Il n’y a pas que l’opposition et les « soi-disant » experts qui s’inquiètent du projet de loi antiterroriste conservateur. Le gouvernement de Philippe Couillard aussi. Québec craint en particulier les nouveaux pouvoirs accordés au service d’espionnage canadien et demande donc à Ottawa de mieux les baliser.
« Le changement d’orientation majeur apporté aux pouvoirs du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) représente une grande préoccupation pour le Québec », est-il écrit dans cette lettre signée par les ministres de la Justice (Stéphanie Vallée), de la Sécurité publique (Lise Thériault) et des Affaires intergouvernementales canadiennes (Jean-Marc Fournier).
Le projet de loi C-51 d’Ottawa accorde au SCRS un pouvoir de « perturbation », soit le pouvoir de s’infiltrer dans des réseaux surveillés pour en faire dérailler les activités. Ils pourront même poser des gestes illégaux si ceux-ci sont au préalable autorisés par un juge. Les policiers disposent déjà de tels pouvoirs, mais dans leur cas, leurs actions mènent à des accusations. La perturbation peut alors être contestée devant un tribunal par la personne en ayant fait l’objet. Ce nouveau pouvoir est au coeur des critiques adressées au projet de loi. Certains estiment qu’il pourrait même être utilisé pour procéder à des détentions secrètes, ici ou à l’étranger, comme en pratique la CIA américaine. Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Steven Blaney, avait qualifié en comité parlementaire de « soi-disant experts » ses adversaires.
Dans leur lettre, les trois ministres québécois disent qu’il « est préoccupant de constater que le projet de loi C-51 prévoit de donner au SCRS d’aussi vastes pouvoirs, y compris la possibilité de poser des actes qui seraient contraires à la Charte des droits et libertés et aux règles du droit canadien, notion dont on questionne par ailleurs la portée. » Ils demandent donc que les mécanismes de surveillance « soient mieux adaptés aux nouvelles activités et pouvoirs du SCRS ». Le trio réclame surtout des « recours utiles » pour les gens ayant été affectés par les nouveaux pouvoirs des espions.
Protection des renseignements
Québec s’inquiète aussi de l’ampleur du partage de renseignements personnels qui sera rendu possible avec C-51. « Il est de notre responsabilité d’agir avec sagesse lorsque nous choisissons de restreindre la portée des droits et libertés fondamentaux », est-il encore écrit. Les ministres se désolent qu’Ottawa n’ait pas consulté les provinces avant de rédiger son projet de loi comme l’aurait exigé « un fédéralisme coopératif ».
Au bureau du ministre Steven Blaney, un des trois ministres fédéraux à qui la lettre est adressée, on n’a pas répondu directement à ces critiques. On s’est plutôt accroché au court passage de la lettre disant que le Québec « est favorable à ce que soient édictées de nouvelles mesures qui permettent d’améliorer la sécurité du public », le présentant comme un aval québécois à C-51. « Le ministre se réjouit de l’appui du gouvernement québécois pour de nouvelles mesures visant à assurer la sécurité du public contre l’extrémisme violent », a écrit dans un courriel le porte-parole de M. Blaney, Jean-Christophe De LeRue.
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