En 1990, les vagues qui ont secoué Kanesatake et Oka par conséquent, ont déferlé jusqu’à Saint-Benoît, où j’habitais. Dix-neuf ans après, elles me troublent davantage puisque je suis déménagée à Oka, dans sa belle montagne en fromage.
Depuis 2003, je vous observe. Et chaque fois que je me suis mêlée aux événements culturels d’Oka, j’ai beaucoup insisté pour que l’on s’adjoigne absolument les artistes autochtones. Oka a ses torts. Elle a depuis belle lurette tenté d’ignorer votre présence en se disant que vaut mieux ne pas éveiller l’ours qui dort.
Mais l’ours se réveille parfois et tout le monde panique.
Je vous avoue que j’aimais bien James Gabriel.— nous surveillions vos élections comme à l’époque, un épisode de Dallas. Je me suis personnellement rendu compte que notre plus grande dissidence est insurmontable puisqu’il s’agit ici encore de la langue. James parlait français. Il avait donc la faveur des Québécois. On vous dit unilingue anglophone. Ce ne sera pas facile.
Il y a les Mohawks qui parlent français et qui se mêlent subtilement à la population d’Oka. Il y a les autres qui refusent, par dissidence politique, de parler français, la langue des colonisateurs. En fait, Oka est comme le Canada : une langue majoritaire à laquelle s’oppose un fief minoritaire qui règne par la peur. Nous avons peur de Kanesatake, n’est-ce pas ce que vous vouliez? Les gouvernements ont peur, les citoyens ont peur, les journalistes ont peur. Cette peur qui finit par faire durer l’ennemi.
La peur tue la sympathie, cependant. Il est difficile de vous aimer si vous ne nous êtes pas sympathiques. Et vice-versa. Et quand des bobards circulent à votre sujet, cela ne favorise pas des relations pacifiques et amicales.
On nous dit souvent que les autochtones ont de grandes valeurs ancestrales et respectent la nature, et les arbres, et qu’ils vivent étroitement avec les animaux. Mais quand la civilisation vous a rejoints, quand la méfiance s’est installée, quand la trahison des Sulpiciens vous a assaillis, vous vous êtes repliés sur vous-mêmes. Et cela, je le comprends.
Vos enfants suivent vos traces. Certains ont étudié dans les écoles de Blancs, d’autres pas du tout. Certains ont quitté Kanesatake, d’autres sont restés. Mais, je l’espère, tous ont appris les nobles coutumes de leurs ancêtres. Celles, il me semble, qui ont été négligées par vos congénères.
Les événements qui ont remis Kanesatake à la saveur du jour dans les médias, les barricades de la 344 par des jeunes autochtones, a réveillé de vieilles rancunes. Isabelle Picard, la nouvelle femme de Steve Bonspille a tenté d’expliquer pourquoi les jeunes volent des voitures, font des courses sur la route de la Pinède et se font intercepter par la SQ, mais je ne la crois pas crédible puisqu’elle n’est sur le territoire que depuis 4 ans et que sa vision est unidimensionnelle.
J’aimerais que le dialogue s’ouvre, et éclaire nos relations J’aimerais que vos enfants, comme tous les enfants du Québec, puissent aller à l’école et s’épanouir
J’aimerais connaître vos rites, vos croyances et vos valeurs et vous parler des nôtres.
J’aimerais que la méfiance tombe.
J’aimerais que les cabanes à cigarettes soient détruites et que tous puissent vendre des produits légaux dans un centre autochtone unique administré par le conseil de bande.
J’aimerais que le territoire actuel devienne vôtre officiellement
J’aimerais comprendre
Que j’aimerais donc ça comprendre!
Lettre aux Kanesataquiens
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