Langues officielles : le « piège » s’est refermé

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La tromperie perpétuelle du régime canadien

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«Air Canada est comme un enfant», ironise Martineau




En 2020, j’avais été, comme plusieurs, ému par une sorte de transfiguration des libéraux fédéraux dans le dossier linguistique.


Dans un discours du trône, le gouvernement Trudeau fils parlait des « 8 millions de francophones au Canada dans un océan » anglophone. Il rompait alors avec la position traditionnelle des gouvernements fédéraux depuis l’adoption, en 1969, par Trudeau père, de la Loi sur les langues officielles (LLO).


Symétrie et asymétrie


Position traditionnelle ? La stricte « symétrie » entre minorités francophones et anglophones.


Dans le discours, dans la loi et la jurisprudence, on les mettait systématiquement (voire systémiquement !) sur le même pied. Bref, en pratiquant un aveuglement volontaire crasse quant à la situation de faiblesse infiniment plus grande, dans le Dominion, du français par rapport à l’anglais. Dans cette logique, aider l’anglais au Québec, c’était aider le français dans le Rest of Canada...


D’où mon émotion d’entendre Justin Trudeau et sa ministre Mélanie Joly, dans des déclarations sans équivoque, porter un regard empreint d’« asymétrie ». « Il n’y a jamais eu de déclaration du gouvernement fédéral à ce sujet-là », disait fièrement Joly, qui reconnaissait le recul du français à Montréal et parlait même de l’importance d’agir pour qu’existe « un foyer francophone majoritaire dans un Québec où l’avenir du français est assuré ». Un livre blanc défendant la notion d’asymétrie fut publié.




Déception


Malheureusement, la suite fut désespérante. D’abord, il y eut le projet de loi C-32, qui mourut au feuilleton avec les élections de 2021. Le gouvernement Trudeau demeura minoritaire, mais le remit sur le métier. La ministre Ginette Petitpas Taylor accoucha finalement du projet de loi C-13.


Or, l’asymétrie y a été rabaissée au rang de principe vague.


Un sort similaire à celui des concepts de « société distincte » et de « nation québécoise ». D’abord refusés, puis reconnus du bout des lèvres. Dans l’esprit du Canada anglais, elles ne doivent jamais avoir aucune espèce de conséquence juridique.


Ainsi, presque toutes les propositions d’amendement à C-13 issues du gouvernement du Québec, relayées par le Bloc Québécois, furent ignorées.


Dans un chapitre percutant de son livre Le Piège des langues officielles, Québec et minorités francophones dos à dos (Septentrion, 498 pages), le docteur en droit linguistique Éric Poirier décortique la loi de Petitpas Taylor : « Du livre blanc à C-32, la proposition s’est éloignée de l’objectif de l’asymétrie. Avec C-13, on s’éloigne encore ».




Pire, on risque de reculer. Avec sa loi 96, le gouvernement Legault voulut assujettir les entreprises à charte fédérale à la loi 101 sur le territoire du Québec.


Mais la loi C-13, que le gouvernement Trudeau veut maintenant faire adopter avant Noël (avec l’appui du NPD), permettra aux entreprises (telle Air Canada évidemment) d’échapper à cette exigence.


Comme le naturel, le discours symétrique revint au galop chez Justin Trudeau, en réaction à la loi 96, notamment. Peu surprenant, quand on examine sa députation montréalaise, qui comprend entre autres Anthony Housefather, ancien président d’Alliance Québec, un organisme longtemps financé par Ottawa pour miner la loi 101.


Au fond, le piège systémique de la LLO s’est refermé sur l’asymétrie.