Dégraisser à la bonne place…

réplique au discours des "lucides" (sic) sur les vaches sacrées...

Budget Québec 2010

La semaine dernière, Pauline Marois a fait sienne l’idéologie des élites de droite selon laquelle il faut désormais “dégraisser les vaches sacrées”. Ainsi, elle se dit prête à couper dans le budget des ministères de la Santé et de l’Éducation pour réduire le déficit du Québec. L’argument selon lequel on doit faire des compressions dans les budgets de ces ministères parce que ce sont eux qui représentent les plus grosses dépenses de l’État relève d’un flagrant manque d’imagination.
Dans la conjoncture actuelle, le Québec se doit de devenir une société du savoir s’il veut éviter une détérioration de ses conditions de vie en comparaison avec les autres pays. En effet, on ne pourra pas produire des biens de consommation à un prix inférieur aux employés du tiers-monde qui gagnent un dollar par jour. De plus, ce n’est pas demain la veille que l’on augmentera les tarifs douaniers ou qu’on abandonnera les accords de libre-échange dans le but de diminuer notre dépendance envers les pays étrangers (et de diminuer notre empreinte écologique en consommant des biens et des aliments produits localement). Cette idée peut sembler étonnante, mais trouvez-vous ça normal que les fraises de la Californie nous coûtent moins cher que celles de l’Île d’Orléans ou que l’agneau de la Nouvelle-Zélande soit moins dispendieux que celui du Québec? Cela dit, les investissements en éducation sont très payants parce que les diplômés universitaires ont des salaires nettement plus élevés, donc ils paient davantage d’impôts à chaque année.
Il existe de nombreuses façons d’assainir les finances publiques sans prendre des mesures aussi drastiques que celles proposées par les soi-disant lucides. À mon avis la première d’entre elles serait d’instaurer une fiscalité plus progressive. D’abord, il faudrait que les politiciens passent de la parole aux actes dans le dossier de l’abolition des paradis fiscaux. Il serait aussi souhaitable d’augmenter le taux d’imposition des riches de quelques points de pourcentage afin de commencer à rembourser la dette sans nuire aux citoyens les plus démunis. Or, avec ses baisses d’impôts, le gouvernement Charest s’est tiré dans le pied et, pour se maintenir au pouvoir, il n’ose malheureusement pas considérer cette option.
L’instauration de péages sur les autoroutes constitue un autre exemple de fiscalité progressive : dans la mesure où de telles initiatives amèneraient une diminution de la part modale de l’automobile comme ce fut le cas dans la plupart des pays Européens, l’État pourrait faire des économies considérables. Non seulement le transport actif nécessite moins d’investissement dans les infrastructures routières, mais il permet des économies majeures au niveau d’une des vaches sacrées (sic), le système de santé. Il existe des tonnes de solutions possibles… quand on ose penser au-delà des solutions toutes faites proposées par l’Institut économique de Montréal et autres membres de la ploutocratie.
Mais, puisque Mme Marois parlait de dégraissage, je ne peux m’empêcher de parler du problème de santé publique le plus important : l’obésité. Les données de l’Enquête canadienne sur les mesures de santé, la plus importante étude scientifique sur la condition physique des canadiens paru dans les 25 dernières années, sont sans équivoque. Le taux d’embonpoint et d’obésité chez les enfants et les adolescents a plus que doublé depuis 1981, passant de 14 à 31%. La situation est encore pire chez les adultes où ceux qui maintiennent un poids santé sont désormais minoritaires. Cette étude met également en évidence un déclin important de la condition physique, que ce soit au niveau de la capacité cardiovasculaire, la force musculaire, l’endurance ou la flexibilité. Le Québec est en meilleure position que le ROC quant à la prévalence de l’obésité, mais on fait piètre figure en comparaison avec le Japon et les pays scandinaves.
Pour la première fois dans l’histoire, et malgré les progrès de la médecine, les experts estiment que les bébés qui naissent aujourd’hui vivront moins longtemps que leurs parents. Le grand coupable est nul autre que l’obésité, qui a maintenant devancé le tabagisme à titre de problème de santé le plus coûteux. Des médecins ont récemment diagnostiqué le diabète de type II chez des enfants de 6 ans, une situation impensable il y a à peine 20 ans. De plus, le gras abdominal agit comme une glande endocrine, secrétant des hormones inflammatoires, dont les protéines C réactives, qui augmentent le risque de maladies cardiovasculaires.
Il est évident que les coûts de l’obésité se multiplieront aux cours des prochaines années. Ainsi, il me semble qu’au lieu de « dégraisser les vaches sacrées » Pauline Marois (et les autres politiciens) devraient prendre des mesures visant d’une part à amener les individus à perdre leurs kilos de graisse excédentaires et, d’autre part, à prévenir l’obésité. À l’heure actuelle, notre système de santé est orienté principalement sur le traitement des maladies; une situation qui fait le bonheur des compagnies pharmaceutiques, mais qui représente une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes dans le contexte du vieillissement de la population (qui est de surcroît en mauvaise santé). En comparaison, les sommes consacrées à la promotion de la santé et à la prévention des maladies sont minimes. Je proposerais donc d’augmenter considérablement ces investissements qui, à long terme, pourraient avoir un impact positif considérable sur nos finances publiques. Hélas, par électoralisme, nos gouvernements semblent incapables de penser à long terme…


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    3 février 2010

    Monsieur Larouche.
    Avec l'indépendance du Québec, nous rapatrions tous les impôts que nous payons actuellement à Ottawa ce qui nous permettra d'être maître complètement de nos finances. Fini le dégraissage dans nos budgets vitaux tels que l'éducation et la santé et les programmes sociaux. Fini les chicanes fédérales-provinciales! Fini la dictature d'Ottawa! Fini les jugements de la "SUPREME COURT OF CANADA" toujours défavorables au Québec. Maintenant, nous serions vraiment maîtres chez-nous et avec tout le capital humain qu'il y a ici combiné avec toutes les ressources naturelles sur notre territoire, nous ne pouvons manquer notre coup. Le Québec deviendrait un des plus riche pays au monde selon le pro rata de sa population. Il s'agit de se prendre en main et de se mettre en marche.
    André Gignac le 3/2/10

  • Richard Larouche Répondre

    2 février 2010

    @ Mathieu Pelletier : Je conviens que certaines nuances pourraient être ajoutées, particulièrement dans la première partie de mon article. Cela dit, mon objectif principal était de proposer des pistes de solution à l’extérieur du carcan rigide des compressions budgétaires qui nous est présenté ad nauseam par la grande majorité des médias québécois comme étant la seule issue possible. Trop souvent, les gens dont je parle semblent oublier qu’il y a deux colonnes dans tout budget : les revenus et les dépenses. Ces pour cette raison que j’ai axé mon texte sur des moyens d’augmenter les revenus de l’État… afin que l’on puisse avoir un système d’éducation accessible à la majorité des gens et un système de santé où on peut se faire soigner sans que ça nous coûte un bras (contrairement à nos voisins du sud).
    Il y a sans doute des dépenses de l’état qui doivent être remises en question. En premier lieu les PPP, puisque les statistiques démontrent que les projets menés selon cette formule sont plus onéreux dans l’écrasante majorité des cas. Une enquête publique sur le secteur de la construction pourrait aussi nous révéler pourquoi les travaux routiers coûtent beaucoup plus cher au Québec qu’au reste du Canada. On pourrait potentiellement économiser des milliards. Dans un autre ordre d’idées, l’instauration d’une taxe sur la malbouffe, la modification des règlements de zonage afin de favoriser les déplacements actifs et d’éloigner les « fast-foods » des écoles sont autant d’autres mesures que nos politiciens pourraient prendre pour améliorer la santé publique et la situation économique. Enfin, puisque la signification originale du terme de « vache sacrée » fait référence à la terre nourricière, il serait pertinent de faire la promotion du concept de souveraineté alimentaire afin de créer des milliers de nouveaux emplois. En voilà de la matière pour la réflexion collective…

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2010

    "Dégraisser les vaches sacrées" en coupant dans les Ministères de la Santé et de l'Éducation, deux ministères en mauvaise posture, vraiment c'est une aberration. Faut-il être paresseux, manquer d'imagination et de volonté, faut-il avoir la vue courte et le ventre repu pour parler de la sorte ! Ou bien le PQ a les mêmes vues que Charest : appauvrir davantage les démunis et forcer sur le privé. Au diable notre système de santé viable s'il est bien géré. Et elle n'est pas d'accord avec les demandes des travailleurs de la FP. Elle va où, elle ?
    Nous avons des politicards non de véritables hommes et femmes d'État.
    Demandez à Madame Marois de nous écrire une phrase, seulement une, qui passera à la postérité. Je la mets au défi d'en sortir une ! Vous croyez que c'est futile ?
    Pantoute.

  • Mathieu Pelletier Répondre

    2 février 2010

    M. Larouche,
    Il me semble que votre discours est fort peu nuancé. Le terme de "vache sacrée" est utilisé par les gens dont vous parlez pour décrire un ensemble de politiques qui ont échouées relativement à leur but initial et dont le remaniement (qui peut inclure la coupure)pourrait permettre de dégager des sommes pouvant nous aider à relever le défi démographiqe et les défis sociaux à venir, tout en respectant d'autant plus les objectifs initiaux... Or, plusieurs politiques au Québec correspondent à cette description, et plus tôt sera le dégraissage, mieux ce sera. Le réflexe de certains groupes "progressistes" de se rabattre continuellement sur leurs acquis (qui ne savent souvent même plus comment ni pourquoi ils les avaient obtenus) nuie instamment au peuple québécois. Tout ceux qui ont à coeur le salut de la nation doivent se résoudre le plus vite possible à participer activement à la réflexion collective qui nous incombe ou se mettre hors du chemin de ceux qui oseront la mener.