Contrairement à ce qu’il prétend, Yves Bolduc n’est pas « un “ Popeye ” de la politique ». Les partis d’opposition ne croient pas une seule seconde que le député-médecin ait pu prendre en charge et suivre quelque 1600 patients tout en exerçant pleinement ses responsabilités de député à l’Assemblée nationale.
« C’est im-pos-sible d’avoir 1600 patients et en même temps de faire du bon travail de député. C’est im-pos-sible ! » a martelé le chef caquiste, François Legault. M. Bolduc a négligé les résidants de la circonscription de Jean-Talon pour faire un coup d’argent, a ajouté le député de La Peltrie, Éric Caire. « C’était plus payant d’aller faire des patients que d’aller aux Chevaliers de Colomb. […] Si on voulait le voir, il fallait prendre rendez-vous avec le médecin, parce que le député était trop occupé », a-t-il lancé lors d’un point de presse mardi après-midi à Québec.
Plus tôt, le ministre Yves Bolduc s’était vigoureusement défendu d’avoir touché une prime de 215 000 $ pour avoir pris en charge quelque 1600 patients « orphelins » lorsque le Parti québécois était aux commandes de l’État. « Pendant qu’il y en a qui vont faire du ski le samedi, le dimanche et les jours fériés, moi je travaillais sept jours semaine. Quand je n’étais pas à l’Assemblée [nationale], je faisais du bureau », a-t-il déclaré à la presse, au lendemain de l’annonce d’une vérification de ses activités professionnelles par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
« C’est insultant ! a rétorqué le député caquiste Éric Caire. On est tous travaillants. Je ne crois pas qu’Yves Bolduc soit un surhomme. Ce n’est pas un “ Popeye ” de la politique à ce que je sache. »
Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec reprochent également à M. Bolduc d’avoir trahi l’esprit de la lettre d’entente entre le gouvernement du Québec et la Fédération des médecins omnipraticiens (FMOQ) établissant la « prime de prise en charge ».
Celle-ci est versée en échange d’un « engagement moral et réel de prendre en charge [un patient] », a expliqué la députée péquiste Diane Lamarre, avant de réclamer une nouvelle fois à M. Bolduc de rembourser la totalité de la prime, c’est-à-dire 215 000 $. Le Dr Bolduc doit aussi être chassé du ministère de l’Éducation, demande la CAQ.
L’ex-ministre de la Santé Réjean Hébert montre du doigt un recours « abusif » à la prime par M. Bolduc. « Il y a beaucoup de médecins qui voient des patients en sans rendez-vous ou à l’urgence et ils ne les inscrivent pas. Pourquoi pas M. Bolduc ? » L’inscription de 1600 patients sur une période de 18 mois s’insérait dans une « stratégie qui avait pour but de faire de l’argent », est-il d’avis. La population « peut se poser des questions sur la qualité du service donné » par le député-médecin, a ajouté M. Hébert. « 1500 patients, ce n’est pas une sinécure ! » a-t-il fait valoir.
« J’ai aidé les gens »
Yves Bolduc est toutefois resté sourd mardi aux appels des partis d’opposition. « Aujourd’hui, je me retrouve devant une situation parce que j’ai aidé les gens. […] [Je ne suis pas un des médecins les plus] gourmands, je suis un des plus travaillants. Je charge pour ce que je fais comme tous les docteurs au Québec. Moi, je faisais des 14-15 heures par jour. En trouvez-vous beaucoup des docteurs qui ont travaillé toutes les fins de semaine ou à peu près toutes les fins de semaine au cours des 18 derniers mois ?, s’est-il plaint. Il faut arrêter de charrier. »
M. Bolduc dit avoir inscrit une « majorité » de patients sans médecin de famille « dans les six mois » suivant la défaite électorale du Parti libéral du Québec, en septembre 2012. Il dit avoir pleinement droit aux primes puisqu’il a suivi ceux-ci pendant au moins un an. « Quand tu t’occupes d’un patient pour un an, ça veut dire que tu l’as bien pris en charge, a-t-il souligné aux journalistes, ébranlé par la controverse. Moi, je les aime les patients. J’aime ça m’en occuper. »
D’ailleurs, il soutient avoir refusé de prendre en charge de nouveaux patients dès les premiers signaux d’une campagne électorale anticipée. Le ministre de l’Éducation s’attend néanmoins à devoir rembourser entre 40 000 $ et 60 000 $ puisqu’il n’a pu assurer la période de prise en charge et de suivi minimale de 12 mois prévue par la RAMQ pour 300 ou 400 des 1600 patients pour lesquels il a reçu une prime. « Yves Bolduc est le seul au Québec qui ne sait pas qu’un gouvernement minoritaire “ toffe ” en moyenne 18 à 24 mois », s’est moqué Éric Caire.
Aux yeux du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, M. Bolduc n’a rien à se reprocher puisqu’il « a agi tout à fait correctement ». « Et si le Parti québécois n’avait pas déclenché d’élections, le Dr Bolduc, au moment où on se parle, verrait encore des patients », a-t-il déclaré en marge d’une annonce au CSSS de Montmagny-L’Islet.
La présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), Régine Laurent, s’est gardée de réclamer la démission de M. Bolduc. « Tout le gouvernement était d’accord à verser cet argent-là. Ça ne serait pas juste à lui de démissionner », a-t-elle dit sur les ondes de Radio-Canada. Elle invite toutefois le gouvernement libéral à faire preuve de la « même sensibilité » à l’égard de ses membres lors des prochaines négociations.
PRIME DE 215 000 $
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