Bienvenue en Absurdistan! Après les cafouillages de l'Office québécois de la langue française et le recul du français à Montréal, Le Devoir rapportait que le gouvernement du Québec communique en anglais avec les trois quarts des immigrants allophones.
Le problème est que sous le PQ et le PLQ, le mot d'ordre dans les ministères ou organismes comme la Régie de l'assurance maladie est de servir le CLIENT dans la langue de son choix. Et comme les fonctionnaires sont obligés de respecter ledit choix... Cherchez l'erreur.
Voilà donc pour le vice de forme: le clientélisme érigé en vertu sur une question aussi vitale que la protection du français. Bref, nous ne sommes plus des CITOYENS ayant droits et obligations - comme celle de respecter la langue officielle de l'État dans lequel nous vivons. Nous sommes des CLIENTS habilités à dicter à l'État la langue dans laquelle on veut être servi. Le monde à l'envers, quoi!
Disons-le clairement: cette approche ressemble drôlement à celle de la loi fédérale sur les langues officielles. Et la bilinguisation de l'administration publique québécoise ne s'arrête pas là, ni aux "For English, press 9", ni aux affiches bilingues dans les bureaux. À Montréal et en Outaouais, on la constate dans la plupart des services publics. Clientélisme oblige...
LE CLIENT A TOUJOURS RAISON
Même le Directeur de l'état civil fait parvenir à ses "clients" une liste bilingue des mesures de sécurité entourant la délivrance de ses documents. Bref, on dit aux immigrants et aux allophones qu'au Québec, "ça se passe en français" pendant que l'administration publique leur envoie le message contraire. Méchante dissonance cognitive. Et après, on se surprendra que le français recule dès qu'il entre en concurrence avec l'anglais.
Je peux me tromper, mais à force d'étudier la question linguistique depuis 15 ans, j'en suis venue à cette constatation. Au-delà de la rhétorique ronflante sur l'IDENTITÉ et la VIGILANCE, et hormis la période de la loi 101 précédant son affaiblissement par les tribunaux et l'absence de volonté politique, nos gouvernants ont oublié un fait fondamental.
Ce fait est que le français est une langue TRÈS minoritaire en Amérique du Nord - un continent où, contrairement à l'Europe, une seule autre langue domine. Ici, le français doit même concurrencer l'anglais auprès des immigrants. David et Goliath, ça vous dit quelque chose? L'image semble ringarde, mais c'est la réalité objective, sans rectitude politique ni lunettes roses.
C'est à cause de ce statut très minoritaire qu'à l'exception des droits accordés à la communauté anglo-québécoise, les lois du Québec ne devraient JAMAIS être pensées ni appliquées de manière à favoriser l'usage d'une langue autre que le français. Compter sur la bonne volonté ne suffit pas...
LA TURPITUDE DES UNS
J'aurais préféré ne pas intervenir sur cet aspect de la question, mais comme c'est mon nom et celui de mon ancien collègue que l'on évoque depuis quelques semaines, je me résigne à le faire.
Lorsqu'elle est critiquée par l'opposition, la ministre responsable de la Loi 101, Christine St-Pierre, aime rappeler ce que le gouvernement Bouchard a fait en 1996 du rapport "Plourde-Legault" sur la situation du français - un rapport commandé par Jacques Parizeau en 1995. Ayant fait ma maîtrise sur le sujet, j'en étais la directrice de recherche. Michel Plourde, un expert renommé, en était le rédacteur officiel.
Comme le répète la Ministre, le gouvernement Bouchard a fait réécrire la version préliminaire du rapport par des fonctionnaires en mettant moins l'accent sur certains reculs du français que nous avions documentés. Le message de la Ministre au PQ est clair: vous aussi, vous avez politisé le dossier linguistique, alors laissez-nous tranquilles.
La Ministre est certes libre de se servir de cet épisode pour détourner la critique. Le jeu de tout ministre est partisan par définition et sa liberté d'expression est entière. Il reste toutefois un principe immuable, du moins en analyse politique: la turpitude des uns ne saurait justifier la turpitude des autres.
Mais la Ministre nous ayant fait l'honneur de nous citer, en toute humilité, je me permettrai de faire une première recommandation: que les citoyens et l'État soient tenus de communiquer ensemble en français. Une exception serait évidemment faite pour les membres de la communauté anglophone, c'est-à-dire ceux et celles ayant fréquenté l'école anglaise au pays ou ayant un certificat d'éligibilité pour le faire - une chose fort simple à vérifier. Tout autre citoyen désirant faire de même devrait présenter une demande par écrit, mais basée sur des critères objectifs édictés par le gouvernement - une demande soumise à renouvellement et réévaluation chaque année. Le message doit être clair: si des exceptions sont permises, la règle doit être la communication dans la langue officielle.
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