Au bord de la dépression

Chronique de Patrice Boileau

Avis aux indépendantistes ayant le cœur sensible : les prochains mois qu’ils vivront seront particulièrement douloureux.. La profonde apathie qui habite leur compatriote, amollissement qui rappelle un profond état comateux, risque de les pousser au bord de la dépression.
Rien ne semble en effet provoquer le moindre spasme de fierté dans la population québécoise. Même la présence en France du personnage qui incarne symboliquement le conquérant britannique de la Nouvelle-France, personnage désigné pour lancer les célébrations soulignant le 400e anniversaire de la ville qui fut vaincue en 1759, n’a pas suscité l’indignation générale au Québec.
En réponse à cette gifle historique, 40% des Québécois se disent maintenant prêts, selon le dernier sondage, à appuyer celui qui devait les représenter à La Rochelle. Fort de cet appui, Jean Charest pourrait former un gouvernement majoritaire en ayant comme engagement électoral de ne poser aucun geste qui pourrait modifier le signal de bilinguisation tous azimuts qu’il envoie au reste du monde. À l’inutile Commission Bouchard-Taylor, l’administration libérale a génialement conclu qu’il faudrait faire enchâsser dans la Charte québécoise l’égalité entre les femmes et les hommes. Prodigieux!
Pas question donc de renforcer la loi 101 car une querelle constitutionnelle avec l’État canadien pourrait en découler. D’ailleurs, l’événement unique que sont les festivités du 400e de Québec ne servira pas de tremplin pour réparer l’odieux coup de force de 1982. « Le fruit n’est pas mûr », répète commodément celui qui a fui ses responsabilités politiques de défendre la différence québécoise. À nouveau, cette démission tragique n’engendre aucun agacement dans la population.
Voilà qui décrit bien une période de « grâce politique », période qui revient périodiquement et qui permet au gouvernement qui en jouit de flotter un bout de temps, à l’abri des orages populaires. L’administration de Jean Charest est bel et bien entrée dans cette « quatrième dimension » qu’aucun politologue ne parvient à décrypter. Tout en ne faisant absolument rien, le gouvernement libéral, qui accumule les tuiles, fait simultanément le plein de votes!
Le début des travaux de prolongement de l’autoroute 30 dans des terres agricoles, en Montérégie, ne fait pas plus baisser sa cote de popularité. Il y a quelques jours, l’annonce de nouveaux dépassements de coûts dans le projet de construction du CHUM à Montréal est passée comme une lettre à la poste. Le ministre de la Santé, Philippe Couillard, a même poussé l’audace en déclarant qu’il est normal qu’un chantier de construction érigé en mode PPP ne puisse fournir aux médias les plans de l’édifice à venir!!! Merveilleux! Surtout qu’il s’agit de la toute première expérience que tente l’État québécois dans ce type de formule! Comment alors affirmer qu’il s’agit d’une pratique habituelle ?!?
Il ne fait pas de doute que le méga-projet du CHUM est devenu un bar ouvert où la dilapidation des fonds publics atteindra des proportions titanesques. Les gestes de malversations s’y multiplient, comme le prouve cette déclaration qui précise que chaque mois de retard dans les travaux se chiffre désormais en millions de dollars. On se dirige tout droit vers un scénario identique à celui du triste épisode de la construction du stade olympique. Seul un gouvernement qui bénéficie d’une « immunité indécodable » peut s’éclater de la sorte avec les fonds publics.
Certes, Jean Charest use de certaines astuces afin que son séjour dans cette quatrième dimension perdure. Son discours vert, couleur particulièrement au goût du jour par les temps qui courent, donne l’impression qu’il se passe quelque chose à Québec. L’entente environnementale qu’il a conclue avec son homologue ontarien, contre Ottawa, le sert habilement en vue de la prochaine élection. Également, son idée loufoque de marché globalisé avec l’union européenne, dans un contexte où la distance a maintenant de l’importance à cause des frais de transport qui explosent littéralement, dupe efficacement les Québécois.
L’histoire se répète finalement: parce que la population québécoise ne veut pas de chicane, elle accepte de laisser à la tête de son État des mollassons qui n’ont aucune envergure politique. Le prix à payer de cette démission collective sera cependant très élevé. Le Québec n’est absolument pas préparé à affronter la période inflationniste qui débute, cycle de hausse des prix attribuable à la spéculation pétrolière. La situation déficitaire, qui afflige les finances publiques et que l’on cache à la population, ne fera que s’aggraver lorsque le ralentissement de l’économie s’installera pour de bon. Il est à espérer que le PLQ n’exercera pas à ce moment le pouvoir, fort d’une majorité de sièges.
Certains analystes politiques avancent que la débandade conservatrice à Ottawa pourrait ramener les libéraux de Stéphane Dion à la tête de l’État canadien. Adepte d’un fédéralisme centralisateur, le PLC pourrait finalement être celui qui génèrerait un électrochoc chez les Québécois, traitement extrême pour secouer des consciences momentanément errantes. Il existe évidemment des remèdes beaucoup moins brutaux. Malheureusement, lorsque le mal à combattre est celui observé présentement, les nombreux avertissements publics qui agissent à l’image de traitements préventifs, sont sans effets.
Un gouvernement qui fait de la figuration et qui voit malgré cela ses appuis augmenter, défie effectivement toute logique. On ne peut alors qu’attendre qu’il sorte de cette dimension surréelle. Une attente inquiétante cependant car elle s’accompagne nécessairement de graves dégâts.
Patrice Boileau


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7 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    4 juin 2008

    "Nous ne sommes pas au Tibet ou en Tchétchénie"
    Attention: Un génocide est un génocide. Quand on fait face à une nation dominatrice la brutalité n'est jamais loin.
    Le moindre geste d'affirmation que NOUS fassions déclenche les mouvements de haine: Parade St-Patrick, RRQ bafoué. Tintamare contre Galganov, police alertée. Les naïfs qui se soulèveront en masse avec des pancartes ou des cris rencontreront la même armée britannique que les Patriotes se sont fait servir. Pour un mouvement de masse il faut la masse. Les Québécois francophones combattifs sont trop rares désormais: on les a réduits au silence. Quand on a laissé trop longtemps les assimilateurs nous diriger et nous dire qu'il n'y avait aucune menace à notre langue, on a abdiqué. NOUS sommes cernés et nos geoliers nous ressemblent et parlent encore notre langue. Il ne nous rest plus qu'à geindre sur Vigile.net et à se rassembler autour de LOcoLocas les dimanches d'été pour chanter: How come your name is french oh mommy, mommy, tell me why!

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juin 2008

    Bonsoir monsieur Marc Max Kimpan,
    Vous dites : « Arrêtez de geindre SVP. » C’est le meilleur mot d’ordre à entendre. Que de temps perdu à discuter et supputer de petits événements qui nous hérissent le poil des jambes. Il est temps de comprendre que la lutte nationale dépasse de mille coudées les platitudes du rapport Bouchard-Taylor ou de tout ce combat du MMF qui n’a pas compris encore que le combat sur ce terrain est insuffisant. Au MMF de fouetter le Conseil de la Souveraineté, aux chroniqueurs de Vigile de cesser de fustiger ou de philosopher sur nos états d’âmes. Comme monsieur Kimpan, la question cruciale se pose : « Quelqu’un peut-il commencer à penser un peu mouvement de masse et mouvement populaire ? » À suivre… comme dirait un de mes amis.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juin 2008

    Bon. Et alors ? On fait quoi ? Cela fait longtemps que l'on peut constater et faire le diagnostic. Tout le monde le sait. Mais au delà de la déprime, il faut aller de l'avant et recommencer le travail de base, vous m'excuserez, qui n'a pas été fait lorsque le PQ était au pouvoir. De dire que la situation est déprimante, n'aide en rien. Bon on a finit de se lécher les bobos, de brailler dans sa bière. Avez-vous des idées concrètes et pratiques ? Les gens ont été bien conditionnés à fermer leur gueule dans ce pays et à accepter à peu près n'importe quoi. L'espoir vient de la désintégration de l'ADQ. On voit bien l'état de décomposition de ce phénoméne artificiel. Arrêtez de geindre SVP. Nous ne sommes pas au Tibet ou en Tchétchénie. Le problème comme d'habitude, il est entre les deux yeux au Québec. Comme ça le Parti Indépendantiste n'a pas l'effet magique tant attendu. Quelqu'un peut-il commencer à penser un peu mouvement de masse et mouvement populaire ?

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juin 2008

    Bonjour m.Boileau
    J'écris à nouveau que les indépendantistes n'ont plus qu'une véritable patrie,et c'est le Parti Indépendantiste.Ce n'est pas lui qui fait ou défait la morosité ambiante.
    La morosité que vous décrivez,que vous prédisez aussi,ce n'est pas la vôtre ni la mienne.Mais,oui,il y a morosité.Qui ne vient pas uniquement du seul P.Q.,mais qui vient aussi de lui.Qui vient de ce parti qui compte livrer bataille sur le seul projet de"gérance de la province " de Québec.Cette bataille,elle se fait déjà,maintenant,et se fera davantage au fur et à mesure que l'élection sera en vue.Mais c'est une bataille qui se fait sur le terrain de prédilection de l'adversaire.Là ou il excelle depuis longtemps.
    Les récents sondages,qui ne révèlent rien concernant la question nationale(rien n'est joué,seule l'élection compte)révèlent ,au contraire,tout le drame qui se prépare à l'encontre du P.Q.Il s'y active activement à ce drame.J'aimerais me tromper,mais je crois que le P.Q. va encore"en manger une maudite" aux prochaines élections.
    Le Parti Québécois est porteur d'une grande espérance,mais il ne s'en sert pas.Il préfère maintenant le terrain du conservatisme.Et le conservatisme ne peut pas porter une idée aussi radicale que la souveraineté,encore moins l'idée d'indépendance.
    À la prochaine élection générale,là ou ça compte vraiment,il sera facile au P.L.Q. et même à l'A.D.Q. de porter à l'attention de l'électorat,que le P.Q. a un agenda caché,qu'il traîne encore dans sa besace un possible référendum.Le P.Q. devra rivaliser---imaginez ! il rivalisera !---pour expliquer qu'il ne fera pas de référendum.Il a déjà commencé.Il va avoir l'air,encore une fois,de s'excuser d'être indépendantiste.Il a déjà commencé.Toute une stratégie !Voyez les sondages !Et vous pouvez compter sur les libéraux pour ne plus rien faire jusqu'aux prochaines élections : le P.Q. est piégé et ses indépendantistes plus encore.
    Et comme pour ajouter à la morosité que vous déplorez,le P.Q.annonce maintenant une grande conversation avec le peuple et même une constitution ou quelque chose s'y apparentant.Mais s'il est élu! Vraiment,la boucle sera bouclée.Je crois fermement que l'électorat réservera au P.Q. le même sort qu'il réserve maintenant au rapport Bouchard Taylor.Ce rapport d'amuseurs n'aura servi,et ne sert encore les libéraux que pour gagner du temps.Pendant que les indépendantistes,eux,perdent un temps précieux avant que de rallier et se regrouper.
    Rien n'indique,en terminant,que les indépendantistes péquistes se rallieront un jour au P.I.Ce serait là un rare exemple de lucidité,de résolution sinon d'honneur.Et le slogan<<ça passe ou ça casse>>,c'est bien plutôt le P.Q. lui-même,maintenant,et ses indépendantistes en particulier,qui jouent avec l'avenir de la nation.
    Car, advenant l'élection des libéraux,majortaires,cela est une possibilité après tout!il ne serait peut-être pas question de la même conversation nationale,non plus,surtout,de la même constitution.
    Les plus moroses seraient alors ceux qui,ayant décidé de rester fidèles,s'apercevraient alors de toute l'ampleur du mal fait à notre cause.Il faut faire face.Maintenant.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    4 juin 2008

    M. Lemay,
    Vous mettez le doigt en plein sur le bobo:
    "Malheureusement, nous ne sommes qu’une poignée de Québécois à lire Vigile assidûment."
    Ceux qu'il faut réveiller, ils ne sont pas ici. Au grand ralliement du MMF, dimanche prochain, les Québécois seront-ils passionnés de clamer leur indignation contre la canadianisation?
    NON, les Québécois seront au GrandPrix de la consommation au profit du conquérant. LeDevoir à la main criant "le Québec aux Québécois? L'option politique divisée, dites-vous? Tellement bien orquestré par de "gros" ténors que plusieurs ont cru de bonne foi que recommencer à zéro était LA solution... même ici, les messages semblent diminuer...

  • Lionel Lemay Répondre

    4 juin 2008

    Monsieur Boileau, vous avez entièrement raison.
    Malheureusement, nous ne sommes qu'une poignée de Québécois à lire Vigile assidûment.
    Le PQ semble tellement hypnotisé par la peur de déplaire à l'électorat fédéraliste anglophone (qui ne votera jamais pour le PQ ) qu'il oublie de dénoncer les injustices et attaques commises par ces derniers envers les Québécois de descendance française (les fondateurs du premier Canada avant l'invasion anglaise )et de créer des occasions de faire une promotion intensive de la souveraineté dans tous les médias du Québec, y expliquant le pourquoi et les avantages de créer notre propre pays.
    Je me pose la question si vous et d'autres chroniqueurs de Vigile avez déjà soumis vos textes au Devoir ou au Journal de Montréal/Québec pour publication et si oui, avez-vous été publiés? J'oublie ici les journaux de GESCA à la solde des anglais.
    Les fédéralistes ont subtilement divisé les forces souverainistes pour nous vaincre et continuer à nous assimiler. La meilleure solution serait pour les trois partis souverainistes, le PQ, le PI et le QS, peut-être même l'ADQ, de se joindre et engager un vrai publiciste dynamique pour promouvoir leur but commun. John Parisella fait très bien son travail auprès de John James Charest que l'on voit et entend presqu'à tous les jours dans les médias.
    J'espère que le PQ va sortir de sa torpeur, qu'un prince charmant va réveiller la princesse Pauline et raviver la flamme dans le coeur des Québécois souverainistes qui diront avec fierté que nous sommes aussi, sinon plus capables et intelligents que les anglo-canadians pour nous gouverner nous-mêmes et être maîtres chez nous.
    Lionel Lemay

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    4 juin 2008

    Monsieur Boileau,
    Après votre harangue de la mi-mai, vous ne perdez pas courage : MERCI de rappliquer.
    Soyons avec vous, sans déprimer, sans penser que :
    À la journée des Patriotes, nous n’étions que quelques centaines à protester faiblement sous la pluie battante,
    Avec les JeunesPatriotesQuébec encore, l’hiver dernier, devant l’Hôtel de Jane Wong boul Décarie, quelques dizaines à casser les oreilles de Gaganov, Nutik et Tyler mutinés contre NOUS et qui ont appelé NOTRE police pour nous avoir à l’œil.
    L’été dernier, à la marche pour la langue française, tranquilles, loin des quartiers feutrés des anglos, pour ne pas les incommoder, mille Québécois? Tout au plus, venus s’abriter dans un petit parc rue Sherbrooke, se faire un petit hommage au Dr Laurin, entre nous, loin des journalistes gescaiens, sans déranger le Canada qui nous a endormis…
    Dimanche prochain, nous serons encore quelques milliers, peut-être, sur les 6 millions de Québécois, qui répondront à l’appel du MMF et de M. Desgagné qui se fait L’Alouette en colère… Le petit village Gaulois qui résiste, comme le crie aussi RRQ des quatre coins du territoire… Ainsi passe une autre espèce biologique… Les Français sont venus en Amérique, chasser le castor, laissant le territoire aux britanniques qui ne les ont pas exterminés comme au Grand Dérangement, mais leur ont rappelé périodiquement que pour continuer sur ce continent, c’est à LEUR manière. Après Wolfe, après les Patriotes, Durham, les conscriptions, Octobre ’70, après répétition des agents de dénationalisation Laurier, Trudeau, Chrétien, le rapatriement unilatéral, les référendums volés parce que c’était la guerre, Michaëlle nous le fait avec le sourire, avec un manche à balais. B-T, les deux derniers bras noirs de Charest et Harper ont bien fini le travail : convaincu la jeunesse du ridicule de la ceinture fléchée et d’une langue médiévale. Nous ne serons plus assez nombreux demain quand, tout comme les Chinois au Tibet, ils enlèveront de force les Québécoises francophones coupables d’un troisième enfant, pour les stériliser sans anesthésie.