Compressions - Culture de parti

Harper et la culture

Le bouillon de culture n'est habituellement pas inscrit à l'agenda politique. La tradition veut plutôt que l'on gratte pour trouver dans une campagne électorale la moindre petite manifestation destinée à vanter les vertus de la culture, dans son sens artistique.

Tristement, il aura fallu que le gouvernement de Stephen Harper défie le milieu culturel et sa capacité créatrice en révoquant des programmes valant 45 millions de dollars pour que la culture, dans son sens plus large, se retrouve à l'avant-scène électorale. En milieu de course, la voilà coincée entre les intentions de répression à l'endroit des jeunes contrevenants et une porte ouverte sur le retour à l'avortement criminel, le tout relevant exactement du même fond moral.
Que n'a-t-on pas dit à propos de ces compressions? Des cris du coeur des artistes jusqu'aux analyses économiques et aux vox populi, la place de la culture ne fait peut-être pas consensus mais, mine de rien, celle-ci acquiert un statut d'enjeu électoral, n'en déplaise à ceux qui auraient souhaité glisser le débat sous le tapis.
Des voix politiques imposantes se sont ajoutées au concert hier: jouant le rôle habile du capitaine, la ministre de la Culture Christine St-Pierre avait invité à Québec ses homologues des autres provinces pour discuter des velléités fédérales. Leur déclaration commune, qui condamne les coupes et réclame des explications, est-elle de nature à ébranler? Il s'agit en tout cas d'une pression additionnelle sur l'échine des conservateurs.
Chaque jour pressés de questions, les auteurs des compressions se dévoilent d'ailleurs de plus en plus, révélant plus nettement la doctrine qui les commande. Les sceptiques n'auront pour s'en convaincre qu'à jeter un coup d'oeil sur l'entretien accordé jeudi au National Post par le ministre des Finances sortant, Jim Flaherty.
Le grand argentier le confesse: le «ménage» culturel était inscrit dans une opération budgétaire, mais découlait clairement de choix politiques. «Les décisions sont prises par des ministres [...] qui ont leurs opinions» sur certains programmes, a-t-il affirmé, rappelant qu'ils étaient tous conservateurs.
Le chef a lui aussi dévoilé un peu mieux son jeu cette semaine. Stephen Harper a usé d'une spectaculaire démagogie en se riant des doléances des artistes -- ces abonnés de galas mieux nantis que la moyenne -- et en liant l'augmentation du budget culturel de 8 % à une hausse de salaire profitant directement aux travailleurs de la culture. Foutaise! Primo: la Conférence canadienne des arts a démontré que cette augmentation ne profite pas seulement à la création. Deuxio: il faut prendre l'électeur pour un benêt pour tenter de lui faire gober que la hausse des crédits d'un ministère se traduit en gains salariaux directs!
Les compressions annoncées ne paralyseront pas la production culturelle du Québec et du Canada, comme certains l'ont insinué, jouant là une autre forme de démagogie. Mais au nom d'une idéologie dont il ne faut plus douter, qui a poussé ce gouvernement à sabrer là où il l'a fait, dans la création jugée inutile et sans intérêt, elles fragiliseront la culture. C'est une menace suffisante pour la combattre.


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