Changer de paradigme afin de sortir de l’ambiguïté

Lettre à ceux qui ont compris (les Verrier, Perrier, Bouchard…) qu’il n’y a aucune corrélation directe entre l’impasse existentielle à laquelle sont acculés les majoritaires francophones de souche/ la performance électorale du PQ/ et le destin du peuple (ou de l’État) québécois.

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Tribune libre

En lisant les textes qui paraissent sur Vigile, on ne peut s’empêcher de remarquer que la principale qualité de ce site est de refléter la confusion qui règne et qui divise les esprits, au sein de la (non-)communauté des nationalistes québécois. Y-a-t-il seulement un élément qui fasse l’unanimité entre nous?


S’il y en a un, je dirais que c’est notre envie de croire en un parti politique qui nous ressemble. Or, un parti de ce genre, nous n’en avons pas, nous ne pouvons pas en avoir. Pourquoi? Parce que depuis quelques années, dans cette partie de l’Occident, surtout au royaume de l’acculturation québéco/canadienne, le principe sur lequel se fonde l’idée de nation a changé, ce qui a modifié la conception du rôle que doit jouer le politique. Le politique ne se définit plus que comme un mode de gestion, un instrument au service de la finance. Autrement dit, la fonction de l’État (et des partis qui le servent) ne consiste plus à faire exister la Nation mais à faire marcher l’économie, ce qui signifie qu’il n’y a plus aucune place pour la préoccupation identitaire dans la pensée politique actuelle, si ce n’est, évidemment, pour la fustiger en tant qu’entrave à la liberté de marché.


Mais, d’une certaine façon, nous avons été privilégiés au Québec parce que cette mutation du rôle du politique impliquant une transformation du sens attribué à la notion d’appartenance nationale a été tellement radicale qu’elle s’est accompagnée d’un changement de nom. C’est pourquoi je tiens à la distinction entre canadien-français et québécois, car chacune de ces désignations collectives se rapporte à un univers conceptuel différent.


La première considère que le rôle de l’État consiste à conforter la Nation dans son sentiment d’exister en reflétant la dimension de culture et d’histoire qui fait d’elle ce qu’elle est.


La deuxième confie à l’État le rôle d’entretenir dans une cohésion artificielle un ensemble d’individus qui n’ont rien en commun à part la volonté de prendre le premier train pour la réussite matérielle. (Or, dans cette optique, si la langue anglaise offre la meilleure garantie d’attraper ce train, pourquoi ne serait-ce t- elle pas elle qui prévaut, après tout?)


Notre grande erreur en québécitude, c’est de croire que ces deux définitions peuvent se plaquer l’une sur l’autre. C’est faux. Ces deux définitions correspondent à deux démarches, non-seulement différentes, mais opposées. Prendre parti pour l’une, c’est prendre parti contre l’autre. Et entretenir l’ambiguïté en utilisant le même terme (identité québécoise, peuple québécois, État québécois…) pour désigner deux conceptions complètement différentes du sens que doit donner le politique au vivre ensemble, cela revient inévitablement à travailler pour la deuxième. Faut-il vraiment expliquer pourquoi? Parce que cette dernière bénéficie de la caution des puissants, et qu’elle tire son pouvoir précisément du fait qu’elle se nourrit de la confusion, de l’incertitude et de l’ignorance… Et puis, on ne combat rien avec de l’ambiguïté.


C’est pour cette raison, et au nom de la Raison, que je me réclame de l’identité canadienne-française, et que je laisse aux démagogues le dispositif québécois, qu’ils contrôlent de toute manière; pour que ce soit bien clair que ma vision de la Nation (i.e. de l’État et du politique) n’est pas la même que la leur.


Je ne sais pas comment vous dire. Si deux équipes adverses s’entêtent à porter le même maillot, il n’y a plus d’équipes adverses, il n’y a plus de match, il n’y a plus d’affrontement. Les symboles deviennent incompréhensibles, la partie devient incompréhensible. Suffit-il vraiment que chacun se persuade qu’il est le seul détenteur de la bonne interprétation?


J’espère que ceux qui se plaisent à proclamer «le Québec aux Québécois», saisissent pleinement toute la saveur de cette farce à laquelle ils jouent…


 



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5 commentaires

  • Guy Pruneau Répondre

    21 juin 2018

    Pour ma part, je suis incapable de me dire canadien-français, car la très grande majorité de ceux qui le font sont des Jean Chrétien tout heureux d'être contents d'être canadiens et minoritaires.  Par ailleurs, si je veux un Québec indépendant et séparé du Canada, pourquoi m'identifierais-je au pays que je veux quitter et non à celui que je veux fonder?  Le reste, c'est de l'enculage de mouches.


  • Yves Corbeil Répondre

    21 juin 2018

    Aujourd'hui, la gauche a perdu ses repères en défendant le sectarisme de ceux qui l'ont infiltré, elle s'éloigne de sa mission première qui était la défense de SON peuple, la go-gauche.


    Et oui, nous n'avons plus de parti qui prend le parti du peuple pour le faire progresser dans ce contexte économique dépravé ou seul une certaine élite s'en sort mais à quel prix éthiquement. Ils l'ont étiré en esti l'élastique de l'éthique avec la tonne de projet de loi qui contournent les lois pour leurs profits.


    Comme disait Thoreau, aujourd'hui il n'y a plus de philosophe, seulement des profs de philosophie ou quelque chose du genre, en 2018, c'est encore pire que ça. Notre société est rempli de philosophes à trente sous, ces spécialistes en tous genres qui confortent et contrôlent le traffic humain par les médias détenus par cette même élite. On avance en arrière et personne ne s'en rend compte ou presque, misère de misère. Un sondage avec ça tab....


    Bon Catherine, tu m'as mis de mauvaise humeur, encore.


  • Yves Corbeil Répondre

    21 juin 2018

    Je respecte votre point de vue pour le religieux mais je préferre la philosophie pour les valeurs sociales dont je me suis passablement écarté au cours de ma vie.


    J'aime bien cette citation de Wittgenstein sur "nos problèmes de vie"



    6. 52 – Nous sentons que même si toutes les possibles questions scientifiques ont trouvé leur réponse, nos problèmes de vie n’ont pas même été effleurés. Assurément il ne subsiste plus alors de question ; et cela même constitue la réponse.



    Comment pouvons-nous rendre compte de notre manière actuelle de vivre? L'éthique aujourd'hui ne pourrait échapper à cette question sous peine de cécité.


    Nous pensons dans un cercle: c'est parce que nous vivons d'une certaine manière que nous tenons certains discours, et c'est parce que nous tenons certains discours éthiques que nous vivons d'une certaine manière. Autrement dit, la justification de l'action et le discours éthique ne sont pas autonomes, car ils supposent déjà une manière de vivre, un choix de vie. Il y a entre nous et notre mode de vie une relation nécessaire; il y a entre nos discours et notre éthique une circularité inévitable.



    La maladie d'une époque se guérit par un changement dans le mode de vie des hommes, et la maladie des problèmes philosophiques ne pourrait être guérie que par un mode de pensée et un mode de vie transformés, et non par une médecine qu'un homme a inventée.


    Wittegenstein, Remarques sur le fondement des mathématiques, 126.


    La solution du problème que tu vois dans la vie, c'est une manière de vivre qui fasse disparaître le problème.


    Que la vie soit problématique, cela veut dire que ta vie ne s'accorde pas à la forme de vivre. Il faut alors que tu change ta vie, et si elle s'accorde à une telle forme, ce qui fait problème disparaîtra.


    Wittengenstein, Remarques mêlées (1937) 84.



    Tout cela est tiré de "La philosophie comme mode de vie" de Daniel Desroches  


    Je pense qu'on a besoin de réfléchir à la direction qu'a prise notre vie dans cette société, en suivant nos dirigeants inconsciemment pour conquérir l'éphémère bonheur économique que tous prônent comme la solution à notre prospérité...individuelle mais pour la solidarité sociale, on repassera. Les valeurs chrétiennes ont pris le bord et remplacé par les valeurs économiques.


  • Catherine Doucet Répondre

    21 juin 2018

    Merci, M. Corbeil, pour votre appui. 


    Cependant, je tiens à préciser ceci. Je crois que le concept de nation se rattache à l'idée de pérennité, d'ancienneté, et que toute ancienneté s'abreuve au religieux, parce que le religieux est relié à la question du sens. Il est donc inconcevable pour moi de considérer la laïcité comme un principe pouvant définir la nation. Ce qui ne veux pas dire qu'il faille confondre le politique et le religieux, bien au contraire; ce n'est que si le politique est en mesure de reconnaître l'existence de la dimension religieuse, qu'il peut faire la distinction entre ce qui est de l'ordre du possible (son domaine), et ce qui est de l'ordre de l'idéal (le domaine du religieux).


    Pour moi, la Nation canadienne-française est donc catholique, parce que sa culture (ses valeurs, son univers symbolique) a été façonnée par le catholicisme.


    Nos églises historiques (ainsi que le patrimoine bâti dont elles s'accompagnent et qui représentait, il n'y a pas si longtemps, un forminable réseau de services sociaux parallèle), restent belles, et peut importe les niaiseries ânnonées par nos curés actuels, elles demeurent le plus émouvant témoignage de notre fierté, de notre résistance, de notre vitalité et de notre solidarité collective, bref de notre dignité nationale.



  • Yves Corbeil Répondre

    19 juin 2018

    Parfaitement d'accord, je suis canadien-français et serai québécois le jour ou on sera séparé du Canada puis qu'on formera le pays Québec qui sera LAÏQUE et FRANCAIS mur à mur dans toutes ces institutions sans accomodements raisonables, ni déraisonables, En attendant je cherche le parti pour ça. Sera-t-il bâtit sur les cendres du parti des étapistes, ça ferait une bonne base pour débuter le projet ou remettre à jour le projet du RIN.