclarait que l'on assistait au Québec à l'avènement d'un peuple qui, dans tous les domaines, voulait disposer de lui-même et prendre en mains ses destinées, et que la France saluait cet avènement.
Le lendemain, en route vers Montréal, il s'arrêtait à Donnacona, où il poursuivait dans le même veine, affirmant qu'il voyait dans le Canada français du présent un pays vivant qui prenait en mains ses destinées, ajoutant que le peuple canadien-français ne devait dépendre que de lui-même.
Puis, de nouveau à Trois-Rivières, utilisant le terme Québec, cette fois, il répétait que celui-ci était maintenant à l'époque où il devenait maître de lui-même.
Il semble donc que le général ait voulu, comme l'affirme Alain Peyrefitte, mettre la table en prévision de son «Vive le Québec libre» et ce, de longue date.
Les propos du général lui avaient valu d'être sévèrement rabroué par le gouvernement canadien, le premier ministre Lester B. Pearson émettant le lendemain un communiqué vitriolique. Sa visite à Ottawa, où il devait aboutir en fin de course, n'était plus requise.
Le général avait toutefois été déçu de Daniel Johnson, qui avait cherché à éteindre l'incendie allumé par M. de Gaulle, confiant beaucoup plus tard à ses collaborateurs qu'un vrai chef aurait tiré parti du succès obtenu à l'hôtel de ville de Montréal, et que M. Johnson, selon lui, n'était qu'un politicien de province.
Le froid canado-français était demeuré aussi longtemps que Charles de Gaulle était resté au pouvoir. En avril 1968, il écrivait dans une note qu'il n'avait aucune concession ni amabilité à faire à l'endroit de Pierre Trudeau, nouvellement devenu premier ministre, qualifiant celui-ci d'adversaire du fait français au Canada.
Même chez lui, le coup d'éclat n'avait pas été bien vu par tous. Il s'était ainsi retrouvé isolé sur cette question au sein de son propre gouvernement, le premier ministre Georges Pompidou allant jusqu'à qualifier le geste de folie gratuite.
Le rôle qu'a pu jouer le discours du général de Gaulle sur le mouvement souverainiste reste à déterminer: l'automne suivant, René Lévesque quittait le parti libéral pour fonder le Mouvement Souveraineté-Association, qui deviendra le Parti québécois l'année suivante et, de marginal qu'il était jusqu'alors, le vote souverainiste deviendra significatif à l'élection suivante, en 1970.
Une chose demeure incontestable, toutefois: venu pour faire l'histoire, le général de Gaulle aura incontestablement atteint cet objectif.


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