Le sens de Noël

Vivre l’injustice au quotidien

L’écoute et le partage sont les plus beaux cadeaux !

Chronique de Louis Lapointe

Il faut avoir vécu l’injustice pour comprendre que rien ne peut réparer le tort causé aux victimes. L’argent versé, les condamnations prononcées ne suffiront jamais à effacer totalement la blessure ou la perte subie: un enfant mort, un handicap personnel, une condamnation injuste, une fraude monumentale, une perte injuste d’emploi. Les années passées à se battre contre l’injustice seront perdues à jamais pour celui qui a décidé de demander réparation, souvent au prix de la perte du soutien familial. La réparation ne sera jamais complète.
Il est difficile de côtoyer tous les jours ces êtres fragilisés. Alors que tout semble aller pour le mieux, on ne sait pour quelles raisons, une mauvaise nuit de sommeil, la vue d’un détail imperceptible aux autres, les personnes brisées sombrent à nouveau dans leurs vieilles réminiscences et manifestent leur mal être de façons parfois déconcertantes: tentative de suicide, dépression situationnelle, logorrhée verbale, accès de colère passagère. L’injustice se vit mal au quotidien, surtout quand ces personnes en vivent les conséquences chaque jour.
Quoi de plus pénible que de savoir que son bourreau continue à sévir, que la vie n’a pas changé pour lui alors que celle de la victime a été chamboulée et qu’elle vit dans l’anonymat le plus complet, sans reconnaissance aucune du bien-fondé de son drame personnel. Cette douleur ne sera jamais entièrement réparée, même lorsque la condamnation des responsables surviendra. Comme si le souvenir indélébile conservé au creux de leur âme était la preuve vivante que cette injustice ne pourra jamais être totalement effacée.
Ce que cherchent avant tout les victimes, c’est la reconnaissance de la légitimité de leur colère, leur droit de souffrir. Cette souffrance que la société cache parce qu’elle n’est pas belle, comme on cache la douleur des dépressifs, qu’on nie l’existence de leur mal-être.
Nous ne voulons pas vivre avec le malheur des autres, nous ne voulons pas les voir souffrir et surtout ne pas en subir les effets. Nous ne voulons pas que notre quotidien soit dérangé par l’invasion de leurs émotions mal contenues, alors que les victimes ne nous demandent que peu de choses : partager leur fardeau, reconnaître la légitimité de leur souffrance, écouter jour après jour, sans mots dire, l’histoire de l’injustice qu’ils ont vécue, en attendant que la guérison vienne, que la mémoire oublie peu à peu, si cela est possible, annonçant ainsi des jours meilleurs.
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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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