Des stratèges doutent d’un «effet Hivon»

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Véronique Hivon, l'héritière de Lucien Bouchard ?

Après avoir officialisé la nomination de Véronique Hivon au poste de vice-chef du Parti québécois, Jean-François Lisée a fait allusion à l’humilité démontrée par son ex-patron Jacques Parizeau en s’effaçant derrière Lucien Bouchard en plein milieu de la campagne référendaire de 1995. Le « Oui » avait gagné au moins cinq points grâce au chef bloquiste, perçu comme un « sauveur ». Y aura-t-il un « effet Hivon » ? a demandé un journaliste dimanche.



Les yeux rivés sur leur écran, des stratèges libéraux et caquistes ont pouffé de rire. Les médias surestiment la popularité de l’ex-ministre déléguée aux Services sociaux, selon eux. « Tout le monde l’apprécie, mais elle est nettement surévaluée », dit l’un d’eux dans un échange avec Le Devoir.



Selon lui, le recrutement de Mme Hivon sert avant tout à apaiser l’anxiété des élus et des militants péquistes à huit mois des élections générales. « Il a sélectionné la députée qui lui semble être la plus populaire et lui cède son leadership. Il a conscience qu’il a des lacunes à connecter avec la population. Alors, il se colle à elle, tentant de créer une entité bicéphale à l’américaine : le duo “Lisée-Hivon”. L’effet sur l’issue du scrutin sera sans doute marginal », estime-t-il.



M. Lisée a réussi à « sauver » son conseil national au moyen de ce « coup de marketing », renchérit un autre conseiller politique. « Ça ne changera rien parce que le problème du PQ n’est pas Jean-François Lisée, il est plus profond : à peu près tout le monde est convaincu qu’on ne fera pas la souveraineté du Québec », soutient-il, avant d’ajouter : « Les péquistes, eux, continuent de faire semblant. »



Cela dit, au PLQ et à la CAQ, on convient que l’élue de Joliette projette une image consensuelle comme aucun autre acteur de la scène politique. À peine 6 % de la population québécoise avait une mauvaise opinion de Mme Hivon en juin 2016, comparativement à 4 % une année plus tôt, selon le baromètre des personnalités politiques du Québec de la firme Léger. Des marques égalées à ces moments-là seulement par son confrère du Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier. Le hic : moins de la moitié de la population (48 %) la connaissait en 2015, et ce, même si elle avait opéré une révolution médicale en pilotant la légalisation de l’aide médicale à mourir. Cette proportion a toutefois crû à 68 % à la suite de son saut dans la course à la direction du PQ au printemps 2016.



Le taux de notoriété de Véronique Hivon a un « énorme potentiel de croissance », fait valoir un stratège péquiste de premier plan. De son côté, le PQ « progressiste et indépendantiste » rebondira dans les intentions de vote, dépassera le Parti libéral du Québec pour se retrouver nez à nez avec la Coalition avenir Québec avant le départ des autobus de campagne à la fin de l’été prochain, prédit-il, sûr de lui. Les péquistes font face à une pente pour le moins escarpée. Ils occupent le troisième rang, recueillant 20 % des intentions de vote, et ce, derrière les caquistes (39 %) et les libéraux (28 %), selon un sondage Léger-Le Devoir publié samedi.



De lieutenante à vice-chef



Jean-François Lisée a conféré à Véronique Hivon une forte influence au sein du PQ au lendemain du congrès national de septembre dernier. Il lui a donné accès à des rencontres de planification stratégique, ce qui en a surpris plus d’un. Elle est « lieutenante du chef de l’opposition officielle », leur rappelait-on. D’ailleurs, ce titre a été biffé du site Web du PQ au profit de celui de « vice-cheffe ».



Durant l’automne, Mme Hivon, qui est associée à l’aile moins identitaire du PQ, a joué de son influence. À l’instar d’autres députés, elle a contribué à freiner les ardeurs de son chef, qui comptait déposer un projet de loi sur la laïcité assortie de sanctions avant les Fêtes.



Une première tournée



Véronique Hivon a revêtu ses habits de vice-chef lundi en participant à la commémoration citoyenne de l’attentat de la grande mosquée de Québec organisée à l’hôtel de ville de Montréal. Elle effectuera cette semaine une « tournée express » en Mauricie, en Estrie et dans les banlieues nord et sud de Montréal, où le PQ est en difficulté, pour y détailler le programme de son parti en matière de famille avant de filer à l’Assemblée nationale en prévision de la reprise des travaux mardi prochain. Elle y partagera la vedette avec M. Lisée. D’autre part, Mme Hivon continuera de participer activement au recrutement de candidats en vue du scrutin du 1er octobre prochain. Le one-man-show est terminé au Parti québécois.



Une connaissance des membres du tandem a hâte de voir la direction du PQ planifier les sorties médiatiques de l’un et de l’autre. « Véronique, elle est solide. Elle sort lorsqu’elle est vraiment sûre et vraiment prête. Mais cela prend du temps ! Jean-François, c’est le contraire. »



Pauline Marois se réjouit



L’ex-première ministre Pauline Marois s’est réjouie de la désignation de Véronique Hivon comme « vice-chef » du PQ. « Cela envoie un message porteur d’espoir pour toutes les Québécoises et tous les Québécois qui croient aux politiques progressistes que nous défendons. Et puis une femme qui occupe une place significative à tes côtés, c’est aussi un signal fort envoyé aux Québécoises », a-t-elle écrit lundi.



Pour sa part, l’ex-chef du PQ Pierre Karl Péladeau n’a pas commenté la « surprise » réservée par son successeur aux délégués rassemblés samedi et dimanche à Saint-Hyacinthe. 


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