Vous me devez 100 $, Madame Goulet

Lettre à Dominique Goulet, responsable de la programmation du Quebec international summer Festival

Tribune libre 2010


La poussière du QISF maintenant retombée, je peux vous ouvrir le fond de ma pensée, Madame Goulet. Quand je pense à tous les Harmonium, Séguin, Beau Dommage, Octobre, Offenbach, Corbeau, Charlebois et Dubois de ma jeunesse, je me sens reconnaissant… C’est en grande partie à leur volonté de chanter en français, envers et contre tout, que je dois d’avoir développé un amour envers ma langue maternelle. Chacune de leurs chansons rappelait au monde notre existence. Reconnaissant aussi envers tous les artistes français comme Rita Mitsouko, Niagara, Bérurier Noir, Gainsbourg, Lama et Cabrel qui ont prouvé qu’on pouvait trouver « des mots qui sonnent et qui résonnent » dans une autre langue que l’anglais.
Que serait-il arrivé si tous ces artistes avaient fait le choix des The Box, Men Without Hats et Voïvod ? Peu à peu, dans mon esprit d’adolescent en quête d’identité se serait insinuée l’idée que le français était impropre à la musique.
Aujourd’hui, je suis reconnaissant envers tous les Alfa Rococo, Ariane Mofatt, Cowboys fringants, Mes Aïeux, Les Respectables et Jean Leloup de ce monde qui tiennent le fort et nous rassurent en rendant le français aussi « chantable » que l’anglais. Parce qu’une chanson, ça parle. En passant, Madame Goulet, vous me devez 100 $, puisque c’est la somme que vous étiez prête à donner à qui pourrait nommer un seul artiste francophone capable de « remplir les plaines »… Et dire que, s’ils passaient au français, les talents réunis de tous les artistes francophones anglicisés doubleraient le rayonnement du français, autant que vos possibilités de booking pour votre Festival d’été. Misère ! Tant d’œuvres mort-nées, à jamais perdues pour la culture francophone, qu’on ne pourra jamais mettre au programme dans un cours de français !
Je dois vous avouer que mon enthousiasme est sérieusement ébranlé, ces années-ci, devant la horde des Simple Plan, Pascale Picard Band, Sylvain Cossette, ou DJ Champion. On est loin de Jim Corcoran ou Nanette Workman ! Du côté français, on n’est pas en reste avec les Pony Pony Run Run (sur le site français des Victoires de la musique, on dit d’eux qu’ils font des mélodies « que les Anglais nous envient (!) », Shakaponk, Slimmy, Yodelice et autres Revolver… Et enfin, je m’inquiète devant votre festival qui exporte maintenant son « expertise » en région… Bientôt, un Festival de la chanson de Tadoussac et de Petite-Vallée en anglais ? Il ne me restera plus alors qu’à faire un bac en enseignement de l’anglais, et à « repartir à zéro », comme le chantait naguère encore, en français, Martine St-Clair.
Jean-François Vallée

Professeur de français au collégial

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Jean-François Vallée91 articles

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Jean-François Vallée est professeur de littérature québécoise et française au niveau collégial depuis 1995. Son ambition de pédagogue consiste à rendre les étudiants non seulement informés mais objectivement fiers de la culture dans laquelle ils vivent. Il souhaite aussi contribuer à les libérer de la relation aliénante d'amour-haine envers leur propre culture dont ils ont hérité de leurs ancêtres Canadiens français. Il a écrit dans le journal Le Québécois, est porte-parole du Mouvement Quiébec français dans le Bas-Saint-Laurent et milite organise, avec la Société d'action nationale de Rivière-du-Loup, les activités de la Journée nationale des patriotes et du Jour du drapeau.





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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 juillet 2010

    Ah oui, j'oubliais de m'excuser d'avoir confondu Martine St-Clair et Joe Bocan. J'ajouterais que dans ces deux cas, deux choses auraient pu aider leur carrière : que les francophones du Québec achètent AUSSI leurs CD au lieu de n'acheter QUE des Cd en anglais, et que les anglohones du Canada s'ouvrent à l'altérité en achetant AUSSI des CD d'artistes francophones. L'ouverture, ça va dans les deux sens, que je sache.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 juillet 2010

    En réplique à Madame Édith Couture :
    Où dans ma lettre ai-je dit qu'il fallait "bannir" l'anglais du FÉQ ? Mettre en valeur le français ne veut pas dire se fermer aux autres cultures.
    Radicaliser la position de l'adversaire pour mieux la dénigrer n'est pas un procédé très digne ni très honnête.
    Vos arguments sont imprégnés par les procédés et le ton propres à la radio poubelle, qui finissent par lobotomiser ses auditeurs... Je ne crois pas m'aventurer trop loin en disant que vous devez être de Québec et écouter le 98,1 et le 93,3 quotidiennement.
    Leurs animateurs (je parle du matin surtout) ont pris en dégoût (voire en haine) tous ceux qui défendent la langue et la culture françaises, et chaque fois en les accusant de vouloir se refermer sur eux...
    Par ailleurs, si vous croyez vraiment que les groupes francophones "ne s'adressent qu'à nous", vous accusez tous les anglophones d'être fermés à notre culture... Ce n'est pas très gentil envers eux. Leur avez-vous écrit dans The Globe & Mail pour leur dire à quel point une telle fermeture vous décevait ? Ben non, quand on est un minoritaire et colonisé de l'intérieur, on trouve ça normal que le majoritaire ne s'intéresse pas à nous. Et à Toronto, être-vous scandalisée quand les festivals n'invitent que des groupes de l'anglosphère ?
    Quand vous vous entraînez dans un gym ou que vous magasinez, cela ne vous énerve pas un peu que la musique soit... à 100 % anglophone ? Et si moi, je réclamais 20 % de musique en français, vous me traiteriez de borné, j'imagine ?
    Anyway. Have a nice Quebec Summer Festival next year, proudly canadian. I'm happy that you've been totally satisfied. Good for you.
    Jean-François Vallée

  • Archives de Vigile Répondre

    29 juillet 2010

    Le Festival Osheaga à Montréal. On cherche le français dans la programmation...
    http://www.ledevoir.com/culture/musique/293423/festival-osheaga-yoav-entre-coeur-et-tete
    Idem pour le nouveau festival de musique juive

  • Archives de Vigile Répondre

    28 juillet 2010

    Après avoir lu votre lettre dans le journal de Québec ce matin, je me suis sentie mal d'avoir osé aimer la programmation du Festival cette année et d'y avoir vécu toute une expérience.
    Pour faire honneur au passé, devrais-je me contenter du français toute ma vie? Qu'en est-il d'apprendre, d'utiliser une autre langue, de l'apprécier et de créer avec elle, je devrai m'en passer? Car si ce n'est pas du français, c'est le mal?
    Continuons de remplir nos festivals de groupe qui ne s'adressent qu'à nous. Oublions les autres. Ouache les autres.
    Si vous comptez sur une initiative d'UNE semaine dans l'année pour sauver le français... ouf.
    Le rôle de Daniel Gélinas n'est pas de nous éduquer. C'est votre rôle. Remplissez-le du mieux que vous pouvez et laissez les entertainers être des entertainers. Ah mon Dieu, de l'anglais...
    En passant, Repartir à zéro est une chanson chantée par Joe Bocan. Pour une assimilée, je connais pas trop mal mon folklore.
    Bien à vous,
    Edith Couture

  • Archives de Vigile Répondre

    27 juillet 2010

    Nous n'avons pas à être gêné d'imposer notre langue nationale au Québec et d'exiger que Charest cesse de financer l'anglicisation de notre culture en finançant avec nos impôts la culture étrangère orangiste .

  • Archives de Vigile Répondre

    27 juillet 2010

    Bonjour,
    Bon texte. Toutefois, je tiens à vous mentionner que la chanson Repartir à zéro était interprétée par Jo Bocan et non Martine Saint-Clair.
    Oliviero