Coups de force et terrorisme

Chronique de Louis Lapointe

Contrairement aux années passées, cette année, nous n’avons pas eu droit à la traditionnelle trêve politique pendant le temps des fêtes, comme si les politiciens et journalistes s’étaient donné le mot afin de nous maintenir dans la morosité ambiante qui a caractérisé la dernière année sur fond de crise économique et de grippe aviaire.
Un pauvre imbécile a tenté de faire sauter un avion. Au lieu d’amorcer sa bombe dans les toilettes pour être à l’abri des regards, il a décidé de le faire à partir de son siège comme s’il avait voulu que tout le monde le voit. Il s’est même trouvé de courageux passagers pour le neutraliser. L’avion n’a heureusement pas sauté, mais, dans la foulée de ces évènements, les Américains ont aussitôt oublié Copenhague, les voleurs de Wall Street et la réforme de la santé.
Pendant ce temps, ici au Canada, on a essayé de nous faire croire que Stephen Harper était le premier premier ministre canadien à se rendre coupable à répétition de coups de force, puisqu’il récidive à nouveau cette année, ayant encore une fois décidé de proroger les travaux de la Chambre des communes, comme il l'avait fait l'année dernière, alors que rien ne l’indiquait. Il n’a pas respecté la coutume établie bien que son geste soit parfaitement légal, puisque cautionné par la Gouverneure générale.
Qu’il s’agisse d’un coup de force, je veux bien. Mais qu’il soit déclaré le premier à agir ainsi par la presse canadienne et québécoise, là je ne suis pas.
Comme ses prédécesseurs, Stephen Harper se préoccupe plus de la légalité que de la légitimité de ses actions. Les premiers ministres Borden et Mackenzie King ont imposé la conscription à tous les Canadiens en 1916 et 1944 alors que les Québécois s’y opposaient. Trudeau a proclamé la loi des mesures de guerre en 1970 et fait emprisonné des centaines d’innocents après avoir suspendu leurs droits. Il a récidivé en 1982 en imposant au Québec une nouvelle constitution et une charte des droits dont l’objectif avoué était d’invalider la Charte de la langue française adoptée par l'Assemblée Nationale. Sans oublier le flagrant mépris des lois québécoises démontré par Jean Chrétien à l'occasion de la tenue du référendum volé de 1995 et de l'adoption de la loi sur la clarté par le Parlement canadien quelques années plus tard.
Même si le geste de Stephen Harper est grave, il ne suffit pas à lui seul à détrôner Pierre Trudeau et Jean Chrétien qui le devancent allègrement à ce chapitre.
Toutefois, cela ne l’excuse pas, cela ajoute même à la longue liste des coups de force et suffit à prouver que le Canada n’est pas le pays démocratique qu'il prétend être. Dans les faits, le Canada est une monarchie constitutionnelle rendue nécessaire par des impératifs coloniaux, elle permet de contourner les règles démocratiques dans le but de maintenir contre son gré le Québec dans la constitution. Toute l’histoire du Canada s’est construite sur l’objectif d’assimiler les Canadiens français, c’est la seule et unique fonction de l’appareil constitutionnel canadien, sinon, il y a longtemps que le Canada serait devenu un vrai pays démocratique.
La situation n’est pas différente à l'échelle du Québec où, dans les faits, les anglophones et les allophones adoptent constamment une attitude colonialiste en votant toujours en bloc pour des fédéralistes, comme s’ils n’avaient d’autres besoins plus fondamentaux dans la vie que d’asservir les Canadiens français. Leur complaisance lors des dernières élections municipales à l’égard du maire Tremblay et de la corruption qui règne à Montréal prouve bien que ces gens sont tout simplement des analphabètes grégaires lorsqu’il s’agit de démocratie. Ils votent béatement en groupe comme des moutons, ce qui, contrairement à la rumeur populaire, n’a jamais été le cas des Canadiens français qui n’ont jamais pratiqué l’unanimité à des fins raciales.
C’est là qu’il est le vrai coup de force, dans l’héritage colonial que la monarchie britannique nous a légué afin de mieux nous assimiler, faisant du Canada un pays schizophrénique.
Quand les règles constitutionnelles ne font pas l’affaire des premiers ministres canadiens, la légalité cautionnée par le Gouverneur général permet toujours d'accomplir ce que la légitimité interdit. Quand les règles en vigueur ne suffisent pas, on en invente des nouvelles, c’est le rôle de la Cour Suprême du Canada. Un système fondamentalement malhonnête qui ne peut qu’engendrer une succession de coups de force et d'intrusions du gouvernement fédéral dans les affaires du Québec, grugeant constamment et irrémédiablement le peu de démocratie qui existe dans ce pays hypocrite créé dans l'unique but d’assimiler les Canadiens français.
Contrairement à ce que nos bons chroniqueurs politiques prétendent depuis plus d'une semaine, appuyés en cela par les partis d'opposition, le Canada n’est pas devenu un régime de bananes sous Stephen Harper, il l’a toujours été, c’est inscrit dans son code génétique…

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    9 avril 2013

    Vous vous rappelez?
    «Le Loup et l'Agneau
    La raison du plus fort est toujours la meilleure :
    Nous l'allons montrer tout à l'heure.
    Un Agneau se désaltérait
    Dans le courant d'une onde pure.
    Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
    Et que la faim en ces lieux attirait.
    Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
    Dit cet animal plein de rage :
    Tu seras châtié de ta témérité.
    - Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
    Ne se mette pas en colère ;
    Mais plutôt qu'elle considère
    Que je me vas désaltérant
    Dans le courant,
    Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
    Et que par conséquent, en aucune façon,
    Je ne puis troubler sa boisson.
    - Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
    Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
    - Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
    Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère.
    - Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
    - Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens :
    Car vous ne m'épargnez guère,
    Vous, vos bergers, et vos chiens.
    On me l'a dit : il faut que je me venge.
    Là-dessus, au fond des forêts
    Le Loup l'emporte, et puis le mange,
    Sans autre forme de procès.»
    Jean de La Fontaine
    Il y a aussi la fable du loup et du chien qui s'applique bien.
    Tout n'est pas seulement affaire de légalité. Les Québécois vivent en porte-à-faux par rapport au Canada. Il vivent dedans mais ils s'en moquent.
    Ils attendent leur heure.
    Elle viendra peut-être.
    En attendant ils cultivent leur confort en payant le tribut demandé pour avoir la paix.
    Racket de protection.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    7 janvier 2010

    Nous y sommes presque. Ne reste plus qu'à aller rejoindre les 50% de Québécois qui ne s'informent que par leur I-Pod de musiques d'expression anglaise. Faire campagne auprès de ceux qui ont ridiculisé P. Marsolais pour sa sortie pour un Montréal français: L. Morrisset l'a exprimé clairement: ce sont les 25% d'Anglos qui achètent les loges et décident du son qu'aimeront les frenchies. Il faut faire voter ces demi-assimilés qui ricanent quand on leur demande pourquoi chanter en anglais quand on leur demande pourquoi un visage français à Montréal, pourquoi étudier et travailler en français: On vit en Amérique du Nord, quand même! Voyons que la France, loin de nous aider, en a plein les poches pour contenir son anglicisation. Mais à part ça, on y arrive: Charest est à veille de faire appliquer la loi 101. Bon courage! Voyons combien de marcheurs nous aurons avec MMF bientôt.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 janvier 2010

    Bravo monsieur Lapointe.
    Bravo pour ton commentaire très juste, monsieur Lapointe. Je n'ai rien à ajouter sauf pour dire qu'à mon humble avis, il n'existe pas de vraie démocratie sur cette planète. Je préfère emprunter le mot « corporatocratie » créé par John Perkins dans son livre « Les confessions d'un assassin financier » traduit par Louis Royer du titre original anglais « Confessions of an economic hit man ». La version française fut publiée en 2005 par Ariane Éditions inc. Aussi, dans le film « Network » de Sidney Lumet sorti en 1976, j'aime beaucoup l'extrait où il est dit qu'il n'existe pas de pays, mais simplement des « corporations » et l'acteur énumère les noms tels IBM, General Electric, etc.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2010

    Excellente, cette tartine, cher Louis!
    J'ajoute que la bananeraie fédérale d'Ottawa est un instrument de l'impérialisme voyou anglo-saxon, qui est le principal facteur de souffrance et de destruction sur terre depuis Hiroshima. L'affaiblissement du Québec est nécessaire pour l'empire voyou, tout comme le génocide au Rwanda, puis l'anglicisation de ce pays, l'indépendance des revendeurs de drogue et d'organes du Kosovo, le bombardement des civils en Irak, l'occupation de l'Afghanistan, les colonies juives en Palestine et mille autres méfaits sordides. Il faut voir le documentaire Why we Fight, d'Eugene Jarecki, pour comprendre que c'est loin d'être fini.
    À choisir entre, d'une part, le monde étasunien et ses moralisateurs qui s'érigent en aboutissement de la civilisation et, d'autre part, les Castro, Chavez et Morales de ce monde, mon choix est fait depuis longtemps. Obama n'est que l'empereur des pillards et des assassins, et il a le culot de traiter Cuba de repaire de terroristes. Quel maudit menteur!
    Les héritiers de lord Durham à Ottawa sont de la même farine que Bush et Obama, de John A. Macdonald à Harper, en passant par les petits Frenchies de service, comme Trudeau, Chrétien et Chuck Guité.
    Ça commence à faire, les mensonges, la manipulation, la répression et les massacres au nom de la démocratie.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2010

    Monsieur Lapointe,
    Il faudrait cesser immédiatement de négocier (voire même de discuter) avec les instances fédérales. À ce compte, je rappelle que la Loi sur la clarté a été entérinée par la Cour suprême mais non par la Cour internationale de Justice de La Haye. Le droit constitutionnel canadien ne peut se substituer au droit international (c’est le principe même de la hiérarchie sur laquelle se fonde le capitalisme). Quand on lit, dans le préambule, cette phrase de la Loi de clarification (de son vrai nom) : « que la Cour suprême du Canada a confirmé que ni l’Assemblée nationale, ni la législature, ni le gouvernement du Québec ne dispose, en droit international ou au titre de la Constitution du Canada, du droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada », on sursaute!
    Comment la Cour suprême du Canada peut-elle parler au nom du droit international sans se référer à l’ONU? Il est aberrant de s’apercevoir que le « ou » exclusif (« en droit international “ou” au titre de la Constitution du Canada ») n’a d’autre effet que de masquer la réelle intention du préambule. On pourrait, à juste titre, arguer que l’un « ou » l’autre des droits s’applique alors que, dans les faits, le droit international (la Cour internationale de Justice de La Haye) ne s’est jamais prononcé sur cette question. D’ailleurs, comment pourrait-il le faire puisqu’il n’a jamais été saisi du dossier?
    Les juristes québécois, s’ils aspiraient réellement à la justice et à la vérité juridique, cesseraient immédiatement de négocier avec le « Maître » pour parler justice et démocratie et adresseraient leur différend ailleurs. Mais, qu’enseigne-t-on dans les cours de droit universitaires? À poursuivre la veuve et l’orphelin? À défendre le technocrate?
    Dieu que Nietzsche est loin des hommes!
    Vous avez raison quant à la tradition canadienne qui est monarchique. Rien n’a changé depuis plus de deux cent ans, ni en Angleterre ou ici, dans les colonies. Le capitalisme auquel tous aspirent sans s’apercevoir qu’ils y arriveront toujours au détriment de quelqu’un d’autre (en autant que cet autre ne soit pas l’autre en eux-mêmes, celui qu’ils ne veulent pas voir! Quiconque tient un Blackberry [les Raisins de la colère, les fruits – parfois empoisonnés – du savoir] dans sa main se prend pour un Obama, pour un Ben Shalom Bernanke, quelqu’un qui a réussi [Israël]! La pauvreté aujourd’hui est chronique mais elle ne se situe pas là où on la pense) poursuit son inlassable route. Une de ses caractéristiques (L’anti-Œdipe, Capitalisme et schizophrénie, Félix Guatari et Gilles Deleuze) consiste en la déterritorialisation du peuple pour mieux le contrôler. Le capitalisme doit sans cesse muter (créer des crises pour assurer sa suprématie, pour asservir les hommes à l’aide de la terreur qu’il engendre lui-même! Et tant que le terrorisé n’ouvrira pas les yeux, tant qu’il n’affrontera pas sa peur, s’apercevant que c’est son père – sa patrie! – qui le terrorise, il croira bêtement qu’il vit tout en étant conduit à l’abattoir!) pour croître. N’est-ce pas également la définition du cancer?
    Ils sont (le capitalisme et le cancer) intimement liés, ce qui me fait dire que le capitalisme a créé le cancer (comme le sida) pour mieux croître. De cette hypothèse, on peut raisonnablement penser que le capitalisme ne vaincra pas le cancer (son instrument de prédilection) tant que celui-ci n’aura pas cédé sa place (la grippe A H1N1 était une candidate toute désignée mais, malheureusement, elle n’a pas su prendre le relais – olympique?).
    À mon sens (et moi qui ne suis pas nationalisme, pour plusieurs raisons que je n’énumérerai pas ici), il faut immédiatement cesser ce jeu des pays et discuter avec des instances mondiales, des instances qui ont une vision du monde, même si ces visions (ou ces visées?) sont contradictoires et reflètent la folie humaine de la prétention divine sans en avoir les moyens intellectuels…
    Salutations…
    André Meloche

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2010

    Totalement d'accord avec vous monsieur Lapointe. Et dire que ces politiciens et ces juges, auxquels vous faites référence, se gonflaient (et se gonflent encore) d'orgueuil du titre faussement représentatif de "honorable" (ou "très honorable"), espérant ainsi cacher leur comportement criminel car, comme le dit Grand-papa, empêcher le Québec de devenir indépendant constitue un crime contre l'humanité. Et le jour où une majorité de Québécois comprendra comment ces gens-là ont tenté et tentent encore de les supprimer, le verdict tombera car une des caractéristiques des Québécois est de donner toutes les chances au courreur mais quand celui-ci ne livre pas la marchandise il ne peut s'attendre qu'au rejet total. C'est ce qui est arrivé à l'Eglise Catholique qui a voulu contrôler de facon dictatoriale la conscience des gens et c'est ce qui arrivera au Canada qui contrôle de facon dictatoriale la culture Québécoise. Je me souviens que le Québec est mon pays et qu'il n'a de comptes à rendre qu'à son peuple!

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2010

    Le Canada c'est un pays supposé démocratique où les bourgeoisies des deux nations - dont notre petite bourgeosie exécutante et notre puissant haut clergé canadien français - ont souvent collaborées selon leurs intérêts mutuels. Dans le contexte actuel, à quoi servent nos collaborateurs ? À presque rien :
    « Il y a longtemps que le vrai pouvoir n'est plus dans les urnes. Il plane bien au-dessus d'elles, dans nos institutions dont les membres ne sont pas éligibles : notre FMI, notre OCDE, notre OMC, notre Banque mondiale, qui mènent la vraie marche de la planète. Les démocraties sont de belles coquilles vides. »
    Michel Piquemal - Le Prophète du libéralisme - 2005
    Ce n'est pas seulement le Québec qui peut devenir une coquille vide...le Canada l'est davantage grâce à Harper...et d'autres aussi. Ici, il n'y a pas que le recul de la langue française et une immigation mal encadrée qui posent problèmes, nos institutions étatiques redistributrices de la richesse sont aussi ébranlées.
    Ce serait un crime contre l'humanité que le Québec ne soit pas indépendant, républicain et égalitaire (Qu'est-ce que tu penses de cette phrase dans ton Enfer éternel PET?).