Bloomberg >
La volonté du premier ministre canadien Justin Trudeau d’accélérer la lutte contre le changement climatique suscite les craintes des agriculteurs du pays, qui affirment que cela menace l’approvisionnement alimentaire – et leur gagne-pain.
Le gouvernement souhaite réduire de 30 % les émissions provenant des engrais d’ici 2030, dans le cadre d’un plan visant à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Mais les producteurs agricoles affirment que pour atteindre cet objectif, ils pourraient avoir à réduire considérablement leur production de céréales, à un moment où l’approvisionnement est menacé par le conflit russo-ukrainien. On estime en outre que les fermiers pourraient perdre 10,4 milliards de dollars canadiens d’ici la fin de la décennie en raison de la baisse de la production.
Cette situation périlleuse survient alors que les efforts de réduction des émissions de dioxyde de carbone liées à la production d’énergie font face à de nombreux obstacles, de sorte que les décideurs se tournent de plus en plus vers d’autres secteurs, dont l’agriculture. Aux Pays-Bas, par exemple, les objectifs climatiques relatifs à l’azote ont engendré une vague de contestation de la part de cultivateurs qui craignent d’être contraints de cesser leurs activités. Le bétail et les engrais sont les principales sources d’émissions de protoxyde d’azote. Les agriculteurs néerlandais en colère ont amené des vaches au parlement, menacé de les abattre et bloqué les centres de distribution alimentaire desservant les principaux supermarchés.
« Si vous mettez les agriculteurs au pied du mur, je ne sais pas où cela va aboutir », a déclaré Gunter Jochum, président de l’Association des producteurs de blé de l’Ouest canadien, qui représente des producteurs exploitant environ 3 millions d’acres. « Il suffit de regarder ce qui se passe en Europe, aux Pays-Bas. Ils en ont assez ».
La chute de la production pourrait être importante, selon une analyse commandée par Fertilisants Canada. Le Canada pourrait perdre plus de 160 millions de tonnes métriques de canola, de maïs et de blé de printemps entre 2023 et 2030 à cause du plan fédéral, selon le rapport. C’est presque le double de la production céréalière canadienne prévue pour cette saison.
Les émissions liées au secteur agricole sont montées en flèche au cours des dernières décennies, les cultivateurs appliquant davantage d’engrais pour augmenter leur production. Les émissions provenant des sols cultivés ont augmenté de 87 % pour atteindre environ 7,6 tonnes métriques de dioxyde de carbone au cours des trois dernières décennies, selon les dernières données d’Environnement et Changement climatique Canada. En comparaison, les émissions liées de l’extraction du pétrole et du gaz ont plus que triplé pour atteindre 69 tonnes métriques de dioxyde de carbone au cours de la même période.
Les groupes agricoles affirment que les engrais supplémentaires permettent de produire davantage de nourriture. Les rendements du blé de printemps ont augmenté de plus de 40 % au cours de la dernière décennie, par rapport aux années 1990, selon les données de Statistique Canada. De même, les rendements du canola ont augmenté de 56 % au cours de la même période.
« Nous parlons quand même de l’approvisionnement alimentaire mondial », a déclaré Karen Proud, directrice générale de Fertilisants Canada, un groupe industriel qui représente les principaux fabricants et détaillants, dont Nutrien Ltd, et Koch Fertilizer Canada. « Le Canada fait déjà partie des pays qui utilisent le plus efficacement l’azote. Nous n’avons pas beaucoup de marge de manœuvre avant de commencer à affecter les rendements. »
[…]
Les agriculteurs essaient déjà de réduire leur utilisation d’engrais, car les prix ont beaucoup augmenté. Ils utilisent des équipements spécialisés pour les appliquer plus efficacement, a déclaré M. Jochum de Wheat Growers. Les incitatifs gouvernementaux visant à compenser le coût des nouveaux équipements ou des analyses de sol pourraient contribuer à réduire les émissions sans mettre en péril la production alimentaire, a déclaré Jim Everson, président du Conseil canadien du canola.
« J’espère que le gouvernement sera capable d’écouter », a déclaré Bill Campbell, président de Keystone Agricultural Producers.
[…]
Article traduit par Eugène d’Estimauville de Beaumouchel.
>>> Lire l’article complet de Jen Skeritt (en anglais)
Pour en savoir plus :
Sri Lanka Crisis Shows Consequences Of Elites’ Green Revolution (thefederalist.com)
Le panier d’épicerie en hausse de 10%, un record | Affaires | Le Soleil – Québec
Pénurie de blé: les Égyptiens paient le prix de la guerre en Ukraine (lefigaro.fr)
Quel est le rapport entre la guerre en Ukraine et la famine en Afrique ? – Forbes France
« Du pain et la liberté ! » (radiofrance.fr)
Le printemps arabe a doublé les migrations irrégulières vers l’UE – Le Point
OMAFRA disappointed in Fed Gov’t fertilizer decision | Farms.com