La caverne aux voleurs

De l'école d'Esculape à celle de Crésus, puis d'Ali-Baba

Les champions de l'éthique gélatineuse

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« Ne réveillez pas le lion qui dort, il pourrait vous dévorer…»

Il est presque gênant d’être gouvernés par ces Crésus de la médecine politique que sont Philippe Couillard, Yves Bolduc et Gaétan Barrette. D’autant plus qu’ils ont lancé une attaque en règle contre les classes moyennes et populaires, à qui ils imposent des coupures brutales et antisociales absolument injustifiées sous la pression des banquiers et au nom d’une lutte implacable à l’austérité et au déficit. Comme si le Québec était la Grèce! Pourtant d’autres pays, comme les États-Unis, laissent filer leur déficit et refusent les politiques d’austérité, pour ne pas gêner la croissance économique.

Cet éminent spécialiste de la guillotine qu’est, paraît-il, le premier ministre Couillard, ne cache pas son grand dessein : couper la tête du modèle québécois parce que trop « social », trop avantageux pour les gagne-petits et les démunis, pas assez « payant » pour l’État, comme a osé affirmer le ministre de l’Économie Jacques Daoust. Pour « leur » État, devrais-je dire. Ne nous y trompons pas, les coupures au sécateur du gouvernement Couillard — retraite, garderie, santé, insertion sociale, congé parental, bibliothèques scolaires, aide à l’emploi aux démunis, enseignement, fonction publique, etc. — épargnent les nantis et visent à réorienter le butin de la nation vers les gagne-gros, cette bourgeoisie cupide et prédatrice qui n’en a jamais assez. La montée criante des inégalités entre riches et pauvres en est la preuve. Chez nous, le 1% des Québécois les plus riches gagne plus que la moitié de la population la moins bien nantie.

Comment expliquer dès lors que les Québécois ont réélu un parti qui, sous Jean Charest, les avait littéralement escroqués ? Ils ne pouvaient plaider l’ignorance, car les travaux très médiatisés de la commission Charbonneau sur l’ampleur de la corruption politique leur avaient donné l’heure juste. Le mystère reste entier. On peut faire toutes les hypothèses qu’on voudra, il restera toujours un élément d’incompréhension.

On peut par exemple soutenir que ce n’est pas Couillard qui a battu Pauline Marois, mais elle-même qui s’est battue avec l’aide empressée de ses « lucides » conseillers péquistes… Ou encore prétendre que si les électeurs se sont fourvoyés, c’est la faute aux médias et journalistes. À la remorque du discours libéral et caquiste, ceux-ci ont faussé les enjeux réels en montant en épingle des niaiseries. Comme le fameux « deal » FTQ Construction/Claude Blanchet ( le mari de Marois ), qui n’a jamais existé, mais qui vissait dans la tête des électeurs l’idée sournoise que la chef du PQ n’était pas si « clean » que ça, après tout. Ou encore le fameux poing en l’air de PKP répété ad nauseam d’un reportage de La Presse et du Devoir à l’autre, ou d’un bulletin d’info de Radio-Canada à l’autre, pour faire peur aux bonnes gens et discréditer le candidat du PQ dans Saint-Jérôme.

Quoi qu’il en soit, réélire un gouvernement qui puait le rance était, bien sûr, une erreur de jugement historique. Le plus choquant, c’est que les effets secondaires troublants de ce choix collectif se perpétuent sous le gouvernement de Philippe Couillard, l’un des trois médecins ministres, avec Gaétan Barrette et Yves Bolduc, à pratiquer une éthique plutôt gélatineuse sans même éprouver le besoin de s’en excuser.

Comme si abuser du bien public faisait partie de la conception de la vie politique d’un Yves Bolduc, accusé d’avoir fait un coup d’argent en touchant comme médecin une prime de 215 000 $ à laquelle il n’avait pas droit, alors qu’il était déjà rémunéré comme député de l’Opposition libérale. Ou d’un Gaétan Barrette qui a encaissé sans état d’âme une importante cagnotte de 1,2 $ million, cadeau de remerciement de la Fédération des médecins spécialistes. Juste avant de plonger en politique, alors qu’il dirigeait la FMS, Barrette avait négocié des hausses salariales faramineuses pour lui-même et ses confrères médecins. Depuis, comme ministre de la Santé, il continue toujours de négocier avec les médecins, mais de l’autre côté de la table. Juge et partie, comment on appelle ça ? En conflit d’intérêts, Gaétan Barrette ? Mais non, mais non, voyons…

En tout cas, il est difficile d’imaginer à nos trois ministres médecins une parenté avec René Lévesque, ce héros mythique des Québécois qui croyait qu’on pouvait faire de la politique et être, ou rester, honnête. À une autre époque, ou dans une société plus exigeante en matière de moralité publique, ces trois lascars de la « caverne aux voleurs », comme disait naguère Duplessis du gouvernement libéral d'Alexandre Taschereau, aussi corrompu que celui de l’ère Charest-Couillard, seraient cloués au pilori par une presse indignée qui n’exigerait rien de moins que leur tête.

Et c’est tout à l’honneur de Claude Castonguay, ex-ministre libéral, d’avoir réclamé la démission de Bolduc, et d’avoir remis à sa place le « grossier personnage » Barrette. Il aurait pu inclure sur sa liste d’indésirables, le bon docteur Couillard accusé, lui, d’avoir pratiqué l’évasion fiscale alors qu’il exerçait la médecine sous la pire tyrannie islamiste de la planète, l’Arabie saoudite, qui impose le voile intégral aux femmes qui n’ont même pas le droit de conduire une automobile.

Enfin, il faut bien le dire, il était à la fois comique et éloquent de constater récemment que Martin Coiteux, l’un des piliers économiques de notre gouvernement des Trois/Trois — trois médecins/trois banquiers — a été incapable de répondre quand un journaliste lui a demandé si son gouvernement allait exiger aussi des sacrifices aux riches. Et tout aussi instructif de voir la rangée de gros bras de la police protéger le même monsieur qui blablatait récemment en compagnie de ses frères d’armes des Chambres de commerce et autres chasseurs de contrats publics, au centre-ville de Montréal.

Retenons les leçons de l’histoire. Quand des gens élus pour soi-disant servir l’intérêt général sont obligés d’être protégés par des baraqués armés lorsqu’ils sortent en ville, il n’y a pas de doute : la révolte populaire contre l’injustice gonfle dans la marmite sociale. Avis à nos trois bons docteurs Couillard, Barrette et Bolduc, et à leurs trois banquiers, les Leitao, Daoust et Coiteux : ne réveillez pas le lion qui dort, il pourrait vous dévorer…


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3 commentaires

  • François A. Lachapelle Répondre

    26 octobre 2014

    Philippe Couillard est un champion de l'éthique guimauve et ne semble pas accorder quelque respect aux citoyens électeurs qui le regarde manoeuvrer d'erreur de jugement en erreur de jugement.
    Il vaut la peine de rapporter une parole creuse de Philippe Couillard que je viens de prendre à la télé de Radio-Canada alors qu'il dirige une mission politique à Shangai, je cite: " On a à apprendre d'eux (les chinois) le sens de l'histoire."
    Souhaitons qu'aucun chinois ne comprenait le français de Philippe Couillard. Effectivement que ce voyage peut être initiatique pour Monsieur Couillard sur la valeur de l'histoire chinoise. Il lui restera à découvrir le sens de l'histoire du Québec à son retour et se rappeler qu'il est le PM du Québec dans ses négos avec le Canada et qu'il n'est pas un valet du gouvernement central et centralisateur.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 octobre 2014

    Encore pire que cela, dans Lévis un Paradis CAQ élu par cette population qui a eu zéro pis une barre du faramineux contrat dont ils ont été exclu parce que Québécois! Faut le faire! Ma réponse est celle ci. Beaucoup d'ignorance dans la population, beaucoup de gens qui sont aussi fourbes que le PLQ, et des médias corrompus à l'os.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    23 octobre 2014

    MOLIÈRE (extrait):
    MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Messieurs, il y a une heure que je vous écoute. Est-ce que nous jouons ici une comédie ?
    PREMIER MÉDECIN.- Non, Monsieur, nous ne jouons point.
    MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Qu’est-ce que tout ceci ? et que voulez-vous dire avec votre galimatias et vos sottises ?
    PREMIER MÉDECIN.- Bon, dire des injures. Voilà un diagnostique [56] qui nous manquait pour la confirmation de son mal, et ceci pourrait bien tourner en manie.
    MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Avec qui m’a-t-on mis ici ?
    Il crache deux ou trois fois.
    PREMIER MÉDECIN.- Autre diagnostique : la sputation fréquente.
    MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Laissons cela, et sortons d’ici.
    PREMIER MÉDECIN.- Autre encore : l’inquiétude de changer de place [57] .
    MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Qu’est-ce donc que toute cette affaire ? et que me voulez-vous ?
    PREMIER MÉDECIN.- Vous guérir, selon l’ordre qui nous a été donné.
    MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Me guérir ?
    PREMIER MÉDECIN.- Oui.
    MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Parbleu je ne suis pas malade.
    PREMIER MÉDECIN.- Mauvais signe, lorsqu’un malade ne sent pas son mal.
    MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Je vous dis que je me porte bien.
    PREMIER MÉDECIN.- Nous savons mieux que vous comment vous vous portez, et nous sommes médecins, qui voyons clair dans votre constitution.
    MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Si vous êtes médecins, je n’ai que faire de vous ; et je me moque de la médecine.
    PREMIER MÉDECIN.- Hon, hon ; voici un homme plus fou que nous ne pensons.
    MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.- Mon père et ma mère n’ont jamais voulu de remèdes, et ils sont morts tous deux sans l’assistance des médecins.
    PREMIER MÉDECIN.- Je ne m’étonne pas s’ils ont engendré un fils qui est insensé. Allons, procédons à la curation, et par la douceur exhilarante [58] de l’harmonie, adoucissons, lénifions, et accoisons [59] l’aigreur de ses esprits, que je vois prêts à s’enflammer.