50 millions $ au Dawson College pour 800 étudiants de plus

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Dawson est une machine à angliciser Montréal

Le gouvernement du Québec a inscrit l’agrandissement de Dawson College parmi les projets « prioritaires » à réaliser dans le cadre du projet de loi 61. Cet agrandissement, un projet de plus de 50 millions de dollars, permettra à Dawson d’accueillir 800 étudiants en plus, soit autant d’étudiants qu’un cégep régional.


Aucun projet d’agrandissement dans le réseau collégial français n’a été « priorisé » en même temps que celui de Dawson. Ceci vient confirmer, une fois de plus, le déclassement croissant du réseau collégial de langue française à Montréal. Mentionnons que, de 2012 à 2018, le réseau français à Montréal a perdu 2335 étudiants au préuniversitaire et au secteur technique.


Ce que cela signifie, c’est qu’il existe des milliers de places disponibles dans le réseau français à Montréal, des places qui pourraient accueillir des étudiants sans que cela nous coûte un sou en frais d’infrastructures. Pourtant, le gouvernement du Québec juge bon de dépenser des dizaines de millions de dollars pour que ces étudiants aillent à Dawson. Pourquoi?



Dawson : une institution pour les riches


Les cégeps anglais en général, et Dawson en particulier, sont les institutions réservées à l’élite. L’élite académique de Montréal, celle issue de coûteuses écoles privées et de programmes particuliers, s’inscrit massivement à Dawson. Les moyennes générales requises pour accéder à Dawson font en sorte que seuls les étudiants disposant d’un important capital social peuvent y entrer. En Sciences de la nature, par exemple, la moyenne générale au secondaire exigée pour entrer à Dawson est en haut de 85%.


De plus, Dawson, comme John Abbott, sont les club-écoles pour McGill et Concordia. Une étude effectuée en 2010 avait démontré que 90% des finissants des cégeps anglais s’inscrivaient à McGill et Concordia ensuite. L’agrandissement de Dawson ne vient donc pas seulement vider le réseau collégial français; il aura aussi des impacts sur les universités de langue française, qui voient, et qui vont voir de plus en plus, le flux d’étudiants postulant chez elles se tarir au fur et à mesure que le collégial anglais se développera.


Un rapport du Conseil supérieur de l’éducation publié en 2016, pointant du doigt la ségrégation qui règne dans le milieu scolaire au primaire et au secondaire au Québec, avait sonné l’alarme : « La concurrence en éducation est indissociable de la perception que toutes les écoles ne sont pas équivalentes : elle alimente donc la crise de confiance qui fragilise le système public. Cette crise de confiance accentue la tendance à regrouper les élèves selon leurs profils scolaire et socio-économique. Il en résulte une forme de ségrégation qui conduit à un système d’écoles à plusieurs vitesses. L’écart se creuse donc entre les milieux : certains établissements ou certaines classes sont considérés comme moins propices à l’apprentissage (les familles qui le peuvent les fuient) et les conditions de travail y sont plus difficiles (les enseignants qui le peuvent les fuient également). »


Les conclusions de ce rapport peuvent se transposer au niveau collégial. Au collégial, comme les clauses scolaires de la loi 101 cessent de s’appliquer, la ségrégation basée sur le statut socio-économique des parents qui s’exprime au primaire et au secondaire se double d’une ségrégation selon la langue d’enseignement. Les cégeps anglais jouent au niveau collégial le même rôle que les écoles privées jouent au secondaire : derrière le paravent de « l’excellence », elles permettent un regroupement des élèves provenant des classes aisées, qui n’ont pas à souffrir la mixité sociale et qui viennent s’y préparer à aller éventuellement à McGill ou Concordia et à travailler en anglais.


Ce qui est dramatique dans le cas des cégeps anglais, c’est qu’il s’agit d’institutions publiques financées à 100 % par l’État québécois. Dans le cas des écoles privées au secondaire, il y a au moins l’excuse que l’État ne débourse pas la totalité de la facture.


Les étudiants ne choisissent pas Dawson pour « apprendre l’anglais », car la majorité des étudiants qui s’y inscrivent est déjà bilingue; ces étudiants provenant de milieux aisés ont eu de l’anglais « enrichi » tout le long de leur parcours scolaire.


La motivation des jeunes pour l’anglais, pour plusieurs, ne semble plus être du type instrumental, mais du type intégratif : ils ne veulent plus seulement apprendre l’anglais (qu’ils connaissent déjà), mais s’intégrer au groupe anglophone. C’est là le rôle que joue Dawson : c’est la porte d’entrée au monde anglophone.


Malgré le fait que la nécessité d’imposer la loi 101 au cégep crève les yeux depuis au moins une vingtaine d’années, rien n’est fait en ce sens. Notre élite est incapable de prendre position sur cette question pourtant absolument vitale pour la survie du Québec français; c’est parce qu’elle est la première à profiter de la situation : l’anglicisation de sa progéniture est assurée par les fonds publics.




Dawson : les anglophones minoritaires


Il est intéressant de savoir qu’il y a même plus d’allophones (langue maternelle) à Dawson que d’anglophones : en 2018, c’était 38,4% d’anglophones, 22,1% de francophones et 39,5% d’allophones. Depuis 2000, les anglophones y sont minoritaires en nombres absolus et y sont maintenant, depuis 2018, minoritaires en nombres relatifs. Les anglophones sont minoritaires dans cette institution qui devrait leur être destinée en premier lieu!


Le groupe dominant à Dawson est celui des allophones. Et cela sera de plus en plus vrai à l’avenir, la proportion d’anglophones ayant passé de 49,4% en 2000 à 38,4% en 2018. Normalement donc, Dawson devrait accueillir moitié moins d’étudiants qu’il ne le fait.



Il faut comprendre que les clauses scolaires de la Charte ne touchent qu’environ 20 % des immigrants qui s’installent au Québec, soit ceux qui sont en âge scolaire à l’arrivée. La très vaste majorité des immigrants, soit 80 %, échappe à la francisation obligatoire. Si tous les immigrants arrivaient au Québec en tant que bébés, les clauses scolaires auraient certainement un effet beaucoup plus puissant. Mais, à l’heure actuelle, tous les immigrants de 15 ans et plus qui arrivent peuvent, par exemple, s’inscrire directement dans les cégeps et universités anglaises. Le « libre-choix » de la langue d’enseignement au postsecondaire défait une grande partie du travail que fait la Charte au primaire et au secondaire.




Le Québec finance sa propre assimilation


Il faut réaliser que le premier responsable du recul du français au Québec est le gouvernement du Québec lui-même, qui finance maintenant de façon « prioritaire » les institutions anglophones à Montréal. C’est le gouvernement du Québec, de par ses politiques, qui finance l’érosion des institutions de langue française au Québec. C’est le Québec qui finance sa propre assimilation.



Dernière heure : Dawson nous prend pour des cons


Le 6 juin, le directeur de Dawson, Richard Filion, défendait son projet d’agrandissement en affirmant que : « La capacité d’accueil du collège va être augmentée d’à peu près 800 étudiants» dans ce cégep qui reçoit plus de 11 500 demandes d’admission par année. Il affirmait aussi que le projet « avait été bonifié au cours des dernières semaines ».


Le 12 juin, coup de théâtre : Dawson College « rectifie le tir » concernant son projet d’agrandissement en affirmant que « l’établissement n’a pas l’intention d’augmenter le nombre de ses étudiants avec son projet d’agrandissement. »  (Journal de Montréal, Daphnée-Dion-Viens, « Projet d’agrandissement : le collège Dawson rectifie le tir »),


C’est l’argument sur lequel le premier ministre François Legault s’est rabattu pour défendre le projet d’agrandissement de Dawson.


Donc, l’on doit comprendre que cet agrandissement de 10 000 m2, réalisé au coût de plus de 50 millions (le véritable coût est inconnu), ne permettra pas d’augmenter la capacité d’accueil de Dawson…


L’argumentaire de Dawson repose aussi sur son « devis » qui, selon elle, peut être dépassé de 10 % « sous certaines conditions ». Le « devis » de Dawson, soit sa capacité d’accueil normée par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), est de 7075 étudiants. Or, depuis 2002, Dawson excède régulièrement son devis, c’est-à-dire qu’elle accueille plus d’étudiants que le MEES n’autorise normalement. En 2018, Dawson accueillait 7889 étudiants à temps plein. Elle dépassait donc son devis de 12%. Dawson dépasse régulièrement son devis de plus de 10% depuis presque 10 ans.


La règle du MEES, c’est 10% ou 12%?


Dans un communiqué publié à l’interne, Dawson, affirme que le nouveau pavillon accueillera environ 950 étudiants et un nouveau programme en « medical ultrasound technology ».


Alors, la capacité d’accueil sera augmentée de 800 ou de 950 étudiants? Je suis confus.


Il faut aussi comprendre que l’augmentation de la surface physique de 10 000 m2 permettra à Dawson de hausser son devis. Cette hausse de devis sera d’environ 10 % (donc 707+7075= 7782 étudiants).


Dawson aura donc le champ libre, une fois ce devis haussé, de l’excéder encore de 10 % (ou de 12 % ?, ce n’est pas terriblement clair). Le manque d’espace dû à l’accueil d’un nombre trop élevé d’étudiants permettra à son tour de justifier le prochain agrandissement. Et ainsi de suite.


C’est ajouter l’insulte à l’injure : Non seulement le Québec finance se propre anglicisation, mais on nous prend aussi pour des cons.



Crédit photo : Jean Gagnon CC / Wikipedia.com