Finances publiques - Rien ne se perd, rien ne se crée

Budget Québec 2010


Le Québec vit actuellement une période cruciale: la préparation d'un budget de grande importance au sortir d'une période économique difficile pendant que les négociations des conditions de travail des employés de l'État (fonctionnaires, santé, éducation, etc.) atteignent leur apogée.
Il est clair que des arbitrages déchirants se profilent à l'horizon. Dans ce contexte, il devient vital de bien analyser les moyens dont le Québec dispose et de veiller à ne pas hypothéquer encore davantage l'héritage que nous laisserons à nos enfants. Personne ne met en doute le fait que les Québécois «méritent» les meilleurs services publics possible. Cependant, une question fondamentale se pose, à savoir quel niveau de services publics les Québécois ont les moyens de se payer, sans refiler constamment la facture à leurs enfants.
Voici quelques chiffres révélateurs. Le Québec finance 26 % plus de services publics que l'Ontario. En offrant le même panier de services publics que l'Ontario, le Québec réduirait ses dépenses de 17,5 milliards (2008-09). Cela dit, le PIB québécois est inférieur de 14 % au PIB ontarien. Compte tenu de notre capacité à produire de la richesse, l'assiette fiscale potentielle du Québec est inférieure de 50 milliards à celle des Ontariens, en tenant compte bien sûr des ajustements dus au nombre différent d'habitants dans chacun des cas.
Plus qu'un concept abstrait
Dans ce contexte, le niveau de la dette publique est un des voyants sur le tableau de bord. Ce n'est pas le seul, mais c'en est un de grande importance. Mis à part les investissements en infrastructures, la dette publique représente l'excédent des dépenses courantes par rapport à la taxation de la création de la richesse collective. C'est ce qu'on qualifie de «mauvaise dette», soit les emprunts pour payer «l'épicerie». Chez nous, cette mauvaise dette constitue déjà les deux tiers de la dette totale.
La dette publique, c'est beaucoup plus qu'un concept abstrait qui alimente les débats entre économistes. Il faut payer des intérêts sur cette dette. C'est ce qu'on appelle le service de la dette. Combien? Actuellement plus de 9 % des dépenses du gouvernement, soit plus de 6 milliards.
Déjà, le service de la dette représente le quart du budget de la santé, près de la moitié du budget de l'éducation ou l'équivalent des budgets de 14 ministères, et ce, en intérêts seulement. Aucun nouveau service pour tout cet argent! Avec les déficits déjà prévus, nous en serons à 14 % de tous les revenus du gouvernement en 2013-14.
En termes clairs, on appelle ça «refiler la facture» à ceux et celles qui ne votent pas encore et même à ceux qui ne sont pas encore nés. Cela équivaut à priver nos jeunes de la possibilité de faire leurs propres choix le moment venu. Ils n'auront tout simplement plus aucune marge de manoeuvre pour réaliser leurs rêves. Est-ce vraiment ce que nous souhaitons? Ce faisant, nous continuons à nous donner les services que nous proclamons haut et fort «mériter», mais sans accepter d'en payer le prix nous-mêmes et sans même faire les choix qui pourtant s'imposent.
Nos mérites
Si nous avons beaucoup de droits, de «mérites», nous avons aussi certains devoirs. Par exemple, ceux d'assumer la responsabilité de nos choix, ne serait-ce que par équité pour les prochaines générations. Mais aussi, pour éviter des crises financières comme vivent actuellement certains pays européens, ou encore comme en ont connu l'Argentine et la Nouvelle-Zélande. Dans des cas semblables, ce sont les institutions internationales en matière de finances qui viennent tenir la plume du ministre des Finances. Dans ces conditions, adieu nos priorités, nos valeurs, nos choix, nos «mérites». Ce n'est certainement pas ce que les Québécoises et les Québécois souhaitent.
Bref, il va falloir réaliser qu'en matière de finances publiques comme dans tout autre domaine, rien ne se perd, rien ne se crée. Il faut assumer un jour la responsabilité de nos choix de société, même ceux que l'on dit «mériter»...
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L. Jacques Ménard - Président de BMO Groupe financier

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Président du conseil BMO Nesbitt Burns et président de BMO Groupe financier (Québec), l'auteur a présidé le Comité sur la pérennité du système de santé et des services sociaux, qui a publié son rapport en 2005.





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