Sortir du rouge

Budget Québec 2010


Peu de temps avant le Nouvel An, il était intéressant d’entendre certains analystes et chroniqueurs politiques dresser leur bilan de la première décennie du XXle siècle. Plusieurs d’entre eux ont conclu qu’elle s’est déroulée sous le signe de la peur.
Crainte d’un attentat terroriste, angoisse sanitaire émanant d’une nouvelle pandémie et inquiétude face aux changements climatiques, sont les frayeurs qui ont été le plus évoquées. Celles-ci auraient donc occupé le haut de la liste des sujets qui ont tracassé les principales puissances mondiales. Difficile de prédire qu’elles seront aussi préoccupantes pendant encore dix autres années.
Il faudra assurément composer avec un autre péril : celui d’éviter d’endetter davantage les finances publiques des pays industrialisés de la planète. Des milliards ont en effet été engloutis dans les différentes économies mondiales, pour soutenir le libéralisme économique. Les contribuables, déjà laissés à eux-mêmes, sont tout aussi impuissants de voir leurs dirigeants dépenser des sommes stratosphériques qu’ils devront rembourser. Cette corvée empoisonnera-t-elle la prochaine décennie?
La dernière récession économique a démontré que le laisser-faire économique n’a pas sa place. Sans surveillance de l’État, la cupidité des investisseurs est insatiable et a mené à l’écroulement d’un capitalisme malsain. Aux États-Unis, les industries bancaires et automobiles se sont livrées à des stratégies scandaleuses pour augmenter leurs profits. Il est triste que le sauvetage spectaculaire entrepris pas Barack Obama ne se soit pas soldé par la mise au pas des Grands de Détroit afin qu’ils abandonnent la production de dinosaures, et l’imposition de nouvelles règles dans le monde du crédit. Rien n’a réellement changé au pays de l’oncle Sam : les dirigeants du secteur bancaire s’autorisent encore de plantureuses primes de rendement pendant que des camions encore plus gros sortent des chaînes de montage américaines.
Les Québécois ne sont pas épargnés par la tourmente : ils ont vu leur État perdre 40 milliards par le biais de la Caisse de dépôt et placement alors que plusieurs autres prennent le chemin d’Ottawa. En ces temps durs, apprendre qu’il en coûte environ 30% plus cher qu’ailleurs lorsque Québec octroie un contrat à une firme privée, choque profondément. Il est tout aussi offusquant de voir le gouvernement de Jean Charest maintenir le cap dans son intention d’ériger deux méga-hôpitaux en mode PPP. Cette formule ne garantit absolument pas une baisse des coûts de construction, au contraire.
C’est le même entêtement qui caractérise l’administration libérale en ce qui a trait aux choix qui devront être effectués afin de redresser les finances publiques. Les dogmes qui aveuglent le premier ministre menacent les fondements même de la société québécoise. Ainsi, au lieu d’inviter les entreprises à contribuer davantage et à mieux lutter contre l’évasion fiscale, le chef du PLQ préfère autoriser toutes sortes de hausses tarifaires tout en affaiblissant gravement le dynamisme de sa fonction publique. On est ainsi en droit de se demander à quoi servira le forum économique qu’il doit présider à Lévis, les 20 et 21 janvier prochains! Pourquoi organiser un tel événement sur le cul-de-sac des finances publiques, alors que Jean Charest refuse d’écouter les conseils du Vérificateur général du Québec sur sa façon de gérer les deniers de l’État?
Il est à craindre que des proches collaborateurs du gouvernement Charest l’invitent à s’inspirer de ce qui se passe en Ontario. On sait que Queen’s Park a dernièrement embauché deux firmes qui doivent analyser la faisabilité de privatiser des entreprises publiques. La Liqueur Store de cette province et possiblement Hydro-One, seraient dans le collimateur du gouvernement McGuinty. La vente de ces institutions, totale ou partielle, génèrerait des sommes qui seraient vouées à l’allègement de la créance ontarienne. Ces mesures aux effets éphémères séduiront assurément quelques chantres du libéralisme au Québec, des gens qui refusent de reconnaître que cette doctrine qu’ils affectionnent est responsable du marasme économique qui les afflige.
Sortir du rouge s’avère inéluctablement une priorité pour le Québec. Ne nous y trompons pas cependant : il s’agit prioritairement de se débarrasser du gouvernement libéral car les dommages qu’il cause à l’économie québécoise sont biens réels, au contraire de tous les épouvantails financiers qu’il imagine et associe à ses adversaires souverainistes. Il ne serait d’ailleurs pas surprenant d’entendre bientôt Jean Charest imputer la fermeture prochaine de la raffinerie Shell de Montréal à la menace séparatiste!!!
Sortir du rouge signifie également de mettre fin à l’hypothèque canadian qui nuit aux stratégies québécoises de développement. Ainsi, Jim Flaherty, ministre des Finances à Ottawa, promet qu’il n’amputera pas les transferts aux provinces pour renflouer ses coffres, comme les libéraux l’ont fait au milieu des années 1990. Reste qu’il est membre d’un gouvernement minoritaire qui peut très bien être renversé dans les prochains mois. Une perspective guère rassurante pour les Québécois.
Le Québec est pourtant sur la bonne voie pour relancer son économie.
Le nombre de naissances qu’il enregistre depuis quelques années aura des effets bénéfiques au chapitre de la consommation et dans le domaine des services, notamment celui de l’éducation où l’embauche de personnel sera nécessaire. Les politiques familiales portent fruit et doivent être maintenues afin de consolider cette tendance démographique positive qui se traduira également par un rajeunissement de la population. Les naissances ainsi que la construction domiciliaire sont les pierres angulaires d’une saine économie. Il faut donc continuer d’encourager ces domaines qui mettront tout le monde au travail.
La préservation du pouvoir d’achat des ménages maintiendra donc les pouponnières engorgées. Il faut le protéger. C’est plutôt à Québec de lancer un vaste de programme de lutte au travail au noir qui le prive annuellement de milliards de dollars en recettes fiscales. Qu’il y trouve les revenus qui lui manquent! L’établissement d’une enquête publique qui enrayera un système nocif d’enveloppes brunes qui gonflent les factures publiques, ramènera également la confiance dans la population et l’incitera à faire preuve d’intégrité dans ses actions économiques. Impossible néanmoins d’espérer sous peu l’avènement de pareilles mesures : le Québec en a encore pour trois ans à patauger dans le rouge...
Patrice Boileau





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 janvier 2010

    Voir aussi un texte publié sur la Tribune libre de Vigile le samedi 28 novembre 2009.
    Pour sortir le Québec du rouge
    par Jean Paul Tellier

  • Jacques Bergeron Répondre

    13 janvier 2010

    Mon cher Patrice, cet argument, vente d'Hydro-Québec entre autres sociétés, dont vous parlez a été utilisé par un certain ministre des finances, nommé Audet, avant d'abandonner son poste, ce que votre interlocuteur avait dénoncé dans un article au lendemain de cette démission.De toute façon , nous nous devons de combattre de toute notre énergie ces parasites, et autres rapaces de la finance qui attendent depuis un long moment de pouvoir mettre la main sur les sociétés de l'État québécois sous le prétexte de payer la supposée dette du Québec, que certains situent à «130 milliards», donc son passif, alors que l'actif de l'État se situe à près de «350 milliards«$»».Quelques exemples: Hydro-Québec:Claude Garcia, ancien président du PLQ situe cette valeur à 124 milliards«$», André Manguy Ing retraité de cette même société situe cette valeur «net» à 100 milliards«$» et à 200 milliards«$» d'ici 5 ans, alors que votre interlocuteur la situe à plus de 200 milliards«$» net. (Voir article publié sur Vigile mars 2009). Si nous ajoutons les autres sociétés d'État, SOQUEM, SAQ, RAMQ,Société d'assurance santé du Québec, SGF,, Investissement Québec,Société des Casinos et loterie du Québec, Caisse de dépôt même avec le déficit que vous soulignez,l'actif du Québec atteint facilement le montant de «350 milliards«$» indiqué plus tôt.Si nous considérons que les entreprises québécoises sont imposées à 31%, alors qu'aux USA ces sociétés sont imposées à 40%,on se dit que notre gouvernement possède les moyens nécessaires pour combler ses pertes «budgétaires» sans avoir à répondre aux attentes des amis du régime libéral.Si ce même gouvernement s'avisait de réclamer les sommes dues par Ottawa depuis plus de 20 ans,s'il se permettait de remettre en état les réductions consenties aux plus riches de notre société, le présent gouvernement n'aurait pas à penser un seul instant à combler ses besoins budgétaires, et encore moins à vendre «nos» sociétés d'État,qui ne sont les siennes,qui par l'actif qu'elles représentent démontrent que le Québec est un pays riche économiquement ce qui lui envient les provinces du Canada et la plupart des États des USA et que doivent lui envier la plupart des pays du monde.Il nous faudra donc combattre toutes les velléités du gouvernement Charest de vendre nos sociétés d'État, politiquent qui s'apparentent à celles de l'ADQ,que vous aviez baptisée en d'autres temps d'Action démagogique du Québec.