Le manifeste des lucides a fait couler beaucoup d'encre. Les réactions furent très vives mais on ne peut pas dire que son message fut enterré. Il ne se passe pas une semaine sans que quelqu'un revienne sur lesdites vaches sacrées québécoises.
Et on n'y a va pas avec le dos de la cuiller. Les Québécois ont des difficultés avec l'argent. Ils ne sont pas productifs. Ils croient que peut durer éternellement un système trop onéreux et qui finira par dépasser les capacités de financement de l'Etat.
On entend que le message des lucides a été refoulé. Si nous n'avons pas été assez réceptifs, ce serait parce notre société trop timorée n'a pas voulu surmonter ses perceptions biaisées.
Parfois la controverse procède d'un manque de réceptivité du public. Cependant, dans le cas du manifeste des lucides, il a été choisi d'ignorer trop d'éléments pour emporter l'adhésion. Il traite d'abord du cas québécois en négligeant de le placer dans les défis que rencontre en fait toutes les sociétés contemporaines post-industrielles.
De plus en plus de gens logent dans le secteur tertiaire, la vente de produits et de services, la réparation. Les milieux de travail en général sont interreliés par Internet mais plus petits qu'avant. On fait partie de la douzaine d'employés dans un dépanneur ou du trio affecté au centre de gestion des plaintes. Compartimentés en îlots, le milieu de travail est moins propice au vaste solidarité.
Dans un tel contexte, un spécialiste en économie, David Cohen note que la premier défi des sociétés post-industrielles est de développer un modèle social.
Au périodique Le Nouvel Observateur qui lui demande si la précarisation des salariés va se renforcer, celui-ci répond:
"Nos économies ont aujourd'hui beaucoup de mal à offrir des emplois durables, des carrières. La société post-industrielle doit inventer un modèle social aussi efficace que celui que la société industrielle a construit avec la sécurité sociale et le droit du travail. Il faut donner une protection aux individus quand l'économie n'y parvient plus. La priorité des prochaines années sera de réfléchir aux moyens de faire vivre une économie sociale de marché à l'heure où l'économie ne produit plus de modèle social."
Le manifeste des lucides a eu tendance à faire du modèle social une solution passéiste qui ne répond pas aux conditions actuelles du monde. S'il faut se donner les moyens d'une couverture sociale accrue et que cela n'est certainement pas simple, le manifeste des lucides paraissait bien peu le guide à suivre pour ce faire. Il semblait plus inviter aux renonciations par rapport au modèle québécois.
Le manifeste des lucides aurait du partir du principe qu'il nous faut inventer un nouveau modèle social et, comme on le voit avec les crises à répétition, un nouveau modèle financier. On voit avec quelle difficulté les chefs d'Etat, Sarkozy et Obama notamment, cherchent à établir un embryon de contrôle en dépit de la transnationalité des établissements financiers. Tant que n'aboutira pas le projet d'instaurer des régulateurs transnationaux qui redonnent aux Etats un pouvoir sur les empires financiers, de nouvelles crises sont à prévoir.
André Savard
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