Mourir dans quelle dignité?

De la stérilisation à l’euthanasie des boulets de la société

Attention, terrain dangereux!

Chronique de Louis Lapointe

Dès sa prise de pouvoir en 1933, Hitler avait commencé par suggérer de stériliser les aliénés mentaux et les personnes atteintes de maladies congénitales, les homosexuels ayant le choix de se faire stériliser ou de passer le reste de leur vie dans un camp de concentration. Des mesures qui, au début, avaient soulevé un tollé dans la population allemande.

Puis, les Allemands avaient fini par s’habituer à l’eugénisme des nazis, y voyant au fil des années des mesures socialement et économiquement acceptables, tolérant que les juifs puissent être dépouillés de leurs richesses et internés dans des camps de concentration avant d’être euthanasiés, puisque ces politiques semblaient enrichir individuellement et collectivement l'ensemble de la population allemande.

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En raison du souci du gouvernement de Stephen Harper de ne pas trop heurter les Canadiens les plus sensibles à la misère des laissés-pour-compte, on ne connaît toujours pas toutes les mesures qu'il annoncera pour rendre les Canadiens plus riches. Couper la sécurité du revenu, donner le choix aux « assassins» de passer leur vie en prison ou de s’euthanasier, cette dernière mesure permettant aux Canadiens d’économiser des millions de dollars selon le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu.

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Si l’on se fie aux réactions soulevées par le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu auprès d’une certaine droite, l’euthanasie volontaire serait en voie de devenir une solution à plusieurs maux de notre société, une question tellement importante qu’elle a même été l’objet d’une consultation populaire par le gouvernement du Québec l’automne dernier. Dans ce dernier cas, on ne parlait pas d’économiser de l’argent ou de diminuer les dépenses de l'État en santé, mais bien de mourir dans la dignité.

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Nous connaissons tous cette phobie des parents de ne pas vouloir devenir des fardeaux pour leurs enfants.

Lorsqu’on dit que les Québécois ne sont pas assez productifs et qu’ils devraient travailler plus fort et plus longtemps et, qu’en plus, on suggère de couper les prestations de sécurité du revenu des plus vieux pour qu’ils demeurent plus longtemps sur le marché du travail alors qu’on a décidé d’ouvrir le débat sur l’euthanasie au nom de la dignité, n’y a-t-il pas là une forme d’hypocrisie ?

Un faux débat qui se déroule sous nos yeux pendant que la droite simpliste répand allègrement l’idée que les bébés boomers vivraient au-dessus de leur moyen et appauvriraient les générations futures, la hausse des droits de scolarité des étudiants universitaires étant, selon eux, une des conséquences du fait qu’ils toucheraient de faramineuses retraites alors que, dans les faits, c’est le capitalisme sauvage qui a appauvri les masses populaires et plus spécifiquement la classe moyenne à l’occasion de chacune des crises financières qui a ébranlé le monde depuis le début des années 1980.

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L’idée de fournir une corde à chaque assassin condamné à la prison à perpétuité n’est donc pas très loin de cette autre idée de permettre aux homosexuels de choisir entre la stérilisation et passer le reste de leur vie dans un camp de concentration. Deux mesures volontaires ! Est-ce cela la dignité?

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Quand une société en est rendue à couper la rente des plus vieux et à suggérer l’euthanasie de catégories de personnes qui seraient devenues des boulets afin d’alléger le fardeau fiscal des plus riches sous prétexte à peine voilé d’équité intergénérationnelle, c’est qu'elle n'est plus très loin de la folie qui a enflammé le 20e siècle.

Attention, terrain dangereux!

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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4 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    6 février 2012

    Les boulets? Il y a la question de savoir si une personne qui est malade, par exemple, EST sa propre maladie, et rien d'autre; de voir si la personne en question, ne peut pas offrir une contribution positive à la société?
    Un exemple? L'astrophysicien Stephen Hawking, digne successeur d'Einstein. Est-il uniquement un malade paralytique, atteint de la maladie de Lou Gherig, ou le plus grand astrophysicien de sa génération?
    Qu'est-ce qui compte le plus?
    Que retiendra-t-on de Stephen Hawking? Qu'il coûtait cher en matière de soins qui devaient lui être prodigués, ou sa contribution monumentale à sa discipline?
    Concernant monsieur Boisvenu, il est clair qu'il a souffert, avec l'assassinat de sa fille. Mais les conservateurs lui ont donné du pouvoir politique, et l'homme en question, encore habité par la douleur (peut-on l'en blâmer?), semblerait tenté par un retour à un système de justice digne du Far West... ce qui n'est pas l'idéal.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2012

    Attention monsieur Lapointe,
    Adolf Hitler n'a rien suggéré. Les idéologies de l'eugénisme, de la stérilisation et de l'euthanasie sont originaires du monde anglosaxon. De Sir Francis Galton plus particulièrement, un cousin de Charles Darwin.
    Les psychiatres Américains y portaient un intérêt pour régler le problème des Noirs, dit congénitalement retardés avec des quotients intellectuels en moyenne de 30 points inférieurs à ceux des Blancs. Ces idées sont encore promus par la American Renaissance (AmRen) de nos jours.
    Les socialistes anglais s'y intéressaient. H.G. Wells a déjà dit que le socialisme c'était la prise en charge des besoins primaires des individus (nourriture, logement, santé, éducation) en échange de leur travail pour la société. Quant aux individus dont on ne pouvait espérer une production ou contribution satisfaisante, ils devaient être doucement éliminés.
    L'URSS s'est déchargé massivement de charges sociales dans les années 20 avec une balle par nuque. De même que les amputés de la seconde guerre mondiale qui pullulaient les rues pour mendier furent éliminés dans les années 50.
    Avec la crise financière aux États-Unis, il n'est pas étonnant que ces idées reviennent à la mode. Les critiques de la réforme du système de santé, dit Obamacare, annoncent qu'il permet les Death Panels pour décider si un malade doit être soigné ou laissé à des traitements palliatifs minimaux. Sarah Palin étant celle qui a placé l'expression "Death Panel".
    La congressiste Gabrielle Giffords a eu droit aux grandes dépenses hospitalière incluant un avion-ambulancier immédiat pour la transporter dans le meilleur hôpital spécialisé pour les balles en tête. Comme le citoyen lambda n'aurait jamais eu un tel traitement, beaucoup ont critiqué le déploiement des ressources pour une politicienne.
    Les médias américains ont produit un montage vidéo qui faisait accroire que Gabrielle Gifford était en train de récupérer. Malheureusement, les miracles sont impossibles.
    Elle a démissionné récemment parce qu'il était évident que jamais elle pourrait retourner au Congrès. Avec la démission vient la fin de la couverture spéciale des soins de santé pour les membres du Congrès. Elle va donc rejoindre l'insignifiance et parions qu'à la suite de "complications" qu'elle va décéder dans l'année en cours.

    Oui, Adolf Hitler a recouru à l'euthanasie pour éliminer un grand nombre de mendiants irrécupérables qui pullulaient sous la République de Weimar. Hitler était influencé par les penseurs américains et britanniques. Il voulait une fin gracieuse pour les héros de la Grande Guerre. Le processus s'est poursuivi jusqu'à ce que l'Église Catholique y mette tout son poids pour enrayer cette machine infernale.
    Pour les homosexuels, ils ne faisaient pas partie de cette catégorie. Ernst Röhm était homosexuel. Et l'homosexualité était courante dans les rangs des SA. En fait, il y avait une tradition dans l'Armée prussienne qui pouvait remonter à l'Ordre Teutonique, quoique je ne sais pas si c'était de la propagande contre l'OT. Il était certifié que Frédéric II Hohenzollern trouvait des mignons parmi ses soldats.
    Un grand nombre d'homosexuels ont reçu de la pression pour intégrer la Wehrmacht et aller se battre. Les récalcitrants étaient envoyés dans les camps. Mais il y avait toujours une couleur politique dans leur cas, vu qu'ils pouvaient se rattacher à l'école de Francfort (théorie de la critique sociale) pro-communiste. Ou bien leur vie dissolue laissait à désirer (alcoolisme, drogue, maladies vénériennes et prostitution, chantage).

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2012

    La chose humaine à faire serait d'instaurer un revenu de citoyenneté universel comme le proposait le regretté syndicaliste Michel Chartrand afin que tous sans exception aient un revenu suffisant pour une vie décente.
    C'est d'ailleurs ce que la déclaration universelle des Droits de l'homme exige, un revenu suffisant pour une vie décente.
    Mais malheureusement, la perte des valeurs fondamentales dans notre société n'est pas propice à une telle mesure.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2012

    Monsieur Lapointe,
    Avec tous ceux qui attendent que les vieux et les vieilles meurent afin de pouvoir toucher l'héritage, vous allez sûrement voir bien des gens d'accord avec l'euthanasie afin que ces personnes âgées meurent "dignement" et plus rapidement.
    Pour ce qui est du reste de votre article qui dit au fond que l'argent a priorité sur l'être humain et ses besoins, je suis d'accord avec vous. L'être humain et ses besoins devraient avoir priorité sur l'argent.
    Cependant, je pense que l'on s'en va vers l'élimination de personnes afin "d'économiser" de l'argent.
    Cette tendance se précise de plus en plus promue par des animateurs de radio qui en parlent tout en ricanant.
    À ce stade-ci de notre "civilisation", nous sommes tombés en décadence profonde. Les plus sans principes et sans scrupules décident de tout pour tous.
    Et le bon sens a fui une majorité des citoyens.
    Il n'y a pas grand chose que l'on peut faire. Pensez-vous qu'on pouvait raisonner les gens au temps du père Noé?