Avant les remèdes, un bon diagnostic

Chronique de Pierre Gouin

Avec la publication de rapports par le groupe d’économistes mandatés par le gouvernement, un débat s’est engagé sur les mesures à prendre pour redresser les finances publiques du Québec. La science économique ne peut fournir de réponses définitives aux questions qui touchent à la répartition du revenu, et notamment, quant au niveau de services publics qu’un État peut se donner et quant aux modes de financement de ces services publics.
Malheureusement le débat est très mal engagé. Il sera impossible de mettre en applications des réformes significatives si la majorité de la population n’est pas convaincue que ces actions sont inévitables. Or des acteurs influents de la société québécoises demeurent convaincus que la situation n’est pas dramatique et que le déficit se résorbera lentement avec tous les impacts de la crise financière.
Un tel scepticisme n’est pas surprenant. Avant la dernière élection, le premier ministre affirmait qu’il n’y aurait pas de déficit budgétaire en 2008-2009, et il n’y aurait pas eu de déficit significatif au cours des quatre années précédentes selon les données officielles. Peu de temps après, le premier ministre a dû admettre qu’il y aurait un déficit important en 2008-2009 et au cours des années subséquentes, ce revirement étant provoqué par l’ampleur et la soudaineté de la crise financière mondiale. Cependant, on a vu progressivement le discours changer, laissant deviner que le premier ministre ne voulait pas laisser passer cette occasion d’apporter les changements qu’il souhaitait dans le mode de financement des services publics. Et voilà que le rapport commandé aux économistes révèle que le Québec vit au-dessus de ses moyens, donc qu’il existait un déficit structurel des finances publiques bien avant le début de la crise financière. Il y a de quoi être sceptique.
La confusion quant à l’état réel des finances du Québec a été entretenue depuis longtemps par nos polititiens. Combien de fois n’a-t-on pas vu un nouveau gouvernement annoncé que le déficit estimé par le gouvernement précédent avait été réévalué et que les vrais chiffres étaient plus élevés de quelques milliards de dollars?
Je crois pour ma part que la situation est assez critique. Nous élisons depuis longtemps des gouvernements populistes qui n’hésitent pas à utiliser l’argent des contribuables pour se faire du capital politique, à crédit évidemment. Après avoir ramené le déficit à zéro le gouvernement du Parti québécois a remis les lunettes roses pour lancer un programme de garderies à cinq dollars par jour. S’il avait été réélu, le Parti québécois aurait eu à hausser ce tarif ou à trouver plus de revenus pour maintenir l’équilibre budgétaire.
Le gouvernement libéral s’est fait élire en promettant de baisser les impôts tout en maintenant le niveau et les tarifs des services publics, y compris les garderies, ce qui ce était irréalisable. Le miracle devait venir des partenariats privés-publics, mais le seul impact budgétaire majeur que peuvent produire les PPP se réalise quand ils permettent d’amortir à long terme des investissements qui autrement seraient comptabilisés dans l’année courante. Or la comptabilité québécoise permettait déjà d’amortir les investissements du gouvernement sur plusieurs années. Des artifices, des changements aux normes comptables, ont permis de laisser croire pendant plusieurs années que le budget était équilibré. On a accordé des baisses d’impôt avec de l’argent emprunté et on a même emprunté pour déposer, dans le Fonds des générations à la Caisse de dépôt et placement, des sommes pour le remboursement de la dette du Québec. Si on avait donné l’heure juste et pris les mesures nécessaires pour équilibrer le budget dès 2005 on aurait déjà sauvé des centaines de millions de dollars en intérêts sur la dette.
Comment la dette nette aurait-elle pu augmenter de plusieurs milliards de dollars avant la crise si le budget annuel avait été équilibré? Il fallait camoufler la réalité pour sauver la face et espérer être réélu. Finalement, il a fallu en rajouter en niant l’évidence au sujet des pertes de la Caisse de dépôt et placement et du déficit de l’année en cours pour assurer la réélection. Le problème des finances publiques a été mis sous le tapis pendant des années et on a profité de la tempête financière pour secouer les tapis.
Ce n’est qu’une opinion et plusieurs analystes chevronnés, dont d’anciens politiciens qui connaissent bien le ministère des Finances, affirment que la situation n’est pas aussi mauvaise que le gouvernement ne veut le laisser croire. Il est inacceptable qu’on doive discuter de ces questions et éventuellement se conformer à des décisions aux conséquences majeures sans avoir un portrait clair des données de base du problème.
Avant que des décisions ne soient prises, il faudrait qu’une commission d’experts indépendants, ayant accès à toutes les données pertinentes du ministère des Finances, dresse un bilan complet des finances publiques du Québec. Cette commission devrait devenir permanente et avoir comme mandat de valider de façon continue les données et les projections budgétaires.
Par ailleurs, lorsqu’on se désole des difficultés financières du Québec il ne faut pas perdre de vue la principale cause de notre manque de marge de manœuvre. La principale cause en est qu’environ la moitié de nos impôts sont payés au gouvernement fédéral et qu’il est impossible de remettre en question les dépenses faites à ce niveau. Est-ce que toutes les dépenses faites au fédéral sont plus importantes que les dépenses en éducation et en santé que nous sommes obligés de compresser? Dans la fédération canadienne le gouvernement central se sert en premier dans l’assiette fiscale et les provinces se contentent de ce qui reste. C’est ainsi que le gouvernement canadien a pu réduire sa dette de dizaines de milliards de dollars dans la dernière décennie, et économiser des milliards en intérêts, alors que le Québec et plusieurs provinces étaient coincés dans des budgets serrés.


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1 commentaire

  • Isabelle Poulin Répondre

    30 janvier 2010

    Et j'ai oublié de dire que si on donne les directives au ministre, c'est une façon de dénoncer, de mettre de la pression et d'augmenter la visibilité sur les problèmes surmontables du financement des services public. Lui, il veut faire croire que ce n'est pas faisable, mais viendra le moment oû il ne pourra plus se justifier et le tour sera joué ! Il faut croire en notre victoire et la faire arriver le plus tôt possible, c'est pour cette raison qu'il faut inclure dans note stratégie plusieurs moyens, ils ne sont pas incompatibles !