À bas les pourris

France - élection présidentielle 2007

Ce sont des gens qui font la morale au peuple et montrent la voie au reste du monde. Qui savent suprêmement distinguer le Bien du Mal... mais qui ne pratiquent pas toujours cette distinction pour eux-mêmes.
Des gens qui, lorsqu'il faut déclencher une guerre contre l'incarnation du Mal qu'était Saddam Hussein, vont se livrer - sans le moindre pincement - à tous les mensonges, à toutes les intimidations nécessaires pour faire passer leur Grande Vérité, toujours identifiée au Bien.
Ils s'appellent Richard Perle, celui qu'on surnommait à Washington «le prince des Ténèbres»: l'homme qui, en sa qualité de président du Conseil d'expert en défense formé autour du président Bush, fut l'un des lobbyistes les plus actifs et les plus influents en faveur d'une invasion de l'Irak.
Le même homme, durant la même période, fut soupçonné de multiples conflits d'intérêts impliquant le Pentagone et ses politiques d'achats, des compagnies d'armements israéliennes et américaines qu'il dirigeait ou avait dirigé. Sociétés qui s'appelaient, par exemple, Hollinger. Et qui pour ces raisons fut obligé de démissionner, en 2003, de la présidence de ce supposé «conseil des sages»...
Ils s'appellent aussi Dick Cheney, toujours vice-président des États-Unis. Cheney, c'est l'homme qui pense pour George Bush, et celui qui - en tout cas jusqu'à ces derniers temps - décide vraiment à la Maison-Blanche.
Pendant la course fanatique à la guerre anti-Saddam, Cheney et ses acolytes se sont livrés à une intimidation de type mafieux contre les chercheurs de la CIA et d'autres agences qui disaient «Mais monsieur, nous ne trouvons rien sur les armes de destruction massives!» et qui furent forcés, à cause de ce «crime», de changer leurs versions ou de disparaître du paysage.
Ces gens ont des copains dans les plus grandes sociétés, comme la texane Halliburton, dont Cheney fut l'un des dirigeants. Compagnie qui a profité de milliards de dollars de contrats en Irak. Contrats sans appels d'offres, financés par le gouvernement américain, pendant que l'Irak se transformait en un trou sans fond propice aux coulages les plus astronomiques de l'histoire moderne.
Et puis ils s'appellent Paul Wolfowitz... Lui, c'est l'ancien vice-secrétaire à la Défense, l'«intellectuel» hautain qui savait mieux que quiconque distinguer le bonheur et le malheur, le Bien et le Mal. Et qui, en outre, connaissait mieux que les plus hauts gradés - lui qui n'avait jamais revêtu l'uniforme - toutes les arcanes de la stratégie moderne...
Célèbre est restée sa réplique assassine au général Eric Shinseki, venu dire au Congrès que pour «bien faire le travail» en Irak, il faudrait «plusieurs centaines de milliers de soldats»... au lieu des 150 000 prévus! «Des chiffres délirants», avait tranché Wolfowitz. L'histoire, bien sûr, a entièrement donné raison à Shinseki.
L'homme était donc fat et incompétent. Mais il se révèle également, comme les autres, d'une moralité inversement proportionnelle à ses prétentions. Wolfowitz avait fui la controverse et l'ignominie au Pentagone... pour se réfugier à la tête de la Banque mondiale, nommé là par George Bush. À la Banque mondiale, il avait fait - oui - de la «lutte à la corruption», surtout en Afrique, sa grande priorité...
Eh bien, l'affaire qui le rattrape aujourd'hui - et qui complète magnifiquement le portrait du personnage -, c'est une histoire de maîtresse promue et protégée par lui dans une sinécure à 200 000 dollars. Le scandale fait les grands titres à Washington. Cette semaine, les employés de la Banque mondiale, découvrant l'affaire, ont houspillé leur patron, alors qu'il sortait de ses bureaux, et l'ont traité de «voleur» et de «pourri». Quant aux ministres étrangers, justement réunis à Washington pour une réunion de la Banque, beaucoup se sont déclarés troublés...
L'affaire Wolfowitz, qui ébranle l'institution, n'est au fond qu'une petite histoire de népotisme comme il y en a des milliers. Mais lorsqu'elle touche une personne comme celle-là, on ne peut s'empêcher d'y voir une justice immanente. Justice doublée d'un avertissement aux prétentieux à gros bras, supposés moralistes, qui entendent refaire le monde à leur image.
Dernier droit dans la campagne présidentielle française... Où l'on a l'impression d'une Ségolène Royal qui n'a jamais vraiment décollé, au point qu'on a pu craindre pour sa présence au second tour. Second tour qui n'est pas pour autant dans la poche de Nicolas Sarkozy, car l'homme ligue contre lui beaucoup, beaucoup de gens qui croient - à tort ou à raison - qu'il est un caractériel explosif doublé d'un crypto-fasciste.
Au fond, quel groupe est le plus nombreux en France? Ceux qui croient que la Ségolène est «vide de substance» et donc indigne de la fonction? Ou ceux qui opinent plutôt que le petit Nicolas est vraiment dangereux? Au second tour, en France, on vote souvent sur le mode négatif. Selon un dicton, «au premier tour, on choisit, au second, on élimine».
François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.
francobrousso@hotmail.com

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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