La part du gâteau

Budget Québec 2010


D’entendre Jean Charest dire l’autre soir, à propos de la grève spontanée des infirmières: «Chacun veut sa part du gâteau, mais attention, c’est le contribuable qui va payer», est proprement scandaleux. C’était avant le dévoilement, en grandes pompes radio-canadiennes, avec déplacement à Québec de l’équipe du Télé-Journal (s’est-on questionné combien tout ce cirque coûtait aux contribuables?) du fameux budget Bachand.
Mais qu’est-ce que le contribuable ne paie pas, dites-moi, monsieur le premier ministre? Il paie tout, absolument tout. Y compris votre salaire, qui doit être minable puisque vous sentez le besoin de demander à votre parti de combler ce qu’il vous manque pour mener un train de vie princier, en mettant à contribution les grosses compagnies, surtout celles de la construction, les couleurs de béton et d’asphalte, qui y trouvent toujours leur compte, d’une autoroute à l’autre, d’un édifice public à une centrale électrique.
Les pots-de-vin que ces entreprises versent, le mauvais asphalte ou ciment qu’elles utilisent chaque fois pour refaire ces routes, ponts et autoroutes à tous les quatre ans, au rythme des élections, c’est nous, en fin de compte, qui les payons à répétition. Nous le savons fort trop et c’est proprement scandaleux. À votre place, j’aurais une petite gêne, monsieur le premier ministre. Je m’abstiendrais de commenter le mouvement de revendication des infirmières et j’enverrais au front un ministre que vous ne tarderiez pas à brûler pour le remplacer par un autre.
À force de jouer les Monsieur Tide qui lavent plus blanc que blanc, vous ressemblez à une vieille publicité des années soixante, alors que, pour gagner ses élections, on jetait de l’asphalte sur les chemins de terre des rangs de campagne encore enneigés. Alors vous êtes de moins en moins crédible. Vous êtes-vous demandé quelle est votre «part du gâteau» dans ce banquet auquel bien peu sont conviés, surtout pas ces infirmières dévouées?
Pourquoi, plutôt que de vouloir jouer les justiciers avec les infirmières, en agitant de façon démagogique la facture que le contribuable devra payer, ne le faites-vous pas avec tous ces voleurs de grands chemins en cravate, en commençant par faire le ménage dans votre propre entourage?
À d’autres époques, monsieur le premier ministre, les puissants s’enrichissaient en spéculant, en jouant à la bourse, en trichant, en volant leurs semblables et en faisant des guerres. C’était, entre autres, le lot de politiciens véreux, de juges sans scrupule, d’avocats complices des crapules. Une mafia de cols blancs complices de l’autre mafia, celle de l’ombre. J’ai moi-même refusé, par peur de représailles, de publier, tout comme Stanké l’a refusé lui aussi, un manuscrit d’un vieux journaliste de La Presse qui a couvert pendant des décennies les procès et faits divers au Palais de justice de Montréal. Il en racontait des vertes et des pas mûres, comme on dit. Aujourd’hui, je me sens lâche de ne pas l’avoir publié.
Or, c’est rendu qu’aujourd’hui, on s’enrichit même avec des garderies pour enfants! Faut le faire. Tu veux une garderie subventionnée? Je te refile un permis et tu me donnes entre 250 000$ et 500 000$. C’est comme acheter un quota de lait ou un permis de taxi, sauf que dans ces deux cas-là, c’est tout à fait légal et justifié, mais dans le cas de garderies, c’est honteux. Combien devrai-je donner à un de ces EPE (entrepreneurs de la petite enfance) pour qu’on trouve une place dans un CPE à mon fils de 4 ans récemment arrivé de Cuba?
Et vous continuez, monsieur le premier ministre, à faire la sourde oreille et préférez vous en référer à votre ministre de la Famille (je me demande de quelle famille il s’agit?) devenu soudainement aveugle ou amnésique, une maladie qui s’attrape à votre contact, semble-t-il. Souvenez-vous, monsieur le premier ministre, du temps où vous fréquentiez le Parti progressiste-conservateur. Le lobbyiste allemand Karlheinz Schreiber avait affirmé vous avoir versé 30 000$ pour votre campagne à la chefferie de ce parti. Vous ne vous en souveniez pas... Puis vous aviez fini par avouer que c’était 10 000$ et non pas 30 000$... Qui croire? Qui ment?
Si j’étais l’agence Moody’s, je vous décernerais la cote Baa1, non pas parce que votre petite caisse personnelle est à sec mais parce que vous n’avez plus aucune crédibilité et avez perdu la confiance de la population du Québec.


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