Drainville monte au front

« Un vote pour le Parti libéral, c’est un vote contre la charte »

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La Charte, la Charte, et encore la Charte !

Les pro-charte n’ont pas de quoi se réjouir de la montée du Parti libéral du Québec dans les sondages, fait valoir le Parti québécois. L’auteur du projet de loi 60, Bernard Drainville, a appelé mercredi les électeurs à appuyer le PQ, à défaut de quoi ils risquent de signer l’arrêt de mort de la charte de la laïcité.

« Un vote pour Philippe Couillard, un vote pour le Parti libéral, c’est un vote contre la charte », a-t-il mis en garde à l’occasion d’une conférence de presse dans le QG du PQ. M. Drainville a répété l’« engagement clair » de l’équipe de Pauline Marois d’adopter un projet de législation « nécessaire » à la fois pour assurer la « cohésion sociale » et la « paix sociale » au Québec. « Qu’en est-il des autres partis ? » s’est-il interrogé à voix haute.

En mettant en sourdine sa campagne électorale pour la journée afin de se préparer au premier débat des chefs, Pauline Marois n’entendait pas pour autant donner le champ libre à ses adversaires libéral, Philippe Couillard, et caquiste, François Legault. « La charte de la laïcité, on ne lâchera pas le morceau là-dessus, vous le savez. On va la mettre de l’avant », a-t-elle indiqué dans un bref échange avec une poignée de journalistes, photographes et caméramans.

Après avoir effectué une tournée de 15 circonscriptions en 15 jours, le candidat dans Marie-Victorin s’est affairé mercredi à remettre le thème des valeurs québécoises à l’avant-scène de la campagne électorale. Monté au front, M. Drainville a dirigé ses attaques sur un chef libéral ragaillardi par la publication de trois sondages favorables en quatre jours, en le décrivant comme un homme politique « génétiquement incapable de défendre les valeurs québécoises ».« Pour le moment, la position de Philippe Couillard, c’est : « Non, non, non, niet. Il n’y aura pas de charte. On va tout faire pour la bloquer. On va la déchirer » », a-t-il déploré, en compagnie de Djemila Benhabib (Mille-Îles), Evelyne Abitbol (Acadie), de Yasmina Chouakri (Anjou–Louis–Riel) et de Leila Mahiout (Bourassa-Sauvé). « Il n’y aura pas d’encadrement, puis il n’y aura aucune interdiction sur le port des signes [religieux]. Ça va être le cas par cas », a-t-il poursuivi, accusant à demi-mot le PLQ de demeurer les bras croisés face à des symboles d’oppression des femmes comme la burqa et le niqab.

Pour leur part, les quatre candidates — trois de confession musulmane et une de confession juive — ont tour à tour récité une déclaration sur l’importance d’adopter la charte de la laïcité, afin de renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes et la neutralité religieuse de l’État.

Selon le PQ, la position actuelle de Philippe Couillard est « en dessous » de celle préconisée dans le projet de loi 94 du gouvernement Charest. « Comme si cela était possible », a dit M. Drainville, qui demeure inflexible sur l’interdiction des signes religieux ostensibles pour les employées de l’État.

Il a pressé de questions le chef libéral sur sa vision de l’égalité hommes-femmes et la neutralité de l’État, qui sont des « vraies affaires » aux yeux des Québécois.

Le chef du PLQ, Philippe Couillard, voit dans la sortie de M. Drainville une tentative désespérée de distraire l’électorat. « Ils ont sorti la charte à l’automne pour cacher le désastre économique. Là, je vous préviens, ils vont la sortir aujourd’hui pour cacher le référendum. Il n’y a personne qui est dupe de ça », a-t-il déclaré lors d’un point de presse.

Le ministre responsable des Institutions démocratiques s’est défendu de chercher à tout prix à recentrer le débat sur les valeurs québécoises, alors que les projecteurs sont braqués sur la proposition du PQ de tenir une consultation sur l’avenir du Québec depuis l’entrée en scène de Pierre Karl Péladeau. « On suit notre plan de match », a-t-il soutenu.

L’ancien journaliste s’est également adressé directement à la « majorité silencieuse » par le biais d’une vidéo mise en ligne sur YouTube et le site Web du PQ. « Si vous voulez que la charte voie le jour, il n’y a pas 56 solutions, ça prend un gouvernement du Parti québécois majoritaire », a-t-il lancé.

Réaction et mobilisation

Frédérick Bastien, professeur au Département de sciences politiques de l’Université de Montréal, n’est pas surpris que le PQ tente de remettre le sujet de la charte à l’ordre du jour. « La charte semble répondre à des inquiétudes ou des préoccupations plus ou moins latentes chez les Québécois, ça semble les faire réagir ou les mobiliser davantage que l’enjeu souverainiste », a-t-il indiqué au Devoir. L’une des thèses du collectif qu’il a dirigé, intitulé Québécois aux urnes : les partis, les médias et les citoyens en campagne, est que depuis le début des années 1990, le déplacement des électeurs et leur polarisation en fonction un axe gauche-droite a favorisé l’émergence d’un troisième parti fort (ADQ, puis CAQ).

Selon Catherine Côté, présidente de la Société québécoise de sciences politiques, le PQ doit revenir à la base, plus près des intentions du parti fondé par René Lévesque. « On voit qu’au sein du PQ actuel, on a voulu revenir à ça, avec le nationalisme économique qu’incarne M. Péladeau et la charte, qui permet au nationalisme du PQ de s’exprimer et qui l’a fait remonter dans les sondages », a dit Mme Côté, qui est également professeure à l’Université de Sherbrooke.

S’il était stratège péquiste, M. Bastien n’aborderait qu’un seul sujet d’ici la fin de la campagne électorale : charte, charte et charte. « Mais je me demande s’il sera possible de maintenir cet enjeu à l’ordre du jour pendant encore deux trois semaines étant donné qu’il y a eu tellement de débats sur le sujet… On a l’impression que tout a été dit ». Selon Catherine Côté, c’est le débat des chefs de jeudi qui va « asseoir » cette stratégie. « C’est là qu’on va voir si la stratégie va être viable tout au long de la campagne. »


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