Du club Canadien et d'autres bricoles menaçantes

Chronique d'André Savard

Les Canadiens ont des préjugés contre les Québécois. Ils sont collectivement fédéralistes et ils ont appris que ce système politique correspond à une moralité supérieure. Ils se jugent de nature universelle, autant que l’anglais est, disent-ils, une langue universelle. Ils ont tendance à penser que l’origine québécoise induit une sous-qualification morale. Comme la nation canadienne est soumise en entier à cette influence de fond, il est normal que les préjugés contre le Québec guident également les choix des dirigeants anglophones dans les ligues de hockey.
Écrivez cela et vous êtes assuré du déni le plus altier, de la morgue la plus totale. Alain Dubuc se gaussera de votre théorie du complot. André Pratte niera tout et, si vraiment la situation est indéniable, il retournera les accusations contre les indépendantistes. Il les accusera de se réjouir et de vouloir profiter d’un état de fait à la veille, d’ailleurs, de disparaître.
Bref, interdit d’écrire que la grande mosaïque canadienne, ce microcosme de l’humanité, est hanté par autre chose que l’amour universel qui embrasse entre autres la belle langue française bien perlée. Quand le journaliste Réjean Tremblay a noté l’exclusion des noms francophones de l’équipe olympique, on a secoué la tête, non, non, non.
Impossible que tout ceci soit prémédité. Impossible que la nation canadienne et son système politique dont le fruit est d’enfanter des cerveaux d’amour en faveur de la différence, produisent de la discrimination contre les francophones. Si les francophones brillaient par leur absence, c’est donc fatalement que leurs talents ne permettaient pas de constituer la meilleure équipe.
À force de raisonnements, on finit bel et bien par accuser Réjean Tremblay de pointer du doigt ce que tout le monde avait sous le nez. C’est exactement ce que l’on est en train de refaire. Le hic, c’est que le hockey sur glace est principalement dirigée par des gens issus de la culture canadienne et qui colportent les limites de la culture canadienne. Dire d’une culture qu’elle est universelle et qu’elle dépasse ses bordures et ses haines intrinsèques, c’est platement l’idéaliser puis refuser de l’analyser en vérité.
La drôlerie involontaire de la Commission Bastarache
Violette Trépanier, responsable du financement au Parti Libéral, a témoigné devant la Commissions Bastarache. Elle a affirmé que le fait de rassembler une cagnotte de $400,000 par année n’assurait aucune accessibilité accrue auprès des ministres. D’ailleurs, elle s’est montrée dubitative devant un montant aussi élevé que $400,000. Elle ne se rappelait pas que Fava avait lui-même déclaré recueillir cette somme.
Madame Trépanier, catégorique au sujet du droit d’accès aux ministres, est tout aussi catégorique pour dire ne rien connaître de l’agenda des ministres et de leur registre. Elle peut affirmer catégoriquement sans avoir à y jeter un coup d’oeil. D’ailleurs si registres il y a, ils sont actuellement filtrés. Monsieur le premier ministre, en sa qualité de fondateur, a bien le droit de veiller à ce que l’aboutissement de la preuve se fasse convenablement, avec tous les filtres nécessaires.
En attendant que les preuves aboutissent, celles qui sont chargées de contredire Marc Bellemare, on a quand même appris que Marc Bellemare pouvait utiliser trois stylos dans le courant d’une semaine. À l’ouïe de cette révélation fracassante, l’auteur de ces lignes a fouillé dans ses poches où il y avait précisément trois stylos. On peut en inférer que le phénomène est facilement observable dans les sociétés humaines et qu’il est jugé, par des perspicaces, comme indigne d’intérêt.
L’opération qui vise à blanchir le parti Libéral avec sa cohorte de membres de la famille, d’avocats sympathisants bat son plein. Nous avons sous le nez le forum installé par le gouvernement libéral pour faire témoigner en toute complaisance des Libéraux, décidés comme toujours à se livrer à des démonstrations lumineuses.
Michael Ignatieff, intellectuel universel, visite la patrie no 2
Le Canada est la patrie numéro un et le Québec est la patrie numéro deux. Michael Ignatieff a été plusieurs fois dans la patrie numéro 2 cet été. On ne voit personne lui demander pourquoi il a écrit que le Québec n’a pas de culture propre et est un simple effet de traduction. Il paraît que c’est une marque d’évolution, une faculté québécoise de faire la part des choses qui nous dispense de poser des questions. Et puis, on s’est tellement fait accuser de carburer au ressentiment...
Après tout, Michael Ignatieff est ici chez lui. Il l’a dit si brillamment. Le Québec est la terre du dernier repos de ses ancêtres, ce qui en fait une propriété familiale. Il vient dire aux Québécois que l’on n’a pas de choix que de voter pour lui car les Québécois doivent encourager l’alternance des gouvernements canadiens. Si le parti conservateur et le parti Libéral s’entendent pour dire que la nation québécoise est la province canadienne, Monsieur Ignatieff vient faire valoir qu’au moins les Libéraux seraient plus ouverts aux préoccupations sociales.
Le devoir du prochain gouvernement canadien est de dire que le Québec est la province du Canada et de fixer les conditions appartenance de la patrie numéro un à la patrie numéro deux.
Sur la base de ce principe, on peut bâtir une vraie politique, la politique du réel, c’est-à-dire celle qui correspond à l’acceptation des limites implantées. Élisons des “réalistes” libéraux, dit-il, car la réalité c’est le présent pour le présent, seul annonciateur possible de l’avenir.
Projets énergétiques
Il n’est pas possible de réduire les gaz à effets de serre sans des projets énergétiques. Pour le Québec, cela passe par l’hydroélectricité. À l’échelle du globe, si on veut réduire la consommation du charbon et toutes les énergies fossiles, on doit recourir au nucléaire. Entre deux maux, on choisit le moindre.
Les écologistes feraient mieux de militer pour un développement de la recherche afin que l’on facilite l’intégration du solaire à l’architecture et pour que la construction des centrales nucléaires obéissent à des normes strictes partout dans le monde. Lutter contre le pétrole en se braquant d’un même souffle contre le nucléaire, c’est engager l’humanité dans un pari impossible.
On peut ralentir la demande exponentielle pour l’énergie mais on ne peut l’éviter. Pour contrer les gaz à effet de serre, les écologistes ont tort de lever le nez et de rembarrer une source énergétique qui reste une alliée. Le Québec devrait se donner pour mission d’électrifier au maximum les moyens de transport chez lui. Dans la plupart des autres pays, l’uranium est sûrement la substance incontournable si on veut lancer un plan énergétique alternatif qui soit à la mesure des sociétés technologiques.
Le solaire peut énormément améliorer le bilan énergétique du secteur résidentiel. Il faudra cependant que des parcs immobiliers au complet soient construits avec les nouveaux dispositifs. Hydro-Québec a déjà peaufiné l’intégration du solaire à l’architecture. Elle doit maintenant songer à un plan plus vaste d’implantation. Plus une pratique est généralisée, plus les coûts d’installation diminuent. Radio-Canada nous apprenait qu’il en coûtait en moyenne $100,000 pour doter sa maison de plaques solaires intégrées.
Le Québec peut dans une situation optimale s’émanciper du nucléaire et des énergies fossiles. Les mesures applicables au Québec ne le sont pas partout sur la planète et il est irréaliste de radier l’exploitation de l’uranium dans le train des mesures aptes à contrer les changements climatiques.
Gaz de schiste
C’est tirer dans le pied d’un projet énergétique que de le faire passer sous le manteau. C’est une très mauvaise idée que de faire la promotion d’un projet en disant que les autorités vont peut-être adopter des règlements à mesure, mais que, sûrement, ça ne tournera pas mal... et puis qu’on va voir, suffit de lire la documentation quand elle arrivera, ainsi que le déclare la ministre Normandeau. C’est dire à la population que, comme gouvernement, on ne sait pas de quoi on parle ou qu’on est biaisé.
Fatalement, les populations locales finissent par se demander où sont les normes sécuritaires. Dans le cas de l’uranium, l’idée d’une zone d’exploitation à l’orée d’une ville a fait croire au caractère improvisé de toute l’affaire. Dans le cas du gaz de schiste, la population a appris que des compagnies gazières étaient en quelque sorte propriétaires du sous-sol mais que l’on garantissait aux citoyens le droit d’occuper la surface.
Après on a eu droit à de longues analyses sur les Québécois, ennemis systématiques du développement économique. Deux semaines encore, et on lira que c’est parce que nous avons des racines catholiques et que les pays protestants s’en tirent mieux.
Il est contre-productif de développer le gaz de schiste avec le système de permis mis sur pied par le gouvernement libéral. Ce système de permis octroie des droits d’exploitation exclusifs d’une durée de vingt ans qui accompagnent les droits d’exploration déjà accordés. En contrepartie, sans explication fouillée, on nous dit que la nationalisation est loufoque et on nous promet des droits compensatoires. De quelle compensation parle-t-on quand le bail est signé, le loyer fixé à un prix symbolique et que le champ est libre pour vider la ressource pour vingt ans?
Avant de dire que la nationalisation est loufoque, il faudrait sortir des nuées. Le rapport d’impact soumis pour études est largement en-dessous des standards habituels. Le ministère soumet au Bureau des audiences publiques sur l’environnement, un document technique sans bibliographie, très mince et fait à la va-vite. Les gens du ministère ont tout juste eu le temps de recenser douze produits chimiques utilisés par l’industrie gazière alors que des études exhaustives relèvent plus de mille composés chimiques utilisés.
À cette étape où nous en sommes, les foreuses s’activent. On a tout lieu de craindre la déresponsabilisation sociale et environnementale des compagnies gazières accompagnée de la maximisation de leurs profits.
André Savard


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