Des patriotes plus grands que nature

Anne-Marie Sicotte raconte avec force images une histoire revisitée du Bas-Canada

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L'histoire revisitée, pour notre plus grand bien

« On a sous-estimé la terreur créée par le pouvoir britannique que les insurgés du Bas-Canada ont subie en 1837 et en 1838. Voilà pourquoi j’ai écrit une Histoire inédite des patriotes, débarrassée de la censure, des préjugés et des biais qui la camouflaient », me dit la romancière Anne-Marie Sicotte. Comme elle le signale, le récit manquait « de chair ». Mais un texte expressif et des centaines d’images d’époque en font « une plongée » étourdissante.

Les illustrations, presque toutes en couleurs et très bien choisies par la vulgarisatrice de haut niveau, nous retrempent dans la vie quotidienne du Bas-Canada grâce au talent d’une foule d’artistes contemporains des événements racontés. Les paysages autant que les scènes militaires sont particulièrement évocateurs. Ils mêlent la beauté insouciante de la nature à une lourde atmosphère d’intolérance et d’oppression.

Petite-fille et biographe du dramaturge Gratien Gélinas, Anne-Marie Sicotte, née en 1962, s’est servie de la riche documentation qu’elle avait rassemblée pour nourrir ses suites romanesques publiées entre 2011 et 2015 : Le pays insoumis (VLB) et Les tuques bleues (Fides). L’incendie à Montréal du parlement du Canada-Uni en 1849 par les jusqu’au-boutistes tories qui s’opposaient aux dédommagements accordés par les autorités aux victimes de la répression des patriotes l’a, me confie-t-elle, bouleversée.

« Il permet de voir jusqu’à quel point les extrémistes britanniques, comme ceux du paramilitaire Doric Club, avaient pu provoquer l’insurrection des patriotes en sachant que le pouvoir colonial y verrait un prétexte pour réprimer un mouvement démocratique qui s’appuyait sur des revendications pourtant fondées », m’explique-t-elle. Ce fanatisme, elle le résume en citant la résolution, adoptée en 1836 par le Doric Club, de lutter jusqu’à la mort pour éviter « la dégradation d’être sujets d’une république franco-canadienne ».

Le livre d’Anne-Marie Sicotte renferme des termes imagés pour faire facilement comprendre au lectorat d’aujourd’hui que le parlementarisme britannique instauré dans la colonie dès 1792 n’est démocratique qu’en apparence. Les députés élus seulement par les gens possédant des biens assez appréciables soumettent des projets de loi qui doivent recevoir l’aval d’instances non élues soumises à Londres : le gouverneur, les Conseils exécutif et législatif. Elle qualifie avec raison le système de « puissance dictatoriale ».

Installé à Québec, ce pouvoir insuffle subtilement un collaborationnisme conservateur à la région de la Vieille Capitale, encore perceptible là-bas dans les résultats décevants du référendum de 1995 sur la souveraineté. Cette cassure du Bas-Canada, l’historienne populaire l’a perçue avec acuité en concluant que les plus incisifs et « les moins corruptibles des élus sont originaires du district de Montréal, épicentre du patriotisme » à cause du « dynamisme économique » de la région.
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