Éthique et culture religieuse

Dieu à l'école

ECR - le cas du Collège Loyola


De délicat qu'il était déjà, le sujet deviendra explosif. En glissant sur l'aspect irréconciliable de l'enseignement «neutre» du cours Éthique et culture religieuse (ECR) dans une école privée confessionnelle, un jugement rendu cette semaine en Cour supérieure ouvre la voie à une menaçante série de contestations juridiques. Ce n'est pas fini!
Après analyse de la requête de la Loyola High School — une école secondaire privée subventionnée catholique pour garçons —, le juge Gérard Dugré conclut que l'obligation de donner le cours ECR dans une école confessionnelle porte atteinte à la liberté de religion. Il autorise donc le collège à bénéficier de l'exemption rêvée, jugeant même sa version du cours «équivalente» au programme imposé par le ministère.
Loyola a remporté une manche cruciale contre Québec, qui évidemment porte la décision en appel. Le juge n'y va pas de main morte: il reconnaît à cette école le droit à sa propre version confessionnelle du cours, ce qui va entièrement à l'encontre de l'objectif premier, laïque, du programme! Dans un style pour le moins mordant, il souligne le «caractère totalitaire» de l'obligation faite à cette école, au même titre que «l'ordre donné à Galilée par l'Inquisition de renier la cosmologie de Copernic». Ce n'est pas une allusion banale.
En imposant le cours ECR à l'ensemble des écoles du Québec, en 2009, Québec avait clairement indiqué que les établissements confessionnels pouvaient, s'ils le souhaitaient, ajouter une formation religieuse en sus du cours imposé. Étonnamment, cette option n'était pas de nature à satisfaire Loyola.
Les sous-questions s'accumulent: quelle différence y aurait-il maintenant entre l'incapacité totale de cette école catholique à transmettre le cours ECR et celle des écoles juives orthodoxes, pour qui ce même cours est un gigantesque défi? Le gouvernement, qui n'a d'autre choix que de contester une vision légale s'entrechoquant à ses politiques, s'extirpe tout juste d'une tradition de tolérance démesurée à l'endroit d'écoles dites illégales qui ne donnaient pas les cours obligatoires pour laisser pleine place à la religion. Il y a un brin d'ironie à voir aujourd'hui les prétentions d'une école catholique passer ce premier cap juridique sans trop de mal.
Sur un registre entièrement différent, des parents avaient l'an dernier faiblement tenté de démontrer que le cours ECR causait un préjudice grave à leurs enfants, qu'ils voulaient exempter de manière individuelle de ce programme dans des écoles publiques. La cour les avait déboutés, allant même jusqu'à rappeler que l'Église catholique admettait tout à fait le bien-fondé d'une présentation objective des autres religions. Le jugement de cette semaine place la balle dans un tout autre camp, celui des écoles confessionnelles dont la mission se heurte aux prétentions laïques du cours.
La justice peut être implacable lorsqu'elle décèle des failles dans un programme politique: Québec n'a peut-être pas été suffisamment clair quant à ce qu'il croit être ou non un programme «équivalent» acceptable et digne d'une exemption à accorder; le jugement le lui note on ne peut plus clairement. Il n'a pas su non plus prévoir la contre-attaque organisée de tous ceux qui ne veulent pas de la neutralité sous-jacente au cours d'éthique et de culture religieuse. Ce jugement, qui pourrait fort bien connaître une finale en Cour suprême, nous rappelle enfin que sans inscription réelle de la laïcité dans une charte, le droit à la religion affiche toute sa suprématie.


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