Brigade du français en littérature québécoise (BFLQ)...

Tribune libre 2009

Je suis atteinte d’une maladie que je crois incurable : l’excédent de l’attention, le contraire du déficit de l’attention. Je ne peux pas lire un livre sans corriger les fautes qui s’y trouvent.
Surtout lorsqu’un livre fait partie d’une collection insurmontable et très populaire.
J’en souffre beaucoup. Mais en même temps, je sais que je pourrais tellement rendre service à la croissance du français si j’instituais, par exemple, un répertoire des pires romans publiés.
J’aurais de l’ouvrage.
J’arrive du salon du livre de Montréal où j’ai passé quatre jours à signer des dédicaces pour mes (nombreux) lecteurs. Que voulez-vous, j’ai publié une cinquantaine d’ouvrages et juste cette année, j’en présentais quatre. Ma vie, c’est l’écriture. Et chaque fois que je propose un roman à un éditeur, je passe dans le tordeur de la révision. J’ai de très bons réviseurs et je me débrouille pas mal non plus. Ceci dit, malgré toute cette vigilance, Anne-Marie Voisard du Soleil de Québec a écrit qu’il y avait trop de fautes dans le tome premier de La Couturière, et qu’elle mettait la faute sur VLB qui était en campagne électorale pour l’indépendance. Voilà ce qu’elle a écrit. À moi, qui suis l’œil de Caïn au-dessus des livres des autres, ça m’a bouleversée.
Voici quand mon affection littéraire a commencé.
J’ai lu un titre d’Amos Daragon de Bryan Perro, parce que j’étais envieuse que Les Intouchables aient vendu 600 000 exemplaires en 16 langues de cette série. J’ai trouvé plus de 150 fautes de tout acabit dans le tome deux. Puis, j’ai écrit une lettre à la Presse pour dénoncer, comme je le fais ici, le malaise qui m’avait atteinte. J’ai envoyé ma lettre à La Presse et comme par magie, un journaliste de ce journal a téléphoné à l’éditeur pour me dénoncer. La lettre n’a pas paru. Mais Michel Brûlé, lui, est en furie contre moi.
Bon signe.
J’ai continué à lire d’autres romans que les enfants adorent. Et j’ai noté assez de fautes et d’incohérences, assez de phrases tordues et de discours maladroits pour écrire un autre livre, celui des titres qu’il ne faut pas remettre entre les mains des jeunes. Parce que, croyez-le ou non, certains titres ont été recensés dans les magazines spécialisés en littérature jeune public sans que les auteurs des critiques n’aient aperçu les fautes et les incongruités.
Plusieurs «spécialistes» du français affirment que la langue n’a pas d’importance dans les romans pour la jeunesse. L’important, c’est que les enfants lisent.
Bizarre comme conception des choses.
J’ai relevé chez une jeune auteure une propension aux néologismes (mots inventés par l’auteure) qui m’ont fait comprendre que le laxisme de cet éditeur fera en sorte que le message transmis aux enfants sera : fais ce que veux*. Comment dire aux enfants de parfaire leur langue écrite quand les best-sellers qui leur sont présentés, sont bourrés de fautes et que, pire, les médias musèlent ceux qui veulent dénoncer cet état de fait. Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ?
Aimez-vous les uns, les autres ? Ne vous vantez pas, car l’humilité est l’âme des rois ? C’est très judéo-chrétien, ça. Mais ça fait reculer nos ambitions de voir le français s’améliorer.
J’écrivais, il n’y a pas longtemps : quand les enseignants n’arrivent plus à écrire le français correctement, le gouvernement lance une réforme de la langue.
Voilà que les enseignants, pour une grande partie d’entre eux, n’ont pas le temps (ou ne peuvent pas) d’évaluer les romans qui reposent entre les mains de leurs élèves. Voilà que les jeunes en cinquième secondaire du programme international lisent des romans jeunesse écrits pour les 12 ans, au lieu de se vautrer dans les romans de grands auteurs québécois. Au début, on a écrit pour eux spécifiquement parce que les romans dits pour adultes étaient trop laxistes, politiques de gauche, sexuels et j’en passe, puis on s’est aperçu qu’il y avait davantage de sexe dans les romans pour ados que chez ces grands auteurs. Que la langue s’est défuntisée et le vocabulaire, lui, s’est morpionné. Certains auteurs jeunesse ont étalé leur complaisance envers leurs lecteurs et les personnages de leurs romans se sont mis à juger les adultes, à dénoncer leurs parents, à refléter leur génération molle d’enfants rois.
Et maintenant, des centaines de nouveaux auteurs écrivent de la fantasy comme si toute la folie, la tout croche comme la plus inconsciente, était possible et dans une langue bâtarde en plus.
Si je trouve des enseignants, des auteurs, des parents qui pensent comme moi, je fonderai la Brigade du français en littérature québécoise (BFLQ). Une brigade pour forcer les éditeurs à publier de meilleurs livres pour les enfants. Une brigade pour non seulement offrir une liste des meilleurs titres, mais aussi, pour dénoncer les livres pourris au niveau de la langue. Et j’en ai déjà une trentaine à y inscrire. On le fait pour les jouets. Pourquoi pas pour les livres ?
* Au contraire de : Fais ce que dois qui est la phrase-clé du Devoir.


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