Cher Benoit …

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Charte : Ça joue dur entre les chroniqueurs du Journal de Montréal

Cher Benoit Aubin,
Tu le sais probablement, je te lis chaque fois avec intérêt. Je réponds ici, pour le plaisir de la chose, à certaines affirmations contenues dans l’extrait de ta chronique qui paraîtra demain. Tu fais le portrait d’un certain Québec qui aurait en ce moment «le crachoir». Voici comment tu le caractérises :
«Un Québec qui a peur des autres, peur du Canada, peur de l’avenir, et qui est trop heureux de chiâler à chaque fois que le National Post écrit un éditorial critique ou qu’une étudiante de Concordia le sert en anglais au Second Cup. Un Québec qui aurait peur de se faire soigner par un médecin portant le voile, même si elle parle français et a appris la médecine à Montréal».
Si tu me permets, je me permettrai quelques nuances.
«Un Québec qui a peur des autres» : de quels autres parle-t-on ? Parce «les autres» en général, c’est vague, et c’est une catégorie un peu trop large pour qu’on comprenne ce dont tu parles.

«Peur du Canada» : quand notre poids et notre influence dans le Canada diminue et qu’on peut le gouverner sans base électorale au Québec (c’est un fait, non?), et quand le Canada veut par exemple remettre en question la règle du 50% + 1 (il s’agit du même Canada qui nous a imposé une constitution sans notre consentement, ce qui n’est pas un détail non plus, non?), il y a des raisons de s’inquiéter, non ?

«peur de l’avenir» : l’avenir en soi, on ne sait pas à quoi il ressemblera. Il est gros de plusieurs possibles. Je serais curieux de quel avenir en particulier tu parles pour savoir si j’en ai peur.

«et qui est trop heureux de chiâler à chaque fois que le National Post écrit un éditorial critique» : je ne suis pas heureux quand le NP fait un éditorial critique, parce que le NP confond trop souvent la critique avec la diabolisation du Québec. Hélas, plus souvent qu’autrement, le NP critique moins certaines pratiques québécoises discutables (il faut les critiquer) que le Québec en soi.

«ou qu’une étudiante de Concordia le sert en anglais au Second Cup». Ah non, je ne suis pas heureux du tout! Et surtout, bien franchement, si elle me servait en français, j’en serais très heureux, parce que cela devrait aller de soi, non? Je n’ai aucun plaisir au déplaisir. Mais je me demande pourquoi elle ne me sert pas spontanément en français. Non? Et puisque cela arrive très souvent qu’on me serve en anglais plutôt qu’en français, c’est normal que je sois agacé, non ?

«Un Québec qui aurait peur de se faire soigner par un médecin portant le voile, même si elle parle français et a appris la médecine à Montréal». Je n’ai pas peur du tout. D’ailleurs, je me suis déjà fait soigner par une femme voilée, elle était courtoise, charmante, et je ne doute pas de sa compétence. Cela ne m’empêche pas de m’inquiéter des communautarismes et d’être favorable au projet de Charte des valeurs parce que je crois qu’il favorisera une meilleure intégration de notre société.

Alors voilà, j’aurais pu t’en dire un peu plus. Mais tu vois, la meilleure manière de débattre, ce n’est pas nécessairement de transformer son interlocuteur ou son adversaire en bouseux analphabète. Ou plutôt, pour te citer exactement, un Québec « sans envergure, passéiste, et qui a peur»


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