Ça sent la pourriture

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Pouah!





«Ça sent la pourriture d’un bout à l’autre.» Ces mots sont ceux de Jean Vézina, ex-patron de la Société immobilière du Québec (SIQ) dans les années 1990. Rebaptisée depuis, la SIQ gère la majeure partie du vaste parc immobilier de l’État.


Ces mots, M. Vézina les lance dans un reportage-choc de l’émission Enquête. La «pourriture» dont il parle, c’est la plus importante fraude alléguée dans une société d’État au Québec.


Ce scandale décroche les mâchoires et lève le cœur.


Marc-André Fortier, ex-PDG de la SIQ nommé par le gouvernement Charest en 2003 et trois influents collecteurs de fonds libéraux – William Bartlett, Franco Fava et Charles Rondeau –, auraient fraudé la SIQ pour 2 millions de dollars acheminés ensuite vers des paradis fiscaux.


En accordant des avantages indus à des acheteurs ou à des locateurs, ils auraient aussi privé le Trésor public de 47 millions $.


La «pourriture», c’est aussi le vulgaire copinage à l’origine du scandale.


Une partie des fonds détournés aurait-elle même transigé par le PLQ? Mystère et boule de gomme.


Marie-Antoinette


À la commission Bastarache, on apprenait déjà que Fava et Rondeau en menaient large au PLQ. Jusqu’au bureau du premier ministre Jean Charest, les Dupond et Dupont de la caisse libérale «aidaient» même à choisir quels «amis» seraient récompensés par des nominations partisanes. On y faisait de la politique payante.


C’est aussi l’histoire d’une ministre «responsable» qui n’en avait cure. À Enquê­te, l’ex-présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget, laisse tomber que la SIQ – cette bande de «pas bons» sans prestige, dit-elle –, ne l’intéressait tout simplement pas.


Cette réaction à la Marie-Antoinette est révoltante. Mais elle témoigne surtout de cette vieille «culture» politique où, dès qu’il est question de «placer» les «amis» du parti, la confiance aveugle fait foi et fi de tout.


Après la commission Charbonneau et en pleine crise de «surveillance» policière de journalistes, ce dernier scandale participe de la même dégénérescence éthique.


À Enquête, ce qu’en dit Christian Plourde, enquêteur à la retraite de l’UPAC, glace le sang: «Ce sont des gens qui se sont associés de façon très ouverte avec le premier ministre qui était en poste. (...) Par définition, lorsqu’on enquête en criminalité financière organisée ou en corruption, on est toujours dans les sphères gouvernementales. Mais là, on se rendait compte qu’on était pas mal proche du premier étage.»


Antidote


Le même parti étant au pouvoir, le plus grand danger est que la «pourriture» nourrisse toujours plus le désengagement des citoyens. Le parfum ambiant du «tout est pourri» est pourtant le pire ennemi. Or, un antidote existe. Il s’appelle l’«indignation».


En 2010, Stéphane Hessel signait Indignez-vous! – un essai au succès planétaire. Son message: face aux injustices, le silence n’est pas une option.


La réponse, disait-il, se trouve dans l’action par la prise de parole et l’engagement social. Car rien ne sert mieux les intérêts des ripoux que le cynisme et la démobilisation.




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