Youpi !

Chronique de Normand Perry


Ce n'est guère parce qu'en ce dix décembre 2006, où je célèbre mon quarante-deuxième anniversaire de naissance, que je me réjouis ainsi. Vous êtes bien chanceux d'ailleurs de savoir mon âge. C'est une chose que je n'ose plus dire depuis que j'ai franchi le cap de la quarantaine.
Et ce n'est pas parce que je viens de voir la mascotte officielle des Canadiens de Montréal que je lance ce cri de joie non plus.
Non. C'est la satisfaction de voir Stéphane Dion être élu à la tête du Parti libéral du Canada qui me rend aussi heureux. Quoi ? Il est devenu fou ce Perry, diront certains. D'autres pourront certainement se demander si mes allégeances souverainistes ont soudainement basculé dans le fédéralisme canadien. N'ayez aucune crainte, il n'en est rien !
J'avais secrètement souhaité que les délégués libéraux élisent Stéphane Dion à titre de chef. Et l'autre vœu secret que je fais aujourd'hui est que Stéphane Dion devienne le prochain Premier Ministre canadien. Et je ne suis même pas intéressé à connaître son programme électoral pour faire un tel souhait.
Michel David du journal Le Devoir, dans sa chronique du 2 décembre dernier, intitulée à juste titre [« Le nouveau vilain »->3166], montrait comment il pourrait être bénéfique aux souverainistes du Québec de voir Stéphane Dion devenir le chef du PLC. Citant une déclaration à l'emporte-pièce de Jacques Parizeau à propos de Jean Chrétien, l'ancien premier ministre du Québec s'exclamait ainsi : il « est parfait, disait-il. Il faut quelqu'un qui fasse effet de repoussoir. Quelqu'un qui dise: mangez de la... et allez au diable. Dans ce western qui va se dérouler, moi, j'ai besoin de vilains.».
Je vais me permettre de pousser ce raisonnement encore plus loin à propos de Stéphane Dion : c'est l'individu parfait en regard de la cause souverainiste québécoise et ce, sous plusieurs aspects.
Stéphane Dion pose problème à certains égards. Nous avons qu'à nous rappeler son passage au ministère de l'Environnement et de ses relations glaciales avec Thomas Mulcair, alors son homologue à Québec. Ces deux hommes ne s'aimaient guère. Nous devons ne pas l'oublier. Le ministre québécois de l'Environnement trouvait l'attitude de Dion particulièrement méprisante à l'endroit du Québec. Imaginez-vous un instant, c'est de la bouche d'un anglophone du PLQ que cet aveu fut révélé.
Deuxièmement, les fédéralistes québécois tels que Benoît Pelletier, Jean Charest ou Mario Dumont, entretiennent l'espoir de voir le Québec intégrer la constitution canadienne un jour ou l'autre, et par ricochet, croire également pouvoir anéantir tout espoir des souverainistes de faire du Québec une nation pleinement et entièrement souveraine. Malheureusement, le souhait de tous ces fédéralistes est pure chimère.
D'abord, ce n'est pas sous la gouverne de Stephen Harper que cela va pouvoir se matérialiser, puisque ce gouvernement est minoritaire et qu'il peut tomber à la moindre occasion sur un vote de confiance au Parlement. Dans un tel contexte, il est difficile d'imaginer que les Conservateurs ont la marge de manœuvre nécessaire pour faire une telle chose.
Et dans un scénario où les Libéraux de Stéphane Dion forment le prochain gouvernement, ce n'est sûrement pas l'héritier de la symbiose politique Trudeau-Chrétien qui aurait l'envie de donner la moindre chose au Québec. Pour preuve, le lendemain même de son élection à la tête du PLC, Stéphane Dion s'est empressé à ne pas reconnaître le déséquilibre fiscal, au grand dam même des délégués de son parti qui avaient voté une résolution reconnaissant ce déséquilibre fiscal durant le même week-end de congrès de son élection. A moins qu'une nouvelle stratégie se développe à l'égard du Québec dans l'establishment du PLC et l'entourage du nouveau chef (mais permettez-moi d'avoir à cet égard un brin de scepticisme), le Québec ne va pas intégrer le giron constitutionnel canadien.
Par surcroît, on peut avoir la certitude que Stéphane Dion se fera un malin plaisir de réduire à néant la thèse du fédéralisme asymétrique du premier ministre du Québec actuel. Vous vous imaginez bien que la première conséquence de cette réduction à néant soit une position intenable de Jean Charest. On peut même avancer que la situation présente, découlant de cette nouvelle configuration du paysage politique à Ottawa, fragilise la position des libéraux de Québec. Et Stéphane Dion n'est pas encore Premier Ministre du Canada. Ça promet, mes amis.
Par contre, le clan souverainiste aura besoin de valeurs sûres pour gagner la bataille des idées face à Dion. Il l'a dit le soir de sa victoire à la tête du PLC. Le fait qu'il ait été sous- estimé fut un facteur déterminant de son ascension surprise. C'est peut-être le grand danger qui guette, entre autres, le PQ.
Plusieurs personnes que je croise depuis une semaine ont à peu près tous le même scepticisme : le diplômé de Harvard a-t-il la profondeur, l'érudition, la rigueur intellectuelle et un jugement adéquat pour engager cette bataille des idées face à l'érudit d'Ottawa ?
Qui peut répondre oui à cette question et le démontrer hors de tout doute raisonnable ?

Squared

Normand Perry126 articles

  • 100 763

On pourrait le décrire comme un grand passionné de communication, de philosophie, de politique, d'histoire, d'astronomie, de sciences, de marketing, de musique classique et d'opéra. Normand Perry mène une vie publique bien remplie, toujours avec des projets plein la tête et des rêves à réaliser.

Après avoir obtenu un premier diplôme universitaire en philosophie au milieu des années ’90, Normand Perry débute sa vie publique comme pamphlétaire, exprimant ses opinions librement, ces dernières étant publiées régulièrement dans les journaux régionaux, les quotidiens et divers sites Web.

Depuis avril 2004, il travaille chez [Soleil communication de marque->http://www.soleilcom.com/], agence de publicité montréalaise, où il est au développement des affaires, en veille stratégique et aux relations publiques.

Depuis juillet 2010, il s’est vu confié un projet radiophonique à [l’antenne de Radio Ville-Marie->http://www.radiovm.com/index.aspx] où il conçoit, réalise, anime et supervise le montage d’une émission portant sur l’orthodoxie chrétienne au Québec : [Voix Orthodoxes->http://www.voixorthodoxes.org/].

Sa plume va le conduire en politique active.

Après s’être fait connaître comme pamphlétaire à partir du début des années 2000 dans sa région du Suroît, il se fait remarquer, et on lui propose la présidence de circonscription au Parti Québecois dans Soulanges au début 2005. Suite à la démission inattendue de Bernard Landry en juin 2005 comme chef de cette formation politique, Normand Perry appuie d’emblée la candidature de Louis Bernard tout en s’opposant farouchement à l’élection d’André Boisclair. Lorsque ce dernier remporte la chefferie du PQ en novembre 2005, Normand Perry démissionne de sa présidence et quitte le PQ sur-le-champ.

A l’automne de la même année il se fait élire au conseil municipal à Les Coteaux dans la circonscription de Soulanges au Québec. Il se voit confier notamment les responsabilités du comité des loisirs, où conçoit et implante un programme de subvention à l’activité sportive pour les jeunes; il occupe la vice-présidence du HLM, il aussi responsable de la sécurité publique et participe activement à la fondation de la Régie inter municipale des Pompiers du Lac-St-François (fusion des services des incendies de Les Coteaux et St-Zotique).

Lors de la création du nouveau parti politique Québec solidaire en février 2006, il en devient membre et participe au congrès de fondation à Montréal. Il se porte candidat aux élections provinciales de mars 2007 pour cette formation politique dans la circonscription de Beauharnois.

Après ces quelques années en politique active, il poursuit son œuvre de réflexion pamphlétaire, notamment sur le [Blogue de Normand Perry->http://normandperry.blogspot.com/] tout comme sur Vigile et bien d’autres médias québécois





Laissez un commentaire



2 commentaires

  • Normand Perry Répondre

    10 décembre 2006

    Je dois avouer monsieur Charl'O' que j'ai beaucoup de difficulté à saisir l'essence même de votre propos. Ce n'est sûrement pas parce que les effets de la fête me montent à la tête puisque je ne prends de l'alcool qu'en de très rares occasions et de manière très modéré en accompagnant un repas.
    Cela dit et à votre corps défendant, voici deux textes de journalistes qui devraient vous aider à réfléchir à la réponse que vous devriez donner à ma question.
    1- par Michel Hébert du Journal de Québec, le 9 décembre 2006 :
    Allusions malfaisantes
    «Ce devait être LA rentrée parlementaire d'André Boisclair. « M. Charest, tenez-vous bien, j'arrive », avait-il lancé, triomphant, lors de son élection comme député de Pointe-aux-Trembles, l'été dernier. Le drame, c'est que le nouveau chef du PQ ne fait peur à personne. Les libéraux n'hésitent même plus à faire des allusions qui en disent long sur ce qu'ils pensent vraiment du chef de l'opposition officielle. Ils se méfient davantage maintenant de Mario Dumont, qui, plus direct, marque des points ces temps-ci. Jeudi, après s'être débarrassé d'André Boisclair, Jean Charest n'a pas eu l'avantage sur le chef de l'ADQ lors d'un échange viril sur le financement du Plan Vert.
    Depuis le début de la session parlementaire, Jean Charest a, plus souvent qu'autrement, le dessus sur André Boisclair. Même durant le débat sur la nation, le chef du PQ s'est retrouvé sur la défensive, comme tous les souverainistes d'ailleurs. Ses aveux sur sa consommation passée de cocaïne avaient terni sa réputation et sa récente participation dans une parodie de Souvenirs de Brokeback Mountain a brouillé encore plus son image publique et prolongé en quelque sorte son « chemin de croix ».
    À l'Assemblée nationale, ces jours-ci, les libéraux ne se gênent pas pour lui remettre sur le nez ses frasques d'antan. Tout est implicite, évidemment, mais les allusions sont limpides. Assis dans sa banquette, André Boisclair prend de la couleur, stoïque, furieux d'entendre encore parler de ça.
    Évoquer l'affaire de la « coke » est politiquement incorrect et y référer, même à mots couverts, est plutôt surprenant, surtout à la très médiatisée période des questions. Jacques Dupuis s'est permis de le faire lors d'un échange relativement inoffensif portant sur Hydro-Québec, mercredi. Le vice-premier ministre Jacques Dupuis est aussi ministre de la Sécurité publique et responsable de la Sûreté du Québec. C'est aussi un ancien procureur du ministère de la Justice qui sait la valeur des mots et leur portée juridique...
    Quand André Boisclair a osé mettre en cause « l'intégrité du premier ministre », M. Dupuis a bondi de son siège et lui a jeté à la figure : « Sur la qualité de l'information qui est transmise au public, le chef de l'opposition devrait faire un examen de conscience lui-même sur des informations qu'il a transmises au public à son sujet, il y a quelques mois. » Et vlan ! Hier encore, il a poussé le bouchon plus loin en demandant carrément à André Boisclair si « lui, avait dit toute la vérité aux Québécois ? » Un peu plus, il lui demandait de sortir les cadavres du garde-robe...
    À chaque fois, les protestations fusent, mais elles ne dissipent pas le malaise qui gagne le Salon de la race et, surtout, la députation péquiste, inquiète de devoir subir encore et encore de tels affronts. Qu'est-ce que ce sera en campagne électorale, Dieu du ciel ?
    Il y a quelques jours, M. Boisclair a commis l'erreur de jouer dans un sketch ridiculisant George Bush et Stephen Harper, transformés en cow-boys homosexuels. Si Line-Sylvie Perron était parvenue à le détourner d'un passage dans la télésérie Virginie, cette fois, elle a été prise de court. Cette affaire a réduit la stature du chef de l'opposition.
    Même Jean Charest se permet maintenant des allusions malfaisantes. Jeudi matin, le premier ministre ne s'est pas gêné pour laissé entendre que son adversaire avait abusé la veille au soir : « Ça paraît qu'on est dans les lendemains de partys de Noël. Le chef de l'opposition officielle est un petit peu, un petit peu mêlé ce matin, peut-être juste un petit peu confus. » Encore un peu et il lui reprochait d'avoir trop bu.
    Les péquistes ont pesté à nouveau et le président Michel Bissonnet a dû ramener l'ordre. Mais le mal était fait. Une nouvelle pique était plantée dans le flanc du taureau... Bernard Landry surveille tout ça attentivement. Il n'hésiterait pas à revenir si André Boisclair décidait qu'il en a en assez.»
    2- par Mario Pitre, journaliste au Soleil de Salaberry-de-Valleyfield, le 9 décembre 2006 :
    En attendant le chef
    «Il existe au Parti Québécois une énigme qui s'est révélée de façon flagrante au cours des derniers jours, à la suite de l'élection de Stéphane Dion à la tête des libéraux fédéraux. Le lendemain matin, qui voyait-on dans les journaux pour présenter le point de vue des péquistes sur cet événement ? L'ancien chef Bernard Landry.
    Quelques jours plus tard, la plume acérée du caricaturiste de La Presse, Serge Chapleau, démontrait en quelques traits le malaise dont personne ne semble vouloir parler au PQ, celui du chef André Boisclair. J'ignore pourquoi, mais il semble que le jeune chef péquiste ne fait jamais parler de lui dans les médias pour les raisons dont on devrait s'attendre. L'occasion était pourtant belle cette semaine. L'arrivée de Stéphane Dion comme chef du Parti libéral canadien lui était servie sur un plateau d'argent; Dion, le rat, le l'universitaire hautain, celui que tout souverainiste se plaît à détester depuis l'adoption de la Loi sur la clarté référendaire, et dont l'accession aussi rapide qu'inattendue rappelle vaguement l'ère centralisatrice des Trudeau et Chrétien, Dion dis-je, valait bien une réaction naturelle sinon nécessaire de la part du chef péquiste. Réaction qui n'est pourtant parvenue que par l'ancien chef Bernard Landry.
    Il est à se demander si les péquistes ne commencent pas à se questionner sur le choix de leur chef. L'élection de M. Boisclair semblait pourtant prometteuse à l'origine, comme un vent de fraîcheur et de renouveau porté principalement par les jeunes membres du parti. Absent de la scène politique dans les premiers mois suivant son élection, celui-ci avait prétexté vouloir s'imprégner des différentes régions du Québec, loin des caméras, avant de se faire élire et de faire son entrée à l'Assemblée Nationale. Bon, cette prétention pouvait toujours s'expliquer, par une stratégie de travail de terrain, comme on dit dans le jargon politique. Mais il demeure que André Boisclair est maintenant le chef de l'Opposition officielle à Québec, et chef du principal parti prônant la souveraineté du Québec.
    Malheureusement pour ses membres et partisans, le jeune chef a plutôt été remarqué dans les médias pour des raisons plutôt loin de l'actualité politique. Au départ, c'était son orientation sexuelle, puis son admission d'avoir consommé de la cocaïne, puis récemment, sa participation à un vidéo des Justiciers masqués, geste qu'il n'a d'ailleurs pas osé assumer quelques jours plus tard.
    Quoiqu'il en soit, il commence à se faire tard pour changer quoi que ce soit. Les péquistes devront assumer leur choix, ils devront "vivre avec", même si certains regretteront sans doute d'avoir laissé filer Pauline... ou Legendre.
    Pour ce qui est de l'arrivée de Stéphane Dion comme chef du Parti Libéral du Canada, nul doute qu'elle cadre bien dans la façon de faire du parti, dont les membres ont toujours le flair d'élire un Québécois francophone sachant tenir tête aux souverainistes. M. Dion demeure cependant un politicien intelligent. Il a déjà commencé à placer ses hommes dans les postes stratégiques de sa formation, et on peut s'attendre à ce qu'il joue davantage sa carte verte que sa carte rouge pour amadouer une majorité d'électeurs québécois.»

  • Archives de Vigile Répondre

    10 décembre 2006

    M Perry
    Vous commetez un très bon texte auquel j'adhère en grande partie.
    Toutefois, je trouve décevant le biais que vous introduisez en toute fin:

    Plusieurs personnes que je croise depuis une semaine ont à peu près tous le même scepticisme : le diplômé de Harvard a-t-il la profondeur, l'érudition, la rigueur intellectuelle et un jugement adéquat pour engager cette bataille des idées face à l'érudit d'Ottawa ?
    Qui peut répondre oui à cette question et le démontrer hors de tout doute raisonnable ?

    D'abord parce que celui qui répond non à votre question doit être tenu à autant de rigueur et démontrer son point hors de tout doute raisonnable, cela relève d'une simple question d'équité.
    Ensuite parce que vous nous entraînez dans le piège à cons qui consciste à croire que le PQ est unique dépositaire du projet souverainiste, ce qui fait d'André Boisclair l'unique porte parole dudit projet.
    La souveraineté appartient à tout le peuple du Québec. Boisclair occupe un poste important au sein de l'élite politique, mais il n'est pas seul. Vous négligez également le droit de parole des élites sociales (syndicats, artistes, intellectuels, ong, etc.) et économiques (caisses populaire, caisse de dépôt, pme) qui doivent eux aussi monter au front lors de la bataille.
    Le mouvement souverainiste a grand besoin des enseignements de ses ennemis: la solidarité, dans les bons coups comme dans les erreures.