De la suite dans les idées

Crise politique canadian

De passage à Montréal hier pour ses consultations pré-budgétaires, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, n'a pas écarté la possibilité d'inclure de nouvelles réductions d'impôt dans le plan de stimulation économique attendu pour le 27 janvier. Le fait que le président élu des États-Unis, Barack Obama, envisage d'inclure dans son propre plan de relance des réductions d'impôt totalisant 300 milliards de dollars a peut-être influencé le ministre conservateur. Mais est-ce vraiment le cas?
M. Flaherty et le premier ministre Harper n'ont cessé de répéter en fin de campagne électorale que le Canada avait vu venir le coup et avait agi avant tout le monde en annonçant à l'automne 2007 près de 60 milliards en réductions de taxes et d'impôts sur cinq ans. Par conséquent, il n'était pas nécessaire d'en faire autant que nos voisins, disaient-ils. D'ailleurs, le ministre se vantait en début d'année des allégements entrant en vigueur le 1er janvier 2009.
Son intérêt renouvelé pour des baisses d'impôt signale-t-il qu'il réalise maintenant ne pas en avoir assez fait en 2007 ou d'avoir agi au mauvais moment? Ou est-ce plutôt que la crise lui offre le prétexte de poursuivre sur sa lancée et de diminuer encore davantage la marge de manoeuvre du gouvernement, pavant ainsi la voie à une réduction du rôle de l'État ?
La question se pose car l'objectif principal des conservateurs a toujours été de faire subir une cure minceur au gouvernement. Ils ont même essayé de s'y attaquer dans l'énoncé économique de novembre dernier alors que le ralentissement économique commandait l'inverse.
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Une possible réduction des impôts contredirait, quoi qu'ils en disent, d'autres déclarations de MM. Flaherty et Harper. Pas plus tard que le 23 décembre dernier, en marge de sa première rencontre avec le conseil consultatif sur l'économie, le ministre disait: «Nous allons nous assurer que les dépenses qui nous placeront en situation de déficit seront temporaires, à des fins précises et limitées, de façon à ne pas dégager un déficit permanent.» Dans son entrevue de fin d'année accordée au réseau CTV, le premier ministre disait la même chose: «Tout ce que nous ferons sera temporaire pour éviter un déficit permanent.»
Or, y a-t-il une chose de plus permanente qu'une baisse de taxe? M. Harper le faisait lui-même remarquer dans son entretien à CTV. «Il est facile de baisser les taxes, mais beaucoup plus difficile de les hausser de nouveau», disait-il.
Pourquoi alors, si on veut éviter de s'embourber pour des lustres dans les déficits, envisager des réductions d'impôt? Une perte permanente de revenus ne peut que nuire à une élimination rapide du déficit, car déficit il y aura.
Juste avant Noël, la revue financière du ministère des Finances nous apprenait que le fédéral avait affiché un déficit de 600 millions en octobre, soit le troisième déficit mensuel d'affilée. Résultat, le surplus pour les sept premiers mois de l'année a fondu, pour se réduire à un maigre 200 millions. Pour la même période l'année précédente, le surplus atteignait 6,1 milliards. Il se peut donc que l'année en cours se termine dans le rouge.
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Le ministre Flaherty pensait nous faire croire qu'on s'en sauverait, lui qui prédisait dans son énoncé économique de minuscules surplus pour les années à venir. Il y parvenait en diminuant les dépenses et en plafonnant les paiements de péréquation. Ces mesures n'ont pas été adoptées, l'économie a continué de tanguer, et trois semaines seulement après la publication de l'énoncé, son propre ministère revoyait ses chiffres.
On apprenait soudainement que sans ces mesures de contrôle des dépenses et sans, non plus, aucune mesure de relance, Ottawa pourrait accumuler un déficit de 30 milliards sur cinq ans.
Quand on ajoute la facture du plan de stimulation économique attendu le 27 janvier, on parle d'un déficit qui pourrait atteindre 30 milliards pour la seule année 2009-10. Le chiffre n'est pas tiré par les cheveux. Il découle des déclarations faites par M. Harper à CTV.
Le premier ministre a affirmé qu'Ottawa devait envisager dépenser «entre 20 à 30 milliards de dollars» s'il voulait avoir l'effet de relance voulu sur l'économie. M. Harper n'a pas voulu évaluer le déficit qui en découlerait, mais le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, a publié une note d'information qui indique qu'avec un effort de cet ordre, le déficit dépasserait les 34 milliards en 2009-10, du jamais vu depuis 1995-96.
Hier, M. Flaherty affirmait que le budget indiquerait comment Ottawa comptait effacer ce déficit. En décembre, il disait qu'il serait «clair pour tous les Canadiens qu'avec le rétablissement de l'économie, le déficit disparaîtra et fera place à un retour des excédents».
Ce n'est pas en réduisant ses revenus qu'il y parviendra. S'il envisage quand même les diminuer, c'est qu'il a une autre solution en tête. Et habituellement, quand on veut éponger un manque à gagner sans disposer de plus d'argent, on réduit ses dépenses. Ce que M. Flaherty souhaitait faire en novembre.
La crise politique et la situation économique l'ont forcé à reculer, mais il semble qu'il n'ait pas perdu son objectif de vue. Il envisage simplement un autre chemin pour y arriver. Il pourrait en effet avoir trouvé le moyen d'utiliser ces deux imprévus comme prétexte pour créer les conditions nécessaires à l'atteinte de ses intentions initiales.


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