2012, la fin des mots ?

Géopolitique — médiamensonges des élites

''Le plus beau métier d'homme est le métier d'unir les hommes'' Antoine Saint-Exupéry.
Des centaines de milliers de mots ont été déployés à l'intérieur de 650 pages avec le but ultime de nous faire accepter une guerre. Une guerre qui a fait des milliers de victimes civiles innocentes. ''La guerre, sans l'aimer'' de Bernard-Henri Levy est certainement une des plus grandes trahisons qu'un homme de mots peut faire aux mots. ''Père'', ''terre'' et ''désert'', sont parmi les mots-clefs que BHL a utilisé avec un soin particulier. L'auteur a choisit la forme du journal pour nous raconter la guerre au quotidien. Il nous laisse clairement savoir qu'il n'en est pas un simple témoin. Il ne laisse aucun doute, preuve à l'appui, qu'il en est un des acteurs importants. Autant d'effort, autant de passion, dans le choix des mots pour justifier l'injustifiable.
''La guerre, sans l'aimer'' c'est le service après vente d'un carnage pour le rendre humainement acceptable. Un surplus de paroles pour tuer dans l'œuf toute critique et toute mauvaise conscience. Une opération sur-médiatisée pour faire oublier toutes les autres options, exceptée celle de la guerre. Malraux a perdu celle d'Espagne. BHL a voulu gagner celle de Libye. Mais au prix de combien de morts et de combien de mots ?
Que des politiciens fassent un usage abusif des mots, cela fait presque partie prenante de leur métier. Et nous avons appris à en prendre et en laisser. Mais qu'un homme de mots se prête à magnifier la guerre tout en prétendant ne pas l'aimer, quel insulte à la mémoire de tous ceux qui l'ont combattu par les mots. Qu'un homme de mots, supposément libre de toute partisanerie politique, s'engage dans une machine de propagande avec comme résultat l'installation d'un régime islamiste en Libye, tous les mots de la terre ne sauraient justifier une telle mascarade. À elle seule, la sauvagerie avec laquelle on a mis fin à Kadhafi, reflète le caractère assassin d'un homme de guerre déguisé en homme de mots.
Comment expliquer et avec quels mots, cette réconciliation soudaine des régimes occidentaux (dont celui du Canada) avec les mouvances islamistes? Vous ne trouverez pas réponse à cette question dans le livre de BHL. Les islamistes terroristes d'hier y sont présentés comme des résistants qui méritent notre appui le plus total. Ce n'est pas dans ce livre que vous apprendrez qu'en réalité jamais les puissances occidentales n'ont cessé leur alliance avec les islamistes. Qu'ils constituaient et constituent toujours le meilleur rempart contre l'avènement de la démocratie dans le monde arabe. Que le printemps arabe annonçait subitement une telle possibilité. Que le danger, le vrai, n'aura jamais été celui qu'on croyait. Ce n'est pas avec les mots de BHL que vous apprendrez qu'un intégriste religieux (comme dirait Tahar Benjellou) n'a rien à faire de la modération. Sous la plume de BHL jamais vous n'apprendrez que le seul danger que les régimes occidentaux ne cessent de retarder, c'est l'arrivée au pouvoir des démocrates arabes et africains. C'est ce que Pascal Boniface un intellectuel faussaire.
Aujourd'hui, nous entamons 2012 avec le sentiment d'impuissance devant la progression des islamistes dans les pays du Maghreb. Toutes étonnées de la vitesse d'une telle progression, les opinions occidentales s'agitent et s'ébranlent. Apparemment les mots, même les plus brillants, n'ont pas suffit pour les avertir. Pour les informer. Force est de reconnaître que très peu de place leur sont accordés dans les médias de masse. Les médias-mensonges, auxquels Michel Collon a consacré un livre, sont trop occupés par les BHL de ce monde pour que la confusion règne toujours. Et pour cause.
Quand les mots servent à cacher, à masquer, à mentir, à pervertir, à diviser, à manipuler, à instrumentaliser, ils cessent d'exister. Quand les mots servent à glorifier la guerre ils n'existent que pour se trahir. Pour mourir. À quoi servent les mots quand ils ne servent plus à rien. Quand ils alimentent ambiguïté, confusion et cynisme. Quand ils nous rapprochent, chaque jour un peu plus, de la fin.
À défaut d'une fin du monde c'est une fin de mots qui nous guette et nous menace. À nous de se réapproprier les mots et d'en prendre soin. À nous de les répandre sans cesse et sans découragement. Je parle de ces mots qui inspirent et respirent l'universel. De ces mots qui rassemblent les différences autour d'un projet commun. De ces mots qui frappent avec la même force des frères ennemis. De ces mots qui rapprochent des orientations politiques et idéologiques opposées. De ces mots qui concilient le particulier et le collectif. De ces mots qui donnent envie de passer aux actes. De ces mots qui font et refont le monde. De ces mots qui marchent sur l'eau. Oui, je parle de ces mots qui font des miracles.
''Aimez-vous les uns les autres''. Aussi racoleuse peut-elle paraître aujourd'hui, cette phrase a mis fin au monopole de la loi du talion. Depuis, ''Œil pour œil, dent pour dent'' n'est plus un principe de justice dans un État de droit. Il a suffit de six mots, traduits d'une langue à l'autre, pour que brille l'idée de la fraternité humaine, de l'égalité et de la liberté. Avant et après l'avènement du christianisme, des philosophes, des poètes et des prophètes, de différentes contrées, ont accompli par les mots d'autres miracles.
Je pense à Socrate avec son fameux ''Connais-toi toi-même'' qui a grandement contribué à l'émergence de toute une époque grecque ou la philosophie, la science, la poésie et le théâtre étaient considérés de l'ordre du nécessaire. Je pense à Al Ghazali qui, cinq siècles après l'avènement de l'islam, a épousé le soufisme pour libérer les mots du cadre étroit du fiqh (théologie islamique) et imposer un islam pacifique.
Certes les mots de ces hommes et ces femmes de mots, n'ont pas empêché deux siècles de croisades et d'autres guerres et génocides. Ils ont cependant aidé les humains à les raconter pour les transcender et en tirer des leçons. Tant qu'il y a des mots, il y a de l'espoir, ai-je envie de dire. En regardant les mots se trahir, chaque jour un peu plus, il m'arrive de le dire avec moins de conviction.
J'ai pris une seule résolution pour la nouvelle année. Ne plus utiliser dans mes écrits certains mots dont j'ai usé et abusé depuis ce fameux 11 septembre. Comme des millions de scribouillards, moi aussi je suis tombé dans le panneau. Moi aussi, j'ai eu tendance à m'arrêter sur certains mots qui en cachent d'autres. Ces mots que je vous laisse deviner, ne s'imposeront plus à moi. Quoi qu'il arrive dans l'actualité, c'est la dernière fois que vous les voyez en haut de ma signature.
Je vous laisse sur les mots du grand poète suédois, Tomas Tranströmer, récipiendaire du prix Nobel 2011:
Cet instant
_ telle une fumée chaude qui monte dans le froid
_ Ce paisible instant
Le chien laisse son cri
_ le lièvre laisse sa peur
_ la flûte laisse la bouche
_ pour jouer enfin seule
Et ce pauvre bel instant qui lutte
_ contre l'armée des secondes
et se noie dans les remous
mais me survit pourtant


Mohamed Lotfi

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Journaliste et réalisateur de l'émission radiophonique Souverains anonymes avec les détenus de la prison de Bordeaux





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4 commentaires

  • Patrice-Hans Perrier Répondre

    4 janvier 2012

    D'obédience chrétienne, d'origines bordelaises aux obscurs linéaments méditerranéens ... je viens d'épouser le soufisme.
    Et, de ces glorieuses épousailles, mon être pourra bientôt se débarrasser de ses oripeaux pour que l'âme, cet oiseau prisonnier, puisse enfin prendre son envol.
    Par delà les religions du Livre, les peurs et les errements, l'amour demeure le chemin de Sagesse et l'humilité le parfait accomplissement de la volonté au service du bien.
    Parce que le bien et le mal existent... bel et bien.
    Il faut renoncer à soi-même pour se ressourcer, c'est ce que Jésus qualifiait d'abandon de tout ce qui nous retient ici-bas. Puisque pour suivre sa voie il faut tout quitter. Tout.
    L'ego est à la base de notre être, mais comme le clamait Krishnamurti, il faut savoir s'en libérer à un certain moment.
    Nos maîtres et leurs laquais sont toujours englués dans la fange du mensonge nauséabond.
    Poursuivant mon travail d'analyse de l'actualité et mes écrits, j'aspire à effacer toutes traces de haines boueuses en moi et à reconstituer mon être de lumière.
    L'amour est la condition du passage vers la libération.
    Libération nationale, libération intérieure, libération totale.
    Bonne et heureuse année 2012 à vous tous et toutes !!!

  • Archives de Vigile Répondre

    3 janvier 2012

    M. Lofti, ce texte sur les mots m’a éveillé sur leur utilisation tellement abusive. Quelquefois on oublie toute leur puissance. Je n’ai pas lu cet ouvrage de Bernard-Henri Lévy, ‘’La guerre sans l’aimer’’ mais j’avais eu, en d’autres circonstances, le loisir de lire quelques uns de ses écrits. Je m’en suis toujours méfié. Je me méfie d’emblée de tous ceux qui ont la prétention de tout savoir et de tout connaître et, lors d’interviews, se font précéder de leur aura surfaite et de leur fatitude.

    Dans l’horreur de la guerre en Libye et surtout les prétextes, les mensonges innommables utilisés pour en justifier l’application, nous réalisons que seule, la soif insatiable de l’oligarchie mondiale, surtout américaine d’inspiration sioniste peut, d’abord par les mots, suivis par les armes, rabaisser l’être humain sous le niveau du règne animal, fomenter des massacres que même l’imagination la plus délirante ne pourrait évoquer.
    Bien sûr, cette oligarchie va utiliser les personnes les plus crédibles pour édulcorer les plus mauvais souvenirs de ce qui ne peut se défendre même selon les critères les plus primaires. Ne pas oublier que Bernard-Henri Lévy puise ses origines dans la clique mafieuse des inspirateurs de ces massacres. Pourrait-il maintenant se retourner contre ses origines? Il serait intéressant de savoir si ce sombre ‘’philosophe’’ a aussi approuvé, couvert pas ses propres mots, les horribles massacres d’enfants qu’Israël a commis en Palestine et au Liban. Cela donnerait un guide de pensée pour apprécier ses écrits actuels.
    Bien sûr aussi, il ne faut pas non plus compter sur les médias officiels pour nous renseigner à ce sujet. Eux aussi savent utiliser les mots pour mentir, anesthésier, endormir les populations, surtout celles des moins instruites, celles qui payent toujours les pots cassés par les puissants.
    Merci M. Lofti d’avoir abordé ce sujet. Dire que les mots peuvent être si beaux, si doux à l’oreille quand ils sont utilisés pour aimer, réparer, construire.
    Ivan Parent

  • Archives de Vigile Répondre

    3 janvier 2012

    Monsieur Mohamed Lotfi,
    Je vous remercie sincèrement pour ce bel exposé. Quant au milliardaire Bernard-Henri Levy, il est tout sauf le grand philosophe qu'il aurait voulu être. Avant tout, il n'est qu'une des plus grandes marionnettes au service du sionisme, ce qui ne lui permet pas d'atteindre le niveau de rigueur intellectuelle que son rêve d'adolescent milliardaire aurait exigé.
    Mais peut-on reprocher à ce fils de milliardaire de préférer la facilité pour se faire valoir? En effet, justifier l'injustifiable n'est qu'une question de mots répétés, pas de rigueur intellectuelle. Justifier l'injustifiable régime sioniste d'Israël n'est qu'une question de mots toujours applaudis par ses maîtres, pas de rigueur intellectuelle. Brièvement, ce type ne s'est qualifié que pour jouer un rôle de marionnette pour justifier cet injustifiable régime d'Apparteid. Sa contribution au génocide Palestinien aura été l'oeuvre de toute sa vie de fils de milliardaire. Quelle petitesse !
    Monsieur Lotfi, malgré le sérieux de vos propos, permettez-moi de terminer sur une note humoristique en suggérant ces deux courts vidéoclips:
    1) http://www.youtube.com/watch?v=MXLtXfeEWEQ
    2) http://www.youtube.com/watch?v=9_GgYj7Pz-I&feature=related
    PS: J'oubliais, BHL est aussi applaudi inlassablement par sa troisième épouse, Arielle Dombasle.

  • Oscar Fortin Répondre

    2 janvier 2012

    Quel beau texte! Quelle réflexion ! Lorsque les mots perdent leur sens ils cessent d'exister et ne deviennent que l'ombre de ce qu'ils étaient. Ils ne font plus exister ce qu'ils disent. Il y a eu par le passé la mythologie de la Tour de Babel dont la construction n'a pu être menée à terme en raison de la "confusion des langues" de ceux qui y travaillaient. Aujourd'hui, nous n'arrivons plus à mener à terme la réalisation d'une humanité sans guerre, sans faim, sans haine, en raison de la perte de sens des mots.
    "Quand les mots servent à cacher, à masquer, à mentir, à pervertir, à diviser, à manipuler, à instrumentaliser, ils cessent d’exister. Quand les mots servent à glorifier la guerre ils n’existent que pour se trahir. Pour mourir. À quoi servent les mots quand ils ne servent plus à rien. Quand ils alimentent ambiguïté, confusion et cynisme. Quand ils nous rapprochent, chaque jour un peu plus, de la fin."
    Merci à l'auteur pour cette réflexion plus que pertinente