Consultations sur le droit de la famille: les pères témoignent de leur détresse

E3a0659566611eaacc4d5c5f9ce64b2b

La misandrie systémique de l'État doit cesser


 En plus d’étudier la façon de protéger les conjoints non mariés, les consultations actuellement en cours sur la réforme du droit de la famille font ressortir la détresse des pères, qui s’estiment défavorisés par le système de justice.  


 «Il y a une perception à l’effet que le système est biaisé, que la garde [de l’enfant] est peut-être, d’entrée de jeu, donnée aux femmes beaucoup plus souvent et, selon les témoignages, sans raison apparente», constatait cette semaine la ministre de la Justice, Sonia LeBel, après avoir visité six villes dans le cadre de sa tournée.    


 Mme LeBel précise qu’il s’agit pour le moment «d’une perception» rapportée par des hommes ou leurs nouvelles conjointes. «Mais ça mérite vérification», souligne-t-elle. «Il faut peut-être ramener un équilibre, une égalité, reconnaît la ministre. Et on doit le regarder du point de vue de l’enfant, et non pas, du point de vue du parent ou du conjoint.»    


 Pensions alimentaires  


 En plus de la garde de l’enfant, la question des pensions alimentaires est revenue fréquemment dans les témoignages de citoyens, lors de l’arrêt des consultations au Musée de la civilisation de Québec, lundi dernier.    


 La nouvelle conjointe d’un père de trois enfants est venue raconter comment la mère a obtenu la garde complète – alors qu’elle était jusque là partagée – après que la relation entre les parents se soit détériorée. Le tribunal a alors exigé du père qu’il paie une généreuse pension. «Si je n’étais pas avec lui présentement, il serait peut-être à la rue», estime la dame.     


 Un autre père est venu dénoncer l’importante pension qu’il doit payer à son ex-conjointe, même si les enfants sont avec lui plus de la moitié de l’année. «Il y a encore, au Québec, des juges qui donnent beaucoup plus aux mères parce que ce sont des mères», a-t-il déclaré. Il ajoute: «Depuis que je suis petit gars, on me dit d’être là pour mes enfants quand j’allais en avoir. C’est ce que j’ai fait, pis aujourd’hui ça joue contre moi.»   


 Revoir les barèmes  


 La ministre LeBel convient que des pères ont «l’impression que les tribunaux ne les traitent que comme des pourvoyeurs de pensions alimentaires». «Je pense qu’il faut en prendre note et le considérer dans notre analyse», dit-elle.    


 La «rigidité» des barèmes de calcul de pension alimentaire semble être au cœur des récriminations. Sonia LeBel donne l’exemple de deux parents qui ont des revenus plus modestes. «Des fois, le calcul de la pension alimentaire, ou les règles actuelles, peut faire basculer un des parents sous le seuil de la pauvreté», dit-elle.     


 Meilleure répartition des tâches  


 Toutefois, la ministre rappelle que les femmes non mariées demeurent généralement plus vulnérables en cas de séparation et subissent plus souvent les reculs professionnels liés à l’arrivée de l’enfant, surtout si elles font le choix de rester à la maison, de façon temporaire ou permanente.    


 À ce sujet, les représentantes de la FIQ du CHU de Québec ont fait une proposition originale lors des consultations, lundi, pour assurer une plus grande équité dans le couple. Les femmes, rappelle le syndicat des infirmières, assument encore la plus grande part des responsabilités parentales, a rappelé sa vice-présidente, Ariane Deschênes-Lavoie.    


 Elle propose donc que le père bénéficie d’un congé parental de trois mois qu’il devra prendre seul, sans la mère. «Ça amène une meilleure répartition des tâches [dans le couple], parce que la personne réalise, en étant seule avec l’enfant, toute la charge que ça prend», affirme Ariane Deschênes-Lavoie.        


 Les consultations sur la réforme du droit de la famille se poursuivent:        


 Les citoyens peuvent aussi participer en répondant à un sondage disponible sur le site web du ministère de la Justice.    


  



Portrait of a lonely mature man with depression sitting on a bed in a gray room with bottles of alcohol standing around

Photo Fotolia




  


 La réforme du droit de la famille en bref    


 En 2013, la Cour suprême réitérait dans l’affaire Éric c. Lola que les conjoints de fait n’ont pas les mêmes droits et obligations que les couples mariés.  


 Ainsi, des personnes non mariées ne peuvent réclamer, entre autres, une pension alimentaire pour eux-mêmes ou le partage du patrimoine familial.    


 En 2015, un important rapport déposé par Me Alain Roy proposait de revoir le droit familial afin de le baser sur les besoins de l’enfant.    


 Une des principales recommandations du rapport Roy proposait de créer, en cas de séparation de conjoints de fait, une «prestation compensatoire» pour le parent qui aurait dû mettre sa carrière en veilleuse durant l’union.      


 Même si le rapport ne prévoyait pas de tels droits et obligations pour les conjoints de fait sans enfants, la ministre Sonia LeBel évoque cette possibilité, sans s’y engager. Si Québec va en ce sens, les conjoints auraient l’option de s’y soustraire dans une formule dite «opting-out».      


 Cette approche permettrait de protéger les conjoints de fait en situation vulnérable, comme lorsque l’un d’eux demeure à la maison pour prendre soin des enfants, fait valoir la ministre Sonia LeBel.    


 Le contexte social a beaucoup changé depuis la dernière refonte du droit de la famille, en 1980. En plus des couples non mariés, la réforme vise notamment à prendre en compte l’homoparentalité et la place des beaux-parents dans la vie des enfants.