Commission Charbonneau - Mafia et FTQ-C

Arsenault a détourné le regard

Jocelyn Dupuis a commencé son témoignage attendu

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Leadership indigne

Michel Arsenault s’est lavé les mains de l’infiltration de la mafia au sein de la FTQ-Construction (FTQ-C) en choisissant de pelleter le problème par en avant, révèlent les écoutes électroniques de l’opération Diligence dévoilées jeudi à la commission Charbonneau.
On comprend mieux pourquoi le président de la FTQ tenait tant à empêcher cette diffusion. M. Arsenault savait que le nouveau directeur général de la FTQ-C, Richard Goyette, avait demandé l’aval du caïd Raynald Desjardins avant de se présenter aux élections truquées de novembre 2008.

M. Arsenault exprime sa frustration à son conseiller politique, Gilles Audette, dans une conversation du 22 mars 2009. M. Goyette aurait dit candidement à M. Arsenault qu’il avait demandé « une police d’assurance » à Desjardins avant de se lancer dans la course. Le président de la FTQ a confronté Goyette en lui disant : « Comme ça, tu es redevable à Desjardins. J’espère qu’ils ont pas de photos. »

« La gangrène est plus pognée qu’on pense », fait remarquer Gilles Audette.

M. Arsenault choisit de détourner le regard. Sa stratégie consiste à renvoyer la pression sur la FTQ-Construction. « On va repousser ça à eux autres. Si un affilié est tout croche, pourquoi je prendrais ça sur mes épaules ? » demande-t-il à Gilles Audette.

Trafic d’influence au Fonds

Michel Arsenault connaissait très bien le statut de Raynald Desjardins, le mafioso qui tirait les ficelles de Carboneutre. Le 16 février 2009, Ken Pereira lui avait révélé que cet ex-associé du clan Rizzuto était actif au sein de la firme de décontamination des sols.

La présence de Raynald Desjardins dans l’entourage de Carboneutre avait d’ailleurs incité M. Arsenault à mettre un point final aux démarches du Fonds de solidarité de la FTQ pour financer la firme.

La FTQ-C ressemblait à un éléphant dans un magasin de porcelaine à l’époque. Sur les écoutes électroniques, Jocelyn Dupuis se vante d’avoir « brassé en tabarnak » le p.d.-g. du Fonds, Yvon Bolduc. Celui-ci a déjà rencontré Ron Beaulieu, une relation des Hells qui a obtenu des prêts et garanties de prêts de 3,2 millions du Fonds.

Richard Goyette, l’indéfectible allié de Jocelyn Dupuis, promet de « péter une coche » dans le bureau de Michel Arsenault s’il n’est pas nommé au conseil d’administration du Fonds. Il se propose même de le faire chanter en menaçant d’exiger une enquête sur les investissements de la SOLIM (le bras immobilier du Fonds). Le p.d.-g. de la SOLIM, Guy Gionet, a déjà rencontré Raynald Desjardins, ont révélé des enquêtes policières. Un cas de proximité troublante.

Dans ses échanges avec Richard Goyette, Jocelyn Dupuis lui lance spontanément qu’il a des documents compromettants sur les tractations de l’ex-président de la FTQ-C, Jean Lavallée, avec la SOLIM. « Gêne-toi pas pour le dire », dit-il.

Le siège de la FTQ-C au Fonds est l’objet d’une grande convoitise, car il permet aux syndicalistes de faire passer les projets de leurs amis. C’est la raison principale pour laquelle les élections de 2008 seront si importantes.

Dupuis batailleur

Richard Goyette était présent jeudi à la commission Charbonneau. L’avocat à la retraite accompagne son ami Jocelyn Dupuis, qui a relaté son ascension à la FTQ-C. L’homme est volubile, et il donne l’impression d’être prêt à en découdre avec le procureur Denis Gallant.

Lors de la parution de son ouvrage, Syndicalistes ou voyous ?, cosigné avec M. Goyette, M. Dupuis avait déclaré en entrevue qu’il n’irait pas faire « un délateur » de lui-même à la commission Charbonneau. Il a d’ailleurs dit jeudi qu’il n’était « pas d’accord » avec la tenue de cette commission.

L’ex-directeur général de la FTQ-C a parlé de ses relations avec Tony Accurso. Il ne regrette aucunement son séjour sur le bateau de l’entrepreneur. M. Dupuis aurait souhaité que le bateau soit plus grand pour accueillir plus de joyeux passagers. Même s’il ne compte plus le nombre de fois où il a assisté aux anniversaires de naissance de M. Accurso, il refuse de le décrire comme un ami. Il s’agissait tout au plus d’une relation d’affaires, a-t-il dit.

Le témoignage de Jocelyn Dupuis a commencé sur des généralités, mais il devra se défendre d’avoir volé les élections de 2008.

Leçons de démocratie

Selon l’écoute électronique, un membre des Hells Angels, Jacques Émond, a comploté avec les syndicalistes Dupuis, Rénald Grondin et Dominic Bérubé pour arranger les élections. Des discussions à ce sujet ont eu lieu au restaurant le Cavalli entre les quatre hommes. Ils ont réussi à convaincre Dominic Bérubé de se retirer de la course.

Les élections vont se faire « comme dans le temps de Jimmy Hoffa », lance Rénald Grondin à Jocelyn Dupuis lors d’une conversation subséquente. La remarque fait référence au célèbre patron des Teamsters américain, qui était acoquiné à la mafia.

Le tandem formé d’Yves Mercure et Richard Goyette s’impose à 62 voix contre 2. Sitôt le résultat connu, Jocelyn Dupuis se précipite sur son téléphone pour célébrer son triomphe. « C’est fait. On a gagné », lance-t-il à Louis-Pierre Lafortune, un entrepreneur lié aux Hells Angels.

« T’es pas là, mais t’es là, c’est ça ? » observe pour sa part Ron Beaulieu, une autre relation des Hells Angels. « Exactement. Mes gars sont là », lui répond M. Dupuis, fier d’avoir chassé du pouvoir Jean Lavallée, qui contrôlait la centrale depuis 25 ans avec l’assentiment de Tony Accurso.

Le directeur de l’Association des manoeuvres interprovinciaux, Rénald Grondin, se charge d’informer Jacques Émond de l’heureux dénouement des élections. « On est tombé pile. Je t’en dois une, mon ami », lui dit-il en rigolant. M. Grondin est toujours vice-président à la FTQ-C.


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