Ça grouille et ça grenouille

Il est évident que Jean Charest a compris que ses fausses colères, ses emportements et sa mauvaise humeur ne le menaient nulle part. Il est tombé dans l'autre excès.

Charest en fin de régime - L'art de ne rien faire

Qu'on le veuille ou pas, ça va prendre des élections. On a beau dire que ça ne nous tente pas, il va falloir se décider. Il faut des élections à Ottawa et il faut des élections à Québec, histoire de se donner un peu d'oxygène avant d'étouffer complètement, car le bilan politique de la dernière année dans les deux capitales (les analystes s'entendent là-dessus) est très très mince.
À Ottawa, les commentateurs s'étonnent à haute voix et affirment que la paralysie est presque complète. Les promesses de Stephen Harper ont toutes été remplies et il n'y a plus de programme législatif sur la table. On administre à la petite semaine, avec le danger que cela comporte: que les forces de la droite politique qui sont si présentes au sein du Parti conservateur et qui ont une sainte horreur du vide arrivent à occuper tout le terrain, comme elles ont commencé à le faire en parlant de censure ou de protection du foetus. Avec la guerre en Afghanistan sur les bras, une guerre sans bon sens dont personne ne veut admettre qu'il faudrait y mettre fin, et les coûts exorbitants qu'elle représente en vies humaines et en argent, ce gouvernement ne va plus nulle part. Ça se voit à l'oeil nu.
Maintenant que Stéphane Dion s'est trouvé «un discours» en s'agrippant à la taxe sur le carbone, peut-être trouvera-t-il le courage d'affronter les électeurs dont il a eu si peur jusqu'à maintenant. Il a laissé passer tellement d'occasions de défaire le gouvernement Harper qu'il en est devenu pitoyable. «Rester assis» n'a jamais été une preuve de courage.
M. Harper a remanié son cabinet. Parce qu'il n'avait pas le choix. S'il n'avait pas perdu son ministre des Affaires étrangères dans des circonstances que tout le monde connaît, il n'aurait rien changé. Il est assez intelligent pour avoir compris qu'il n'a pas de «gros calibres» parmi ses députés, des personnalités intéressantes dont il pourrait faire des ministres importants. Il tourne à vide.
Les autres chefs de l'opposition paraissent prêts pour une élection. Jack Layton a bien profité de la Fête nationale du Québec pour se faire voir par les caméras et Gilles Duceppe dispose toujours de 31 % des intentions de vote chez les Québécois, un chiffre qui devrait encore augmenter durant les préparatifs d'une campagne électorale. Il se trouvera encore des gens pour se demander à quoi sert le Bloc à Ottawa. C'est leur droit. Pour 31 % des citoyens, la question ne se pose même pas. Ils ont la fidélité tenace.
Alors, il va falloir voter. En se disant que c'est juste un mauvais moment à passer.
Un doublé pour le Québec
Le problème, c'est qu'il faudrait aussi avoir des élections au Québec. Il va se trouver plein de gens pour dire qu'on ne peut pas avoir les deux en même temps. Et pourtant...
Il est évident que Jean Charest a compris que ses fausses colères, ses emportements et sa mauvaise humeur ne le menaient nulle part. Il est tombé dans l'autre excès. Tout miel, tout sourire, il a choisi de ne plus rien faire «officiellement». Il manoeuvre autrement, sans mandat la plupart du temps, pour conduire le Québec là où il souhaite le mener sans déranger personne, sans jamais sentir le besoin de nous demander notre avis, convaincu qu'il est de savoir ce dont nous avons besoin.
J'ai, à l'égard de Jean Charest, la même réaction épidermique que Julie Snyder a envers le bon docteur Philippe Couillard, ex-ministre de la Santé, qui a justement plié bagages cette semaine en vantant ses réussites pendant ses cinq années comme titulaire du plus gros ministère de Québec. J'ai toujours l'impression que Charest, comme Couillard, nous rit en pleine face, qu'il ne nous trouve pas assez intéressants pour prendre le temps de nous comprendre ou de nous expliquer quoi que ce soit.
En face de lui, le chef de l'opposition officielle, Mario Dumont, a perdu des plumes. Les derniers sondages vont sans doute faire de lui un deuxième Stéphane Dion, en plus populaire cependant, mais craignant tout autant le prochain scrutin. Que resterait-il de l'ADQ si les élections avaient lieu à l'automne? La seule façon de le savoir pour vrai, ce sont justement des élections.
Même chose pour le Parti québécois. Que restera-t-il de cette formation politique après de nouvelles élections? C'est comme lire l'avenir dans des feuilles de thé. Le bateau a tellement pris l'eau qu'il est difficile de savoir s'il peut encore affronter la mer ou s'il restera attaché au quai.
Les gens de mon pays
Si vous y pensez sérieusement, je crois que vous admettrez que nous n'avons pas le choix. Il nous faudra voter deux fois et le plus tôt sera le mieux. C'est la qualité de notre démocratie qui en dépend. Je vous avoue que je commence à avoir un peu honte quand j'entends ceux qui disent qu'ils ne veulent pas d'élections, parce que, j'en suis sûre, je ne voudrais pas vivre dans un pays où il n'y en a pas ou dans un pays où on met en prison ceux et celles qui en réclament. Et surtout, ne me dites pas qu'il n'y a pas de danger que ça arrive ici... On en a vu d'autres. Et un malheur est si vite arrivé. Bonne Fête du Canada à ceux qui y croient encore!


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